1500 Jahre Abtei von Saint-Maurice

Bern, 21.09.2014 - Rede von Bundesrat Alain Berset anlässlich des 1500-jährigen Jubiläums der Abtei von Saint-Maurice – Es gilt das gesprochene Wort.

J'ai grand plaisir à être aujourd'hui parmi vous en cette abbaye plus que millénaire.
J'aimerais, si vous le voulez bien, commencer par ces quelques mots de Labé... Louise Labé, grande poétesse du XVIe Siècle. Elle nous parle du plus complexe des sentiments: l'amour.

«  (...) mon amour inconstamment me mène
Et quand je pense avoir plus de douleur
Sans y penser, je me trouve hors de peine »*

L'amour est un mystère. Il nous porte en avant et nous fait aussi douter, il nous blesse et nous guérit. C'est en lui que nous trouvons refuge.

Dans cet esprit, je crois sincèrement que seul un grand amour  peut être à l'origine de ce lieu. Un amour d'une nature toute particulière, qui voici 1500 ans a poussé quelques hommes d'Eglise à ériger ces murs comme ils levaient la tête au ciel, songeant à ce Maurice devenu saint et à ses compagnons d'infortune. Des compagnons débarqués par milliers d'Afrique pour mourir loin de chez eux sur cette terre étrangère.

Malheureusement, leurs cris ne portent plus aux oreilles aujourd'hui de tous ceux qui, comme eux, regardent l'Europe par-delà les eaux bleues d'une mer qui les brisera. Sachons au moins l'entendre nous, ce son funeste des cris de saint Maurice et de ses compagnons martyrisés, pour ne jamais rester insensibles aux drames de l'exil qui s'invitent de plus en plus souvent dans notre actualité.


Nous inaugurons aujourd'hui, jour anniversaire de ce martyre, l'année de célébration de la fondation d'un site qui, dès l'an 515, allait marquer l'histoire non seulement de l'Eglise en formation et en expansion, mais aussi d'un canton et d'un pays en devenir.
Si ce pays est aujourd'hui devenu un Etat fédéral laïc garantissant notamment la liberté de conscience et de croyance, l'on ne saurait feindre d'ignorer le rôle prépondérant qu'ont  joué l'Eglise et les Eglises dans l'histoire de notre pays et par conséquent dans notre culture.
Mais la culture, ce sont aussi et avant tout les arts et sur ce point tout particulier, la célébration des 1500 ans de l'Abbaye de Saint-Maurice et l'exposition de ses trésors sont significatives à bien des titres.
Au niveau architectural tout d'abord, l'Abbaye de Saint-Maurice est un authentique bijou sis dans un écrin de falaises qui tout à la fois protègent et menacent. Taillée dans le granit, la basilique de l'abbaye forme un trait d'union vertical entre les rochers et le cloître. Elle paraît bâtie pour transmettre aux hommes toute la force de la nature.
Vieux de plus de 1500 ans dans ses fondations, l'édifice est presque jeune parmi les montagnes qui le cernent. L'ensemble évoque un tableau de cohésion sereine, dont les chanoines seraient tout à la fois les personnages centraux et les gardiens éternels. Plus que tout autre élément, c'est à la sagesse et à la force de la communauté des chanoines que l'Abbaye de Saint-Maurice doit sa longévité exceptionnelle. Je tiens à rendre ici à ces hommes de foi un profond hommage.

A l'intérieur de la basilique, l'œil est charmé par les fresques. Si l'on y célèbre un mariage tous les jours, c'est celui des couleurs qui, voyageant entre murs et vitraux, viennent s'unir au cœur de la nef. Quant aux trésors gardés au sein de l'abbaye, que les visiteurs du Louvre ont pu contempler cette année à Paris, ils sont les chefs-d'œuvre de manufacturiers esthètes dont le travail a défié les siècles.
Je vois dans tous ces édifices et trésors l'accomplissement d'une forme particulière de l'intelligence humaine. L'intelligence artisanale qui ne se réalise que par l'apprentissage, et dans la maîtrise des métiers de l'art. Il n'y a pas d'art, ni par conséquent de culture, sans une solide formation. Penser le contraire, c'est mépriser le rôle joué par le travail et les travaux dans la réalisation des plus grandes œuvres.
Il me paraît essentiel de ne pas l'oublier, à notre époque d'immédiateté, où l'on voudrait nous faire croire que n'importe quel résultat peut s'atteindre sans effort ni méthode.
Comment parler de la formation sans penser à l'éducation ?
A l'occasion des 1500 ans de l'Abbaye de Saint-Maurice, il me faut parler de son prestigieux collège et rappeler  l'enseignement d'excellence dispensé par ses chanoines et leurs collaborateurs. Un enseignement classique qui a su transmettre le goût de la lecture et des grands textes à de très nombreuses générations. Parmi ces grands textes, je pense à ceux des auteurs grecs et latins qui me sont si chers, et qui nous aident encore à penser et à comprendre le monde. C'est aussi en cela  que l'Abbaye de Saint-Maurice est un haut-lieu de culture.

