“Le droit ne se tient réellement droit que pour autant qu’il soit respecté” (fr)

Bern, 30.06.2014 - Genf, 30.06.14 - Ansprache von Bundespräsident Didier Burkhalter anlässlich des 3. Staatentreffens für die bessere Einhaltung des humanitären Völkerrechts - Es gilt das gesprochene Wort

Monsieur le Président du CICR,
Mesdames et Messieurs les représentants des gouvernements,
Mesdames, Messieurs,

«Animés du désir d’adoucir les maux inséparables de la guerre», les Etats se sont réunis à Genève à l'été 1864 et ont adopté la Convention de Genève pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne. Aujourd'hui, exactement 150 ans plus tard, l’esprit du préambule de la première Convention de Genève nous anime toujours : les conflits armés continuent de causer des souffrances incommensurables.

Un siècle exactement après le début du premier conflit mondial, trois-quarts de siècle après le début du second et à un moment où notre monde est touché par de graves crises, il est important de s’en rappeler.

Or, une grande partie de ces souffrances pourrait être évitée si les parties aux conflits respectaient le droit en vigueur. Afin d’adoucir les maux inséparables de la guerre, nous nous rencontrons aujourd’hui pour nous doter d’instruments qui permettent de mieux faire respecter ce pilier de l'ordre juridique international. Aujourd’hui, nous sommes plus près de ce but que jamais. Mais, comme en sport, être près du but ne signifie pas encore que l’on a gagné.

Depuis 150 ans, le droit international humanitaire s'est fortement développé. Sa portée a été étendue aux prisonniers de guerre et aux personnes civiles. Il offre aujourd'hui en théorie une protection appropriée aux victimes des conflits armés.

Mais chaque femme violée dans un conflit armé, chaque prisonnier de guerre maltraité, chaque enfant enlevé, chaque civil tué, chaque attaque contre ceux qui se consacrent à la cause de la protection des victimes, est un drame de trop. Chacun de ces actes odieux nous rappelle que nous devons faire encore plus et encore mieux pour renforcer le respect du droit humanitaire. Car le droit ne se tient réellement droit que pour autant qu’il soit respecté.

Mesdames, Messieurs,

Le droit international humanitaire repose sur une revendication simple, mais essentielle: protéger, et soigner si nécessaire, les personnes qui ne participent pas ou plus aux hostilités, quelle que soit leur appartenance.

En juin 1859, après la bataille de Solférino, un genevois, Henry Dunant, avait été témoin des souffrances atroces de milliers de soldats blessés au combat et abandonnés à leur sort sur le champ de bataille. C’est cette expérience qui le mena à la création du CICR quatre ans plus tard et à l’élaboration de la première convention de Genève en 1864.

Depuis lors, la Suisse fait office d’Etat dépositaire des Conventions de Genève, qui constituent le cœur du droit international humanitaire. La Suisse, pays neutre et dont l’histoire est intrinsèquement liée à celle du développement du droit international humanitaire, s’engage pour le défendre, à la fois pour le bien de la communauté internationale et pour protéger les femmes, les hommes et les enfants, les personnes les plus vulnérables, au sein des conflits armés.

Mais la Suisse n’est pas seule.


En ratifiant les Conventions de Genève de 1949, nous avons tous pris l'engagement «de respecter et de faire respecter» le droit international humanitaire en toutes circonstances. Les Etats sont donc solidairement responsables de son respect.

Nous avons tous le devoir de mettre en œuvre ce droit efficacement au niveau national et international. Nous avons tous pris un engagement solennel devant l’humanité et en vertu de notre humanité. Nous devons à présent mettre cette promesse en action et agir afin de renforcer le droit, afin de protéger mieux les plus vulnérables en temps de conflits armés.

Mesdames et Messieurs,

Le monde a dû attendre la conférence diplomatique de Genève de 1864 pour que le droit humanitaire s’impose à la conscience des peuples et de leurs gouvernements.

Mais les principes humanitaires sont bien plus anciens que cela, ils ont une origine universelle, leurs racines sont partout. De tout temps et en toutes civilisations, des chefs religieux, des hommes et femmes d'Etat, des chefs militaires, des penseurs visionnaires ont formulé des règles pour limiter la brutalité de la guerre. Amener le souffle chaud de l’humanité au sein même de souffrances inhumaines.

