“Prévenir – si l’on veut pouvoir guérir” (fr)

Bern, 26.01.2015 - Genf, 26.1.2015 – Ansprache von Bundesrat Didier Burkhalter anlässlich des Weltkongresses zum Jugendstrafrecht – Es gilt das gesprochene Wort

Mesdames, Messieurs,

Il y a quelques mois, en octobre passé, j’ai accueilli en Suisse une jeune femme, Mme Victoria Nyanjura. Originaire d’Ouganda. Elle a été enlevée par un groupe armé lorsqu’elle avait 15 ans et contrainte à vivre en captivité, comme esclave, pendant huit ans. Le témoignage de son adolescence est bouleversant. Elle raconte comment elle a connu de nombreux enfants qui furent forcés de perpétrer des crimes d’une violence sans nom - et sans âme - contre leur communauté, contre leurs proches, contre leurs familles. Des enfants qui sont des victimes, à qui on a volé leur enfance, cadeau si précieux pour la vie, des enfants-victimes qui sont forcés à en faire d’autres.

On estime le nombre des enfants-soldats dans le monde à 250'000. J'ai souhaité que la Suisse s'engage plus fortement dans la lutte contre ce phénomène. Nous avons développé et présenté l'an dernier un plan d'action.

Chaque cas d'enfant soldat pose un défi particulièrement lourd à la justice juvénile et souligne la nécessité d’une approche adaptée à la victime et à sa communauté. Le châtiment ne peut pas être le premier but du système judiciaire lorsqu’il a en face de lui un enfant qui doit construire sa vie et qui doit participer à la construction d’une société. Dans ces cas-là, le système judiciaire doit avoir une fonction réparatrice.
Parce que l’infraction détruit, la justice doit aider à réparer. Elle ne saurait être là pour détruire davantage!

Les atrocités que les enfants soldats sont forcés de commettre sont un exemple extrême dans lequel les défis pour la justice juvénile sont particulièrement élevés. Mais tout enfant et tout jeune qui entre en conflit avec la loi est en droit d’attendre un traitement particulier de la part du système judiciaire car il bénéficie d’une protection spéciale, due à la nature même de l'enfance, une protection reconnue et assurée par la Convention relative aux droits de l’enfant.

Si la justice juvénile concerne en premier lieu les enfants en conflit avec la loi, il est aussi important, bien sûr, de ne pas perdre de vue les enfants victimes et les enfants témoins: eux-aussi sont vulnérables ; eux aussi ont une dignité et un statut dont la défense exige des égards particuliers. Parce qu'ils sont des enfants!

Or nous savons depuis longtemps, au moins depuis Jean Piaget - un Neuchâtelois qui a changé notre vision de l'enfant dans le monde, depuis cette ville de Genève où nous nous réunissons aujourd'hui - nous savons que les enfants sont précisément des enfants, pas des adultes en miniature. Ils sont ces êtres en construction, qui développent leur intelligence du monde en assimilant ce qu'ils y découvrent.

Nous ne voulons pas qu'ils assimilent une perception violente, brutale, injuste du monde! Ni de la justice. Par respect pour l'enfance, pour la justice, pour l'avenir.

Dans de nombreux pays, les moins de 18 ans représentent entre 40 et 50 % de la population. Ce chiffre est tout d’abord une extraordinaire promesse d’avenir; c’est de l’énergie, de l’espoir, du talent et de la créativité pour bâtir le monde de demain. C'est un monde plein de vie!

En même temps, tous les pays sont confrontés à des infractions commises par des enfants et des jeunes et à la difficulté d’apporter des réponses appropriées aux questions que ces infractions soulèvent: comment éviter la récidive et réussir la réinsertion? Comment prévenir la violence institutionnelle envers les enfants soumis aux procédures judiciaires? Comment favoriser la participation d’un enfant, selon son âge et sa maturité, à sa propre réinsertion? Comment assurer pour l’enfant que des fautes commises dans la jeunesse ne minent toute sa vie ? Comment assurer au mieux la protection du reste de la société?

La justice juvénile doit avoir une place importante dans les réformes du système judiciaire. Elle doit être un vecteur à la fois de prévention, de protection, de sanction et de réinsertion des enfants en conflit avec la loi. Pour les aider à continuer de se construire en partant sur des bases saines et pas sur une vision dévoyée et dangereuse du monde.

Cette exigence nécessite une approche éducative qui garantit des effets durables sur leurs comportements et sur l’initiation aux responsabilités que ces enfants exerceront dans leurs communautés.