La commémoration de la fondation de l'Abbaye de Saint-Maurice nous interroge enfin sur notre rapport au temps qui passe.
Tous les chefs-d'œuvre que nous contemplons dès aujourd'hui ont traversé le temps. Ils sont le lien fragile entre les hommes et les femmes que nous sommes aujourd'hui et les hommes et les femmes qui étaient là il y a plus de mille ans. 
En 1500 ans, c'est toute notre société occidentale qui a évolué, sous l'impulsion notamment de la sagesse et de la science : en un mot du progrès. Le progrès transforme les hommes et les femmes. Il fait évoluer leurs valeurs, leur culture et même leurs croyances. Il leur octroie des droits mais aussi des devoirs. C'est un fait. Les Etats le savent, les religions ne peuvent l'ignorer.

Tout comme il y a 1500 ans, la spiritualité continue à jouer un très grand rôle dans notre monde  moderne. Le message humaniste dispensé depuis des siècles par l'Eglise et les Eglises est encore très présent. Il a façonné des pans entiers de notre société, et le catholique laïc que je suis ne peut que reconnaître et apprécier cet immense héritage.
Malheureusement, à côté de cela, des individus en perte de repères se réfugient aussi dans l'espoir que leur font miroiter certains marchands de croyances qui, sous le couvert de vocables religieux ou politiques, n'ont  de cesse que d'attiser la haine et de diviser.
Les Etats et les religions reconnues portent ici une grande responsabilité. Ils doivent agir de concert pour rétablir la confiance entre tous les hommes issus de cultures différentes, et les rassembler en prônant la tolérance et le respect des droits humains. Seule la tolérance responsable permet de lutter contre la montée de tous les fanatismes, qu'ils soient politiques ou religieux.
C'est d'ailleurs dans ce sens que ne manque jamais de s'exprimer le Pape François dont les propos touchent, par-delà les convictions religieuses. L'on admirera dans quelques instants les trésors de l'Abbaye de Saint-Maurice. J'ai pu constater pour ma part que le Pape possède aussi un trésor qui se monte à plusieurs millions. 12 millions de « followers » sur Twitter. Les prises de positions courageuses du Pape François feront peut-être un jour de l'oiseau Twitter une colombe de la paix.
Je lis chaque jour avec effroi le récit de vie de tous ces jeunes Occidentaux égarés, partis en Orient répandre la terreur et trancher la tête de leur prochain. Ils s'imaginent être des hommes de foi alors qu'ils ne sont que bandits sans foi ni loi. Mais la religion, ça n'est pas, ça ne doit plus être ça.

La tolérance et l'éducation, la formation et le travail sont des ingrédients de culture. Ils servent à combattre les injustices et les inégalités qui, inexorablement, mènent aux conflits les plus barbares. Ce sont toutes ces valeurs culturelles positives que l'important jubilé de l'Abbaye de Saint-Maurice nous permet aussi de rappeler et de célébrer.
J'aimerais terminer par une citation. Elle n'est pas de Saint Thomas, mais de Saint-Amant. Marc-Antoine Girard, sieur de Saint-Amant, poète français du XVIIe Siècle qui fut, tout comme Maurice, un ancien soldat. Il posa un jour les armes pour la plume et le fracas paisible des mots.

Si j'ai choisi de citer aujourd'hui deux anciens poètes issus du monde laïc, c'est aussi pour donner la pleine mesure de l'universalité de toutes les valeurs véhiculées par l'Eglise et les Eglises. Notre société civile en est imprégnée, et ce depuis fort longtemps.

Or donc, voici ce que nous dit Saint-Amant :

« Qu'as-tu fait de ton cœur ? Qu'as-tu fait de ta foi ?
Ou plutôt de toi-même, au trouble où je te vois ?
Sont-ce là les trésors, les fruits de la sagesse
Dont le ciel t'a doté avec tant de largesse ?»**.

La culture, c'est au fond ce qui permet d'entretenir la sagesse et il nous revient d'en prendre grand soin, sans quoi nous risquons de nous perdre, dans notre cœur comme dans nos croyances. Les anciens Grecs, les vieux penseurs chinois l'avaient compris, avant même la fondation de l'Abbaye de Saint-Maurice en 515.

Puisse cette très noble institution continuer à répandre sagesse et culture comme elle expose aujourd'hui ses trésors.

Bon jubilé à tous !

 

* tiré du sonnet VIII.

**tiré de Moïse sauvé.

  


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