Dès ses débuts, l’Islam promulguait des règles à caractère humanitaires. Les soldats avaient ordre de ne tuer ni femmes ni enfants ni vieillards. Il leur était recommandé d'épargner les arbres fruitiers et le bétail (on parlerait aujourd’hui des biens indispensables à la survie de la population civile), et de ne pas détruire de lieux habités. La neutralité des religieux était affirmée.

Ces règles contiennent un grand nombre de principes qui sont toujours d'actualité aujourd'hui.

L’Inde ancienne connaissait elle aussi des principes humanitaires qui nous sont parvenus, notamment par les «Lois de Manou». Elle connaissait le principe de distinction bien avant qu'il ne fût inscrit dans notre droit international humanitaire: les combats ne devaient pas être dirigés contre les personnes qui ne prenaient pas ou plus part aux hostilités. La réquisition et la captivité, étaient réglementées; les armes empoisonnées étaient interdites. Ces principes sont encore valables aujourd'hui.

Je ne vous ai cité là que deux exemples. Mais quelle que soit la période à laquelle on se réfère, on retrouve une volonté de supprimer les souffrances inutiles des conflits armés, «d’adoucir les maux inséparables de la guerre».

Les hommes et les cultures diffèrent, mais la nature humaine est partout la même.

La protection des plus faibles est une valeur universelle, elle vaut dans toutes les cultures, elle n’est pas le produit du droit international moderne. Ses règles puisent leur force intemporelle dans leur caractère universel, car elles visent à préserver notre essence même : la dignité humaine.

Mesdames et Messieurs,

Nous devons agir ensemble ! Nous sommes en bonne voie, mais il nous faut décider d’avancer plus concrètement encore.
Quelles étapes ont été franchies jusqu'à présent?


La 31e Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a adopté la résolution sur le renforcement de la protection des victimes des conflits armés. Elle a reconnu la nécessité d’améliorer le respect du droit humanitaire et de consolider le dialogue entre Etats.
Afin de mettre en œuvre cette résolution, la Suisse et le CICR ont lancé en 2012 une initiative diplomatique conjointe. Lors d’une première réunion informelle des Etats, il a été rappelé que le cadre juridique régissant la conduite des hostilités et la protection des victimes était globalement suffisant.

Les délégations étaient unanimes à déclarer qu’en revanche les mécanismes prévus pour assurer son respect se sont jusqu’ici révélés inadéquats.

Les débats qui y ont fait suite ont notamment visé à évaluer les faiblesses des mécanismes existants. (procédure d’enquête des Conventions de Genève, système des Puissances protectrices et Commission internationale humanitaire d’établissement des faits).

Le constat est clair: ces mécanismes, à l’exception de la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits, ne sont guère réformables. Conçus pour les conflits armés internationaux, ils ne peuvent pas tenir compte des particularités des conflits non internationaux qui constituent la majeure partie des conflits armés contemporains.

La deuxième réunion des Etats, en juin 2013, a confirmé la nécessité de concentrer les efforts sur la création de nouveaux mécanismes.
La réunion a permis d’identifier des instruments favorisant un meilleur respect de droit international humanitaire.

Lors des discussions préparatoires, nous avons réfléchi à la conception de ces instruments. A présent, les contours d'un système visant à renforcer le respect du droit international humanitaire sont clairement visibles. C’est une chance exceptionnelle pour notre humanité et il est de notre devoir de la saisir. J’aimerais évoquer les quatre composantes principales de ce système.

1. Des rapports périodiques. Ce sont des outils efficaces qui nous permettront d’identifier à temps les défis. Ces rapports permettront de dresser des bilans nationaux et d’identifier les enjeux communs.
De nombreuses questions se posent en effet dans les mêmes termes pour les Etats. Pensons à la privation de liberté dans les conflits armés non internationaux, ou aux conséquences de la délocalisation des combats dans des zones habitées. Ces rapports serviront aussi – et surtout – à souligner des exemples positifs du respect du droit humanitaire.
Encourageons et partageons ces bonnes pratiques ! Des rapports périodiques alimenteront le dialogue entre Etats sur leurs expériences dans la mise en œuvre. Ils nous aideront à coordonner nos efforts et à nous soutenir mutuellement : de la formation des forces armées à des échanges sur l'expérience acquise lors de l'exécution d'une obligation spécifique, par exemple pour déterminer si une nouvelle arme est conforme au droit humanitaire.