J'ai rencontré de très nombreux jeunes l'an dernier, en Suisse et dans le monde. J'ai dialogué avec eux et je les ai beaucoup écoutés. Et j'ai essayé de les sensibiliser à leur rôle, leur responsabilité, envers eux-mêmes et envers ceux qui les suivront. Quels moments passionnants quand je voyais leur regard changer et soudain s'illuminer lorsqu'ils se rendaient compte que leur action impliquait une préparation de l'avenir : pour des enfants qui seront les leurs et qu'ils n'avaient pas encore vraiment imaginé qu'ils les auraient un jour. Nous sommes tous des passeurs de témoin qui devons penser à ceux qui viendront après.

Pour cette raison, la Suisse est heureuse de cette réunion d'aujourd'hui à laquelle elle vous souhaite la bienvenue. Mon pays est actif pour échanger ses expériences et ses experts dans le domaine de la détention de jeunes dans divers pays. Avec le Sénégal notamment, où la justice juvénile constitue un domaine de coopération et plus particulièrement la formation pour les professionnels. Avec la Russie aussi où la collaboration se situe autour de la réforme du système pénitentiaire juvénile. Ou encore avec la Chine: dans le cadre du dialogue des droits de l’homme que
nous menons avec ce pays, comme avec d'autres, nous procédons à des échanges sur les questions liées à la détention des jeunes.

C’est dans le même esprit que la Suisse lutte pour l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances, mais tout particulièrement lorsqu’elle est infligée à des mineurs : c’est une punition cruelle et inhumaine qui ne doit avoir aucune place dans un système de justice juvénile moderne. Tuer un enfant, c'est la négation même de notre humanité.

En Suisse, la Constitution fédérale ancre, dès son préambule, l’idée selon laquelle la force de la société se mesure au bien-être du plus faible de ses membres. La protection des plus faibles est une idée au cœur de la justice juvénile en Suisse. Les sanctions adoptées dépendent principalement des besoins de l’enfant ou de l’adolescent concerné – et de la nécessité de le réintégrer dans la société par des mesures éducatives - et non de la gravité de son acte ou de sa faute. Mais cette justice juvénile ne saurait évidemment être naïve, pour protéger la société et l'enfant lui-même, au besoin de lui-même. Une autre considération de taille est donc la prévention de la récidive, tout comme la prévention de la délinquance juvénile.

Mesdames, Messieurs,

Les normes internationales, tout comme les obligations et engagements que les Etats ont pris - que nous avons tous pris - en matière des droits de l’enfant, donnent les principaux éléments qui doivent nous guider sur le rôle de la justice quand elle s’applique aux mineurs.

Le droit international que nous avons élaboré ensemble prévoit que les Etats mettent en place des lois et des autorités spécifiques pour les mineurs. Il prévoit que l’on minimise la privation de liberté. Il prévoit que l’on favorise des alternatives aux châtiments.

Il prévoit également que l’on mette en place une justice adaptée aux enfants et attentive à leur âge. Cela implique la participation de l’enfant, qu'il soit informé de ses droits, qu'il ait un accès approprié à la justice, qu'il soit consulté et entendu dans les procédures le concernant.
Bref le droit international prévoit que nous devons prévenir si nous voulons réellement pouvoir guérir.

En dépit de toutes ces règles que les Etats ont élaborées ensemble, la justice juvénile souffre encore de déficits dans sa mise en œuvre. Elle n'a pas encore elle-même atteint l'âge adulte. Nous devons continuer de la faire évoluer et agir conjointement afin de pallier ces déficits.

La Suisse appuie les efforts menés par le système des Nations Unies pour le renforcement de la justice juvénile, la promotion de la justice réparatrice, mais aussi l’élimination de toute forme de violence à l’égard des enfants, que ce soit les enfants en conflit avec la loi, les enfants victimes ou les enfants témoins.

Mesdames et Messieurs,

Une collaboration étroite entre les Etats et la société civile est essentielle pour réaliser des progrès.

Je suis heureux que ce Congrès mondial rassemble pour la première fois les différents partenaires, dont les Etats, les ONG et les représentants de la société civile, pour ce travail et ce devoir communs. Ce Congrès est une chance d’améliorer la coopération internationale en matière de justice juvénile. Il faut la saisir.

Merci d'être venus nombreux à Genève, ville de paix et de dialogue. La Suisse est heureuse d'être associée, avec la Fondation Terre des Hommes, à cet évènement: les enfants sont le cœur de l’avenir. Et ils sont aussi au fond de notre cœur.

Merci.


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