2. Des concertations régulières et systématiques. Dialoguer régulièrement et de manière approfondie sur les défis les plus urgents nous permettra de mieux appréhender ensemble les défis liés à l’évolution de la nature des conflits armés et aux nouvelles technologies. Nous devons éviter que l'application correcte du droit se fasse dépasser par des évolutions techniques ou d’autres développements, sans que nous puissions en anticiper pleinement les conséquences pour le droit humanitaire. C’est par exemple le risque dans le domaine des entreprises militaires et de sécurité privées et c’est le cas pour l’emploi de nouvelles armes, par exemple des armes appelées « non létales ». Des discussions thématiques nous permettront de développer une vision commune de la bonne façon d'appliquer le droit humanitaire avant que des problèmes ne surgissent, de mieux comprendre nos obligations, d'améliorer notre manière de les honorer.

3. Un mécanisme d’établissement des faits. Lorsque, dans la fureur des combats, le droit humanitaire est foulé aux pieds, nous devons pouvoir réagir, ensemble. Différents points de vue existent quant à un possible mécanisme d’établissement des faits. La Suisse vous encourage vivement à poursuivre cette discussion dans un esprit ouvert et constructif afin que les Etats se mettent d’accord en la matière.

4. Le dernier point enfin est l’institutionnalisation des éléments précédents. C’est essentiel. Les rapports périodiques, débats thématiques et un mécanisme d’établissement des faits sont importants pour renforcer le respect du droit international humanitaire.
Toutefois, il faut un cadre, un forum, un lieu qui permettra de structurer ces instruments et ces échanges. Un grand nombre des Etats participant à ce processus considèrent l'établissement d'une réunion des Etats comme essentielle pour mieux respecter et mieux faire respecter le droit international humanitaire.
Les Conventions de Genève n’instaurent pas de réunion de ce genre. Par conséquent, la mise en œuvre du droit humanitaire souffre d’un manque d’institutionnalisation et de coordination. Chacun élabore des mesures pratiques pour lui, sans les porter à la connaissance des autres. Il n’y a pas de dialogue régulier et structuré sur les aspects les plus urgents du droit international humanitaire. Les conditions nécessaires pour assurer que tous les Etats aient les compétences et les capacités pour mettre en œuvre le droit humanitaire ne sont pas réunies.
Avec la convocation régulière d'une réunion des Etats, le droit international humanitaire deviendra un point permanent de l'ordre du jour de la diplomatie multilatérale. Un phare dans la tourmente du monde.
Pour être efficace elle devrait se tenir annuellement. Elle favorisera ainsi l'enracinement, dans la conscience collective de l'humanité, des principes du droit international humanitaire et de leur application. Elle développera la culture de l’humanitaire au plan mondial.

Mesdames et Messieurs,

Vous avez débattu durant l’année passée des composants envisageables d'un système de respect du droit humanitaire.
Bon nombre de propositions qui en ont résulté ont atteint aujourd'hui un degré de maturité remarquable. Il s’agit aujourd’hui de faire un pas en avant et de consolider cette ébauche. Mettons-nous d’accord là où cela est possible, et travaillons l’année à venir sur les points où un accord n’est pas encore à portée de main.

La Suisse et le CICR organiseront de nouvelles discussions préparatoires au cours de l’année à venir pour examiner en profondeur les questions en suspens. Une quatrième réunion des Etats aura lieu au début de l'été 2015. Celle-ci sera la dernière tenue dans le cadre de nos consultations basées sur la résolution de la 31ème Conférence internationale. Toutes les Hautes Parties contractantes des Conventions de Genève seront invitées à y participer activement.

Mesdames et Messieurs,

Jamais des solutions concrètes n’ont été si proches d’aboutir. Et pourtant il reste des efforts considérables à faire en commun. Conformément à la résolution adoptée par la dernière Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, la Suisse et le CICR présenteront à la prochaine Conférence, fin 2015, un rapport où figureront les résultats de nos consultations.

A l'issue de cette prochaine Conférence, la Suisse est prête à jouer un rôle spécifique, si cela est souhaité et utile, et à s’engager avec détermination afin que la réunion des Etats ait les moyens de s’établir de manière permanente et stable. Au nom de mon pays et dans l’esprit des Conventions de Genève, je vous remercie de votre engagement d’aujourd’hui, d’autant plus s’il permet les vrais progrès de demain.


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