Pour relever les défis, il faut du courage et de la foi

Porrentruy, 01.08.2014 - Discours du conseiller fédéral Johann N. Schneider-Ammann, Chef du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche DEFR

Nomen ist omen, est-il convenu de dire. Un nom est un présage. Alors je suis vraiment très heureux de pouvoir fêter ce 1er Août ici, avec vous, ici, à la ferme du Bonheur. Avec un tel nom, il n'est pas possible de se tromper : la chance nous sourira à tous, la joie de vivre sera partagée. 

Je m'en suis fait une règle : le jour de la Fête nationale, je veux visiter des régions que je fréquente moins facilement dans le courant de l'année. Je veux rencontrer des hommes et des femmes que je n'ai pas la chance de rencontrer au cours de mes activités ordinaires de Conseiller fédéral. Je veux vous rencontrer vous.

Votre canton ne m'est certainement pas inconnu. Depuis quelques mois, je m'y rends d'ailleurs plus régulièrement. Un nouveau membre de ma famille y a emménagé il y a deux ans. C'est mon cheval Voltero.  Un poulain des Franche-Montagnes - la seule race chevaline suisse - qui m'a été offert par les éleveurs de votre canton lors du marché concours de Saignélégier en 2012. Une drôle de surprise!  Mais elle a conquis mon cœur.

Voltero me permet de m'échapper de temps à autre dans votre canton qui l'héberge.
Je peux vous assurer: il se porte bien dans votre canton. Moi aussi d'ailleurs. Merci. 

Votre beau canton est un canton frontalier. Comme tous les cantons frontaliers - je pense au Tessin, je pense à Genève - vous êtes particulièrement exposés à la concurrence de la main d'œuvre venant de notre grand voisin. Je sais que cela vous préoccupe.

Certes, votre canton a assez nettement refusé le système des contingentements que la majorité des Suisses ont accepté. Mais au cours de la campagne qui a précédé la votation du 9 février dernier sur l'immigration, de nombreuses voix se sont élevés au Jura pour exprimer des inquiétudes.  

Mesdames et Messieurs, restons dans la thématique. Vous le savez peut-être pas - en tout cas moins qu'en  Suisse alémanique, - mais une de mes devises favorites c'est: „Ich will Ordnung im Stall" - Je veux de l'ordre dans l'écurie!

Ce n'est pas qu'un slogan. Cela veut dire : je veux les même règles pour tous et je veux qu'elles soient respectées

C'est particulièrement important en ce qui concerne les mesures d'accompagnement. Celles-ci ne sont pas sensées restreindre la liberté du marché. Bien au contraire. 

Elles doivent garantir la liberté du marché. Or, cette liberté n'est possible que si les mêmes règles valent pour tous. Il ne doit pas être possible de contourner les lois et règlements suisses avec  de la main d'œuvre bon marché.

Pour cette raison, il est très important pour moi que les mesures d'accompagnement soient réellement mises en œuvre. Nous nous engageons à fond pour cela. 

La Berne fédérale n'est donc pas aussi loin des préoccupations des gens que certains le prétendent. Je vous le garantis : vous recevrez tout le soutien dont vous pouvez avoir besoin. Votre gouvernement le sait. Les partenaires sociaux le savent. Ensemble,  - au sein des commissions tripartites -, ils veillent que les mesures d'accompagnement soient respectées.

Chères Jurassiennes, chers Jurassiens,

La Suisse fête aujourd'hui son anniversaire. Fêter, c'est toujours un plaisir. Et pour que cela soit dit d'entrée : je vous souhaite à tous une belle et brillante fête.

Nous avons toutes les raisons de fêter.

Mais nous devons fêter dans la gratitude.

Gratitude à l'égard de nos aînés, de nos ancêtres. Ils ont permis que la Suisse soit ce qu'elle est aujourd'hui : un pays heureux et prospère.

Mais aussi gratitude des uns à l'égard des autres: ensemble, nous avons fait beaucoup de choses justes et bien géré l'héritage que nous ont laissé ceux qui nous ont précédés. Nous avons le droit d'en être fiers.

Mais c'est aussi un privilège de pouvoir vivre dans ce beau pays, dans un environnement intact, dans la sécurité et dans la prospérité.

Notre pays est parmi les plus performants du monde.

Nous avons un des meilleurs systèmes d'éducation du monde. La conséquence : notre recherche scientifique est de tout premier ordre. Les innovations qu'elle permet, fait de notre économie l'une des 20 premières de la planète.

Depuis des années, nous caracolons en tête de la liste de pays les plus innovateurs.

Une économie performante, bien intégrée dans le commerce mondial, un excellent système de formation dual, qui s'oriente sur les besoins du monde du travail et, enfin, un partenariat social vivant - ce sont les ingrédients essentiels d'un quasi plein emploi. Nous avons moins de trois pourcent de la population qui cherche du travail.

C'est aussi la promesse d'une croissance d'environ 2% cette année. Bref : pour la plupart d'entre nous, tout va bien.

Cette réussite ne tombe pas du ciel. Elle a une histoire. C'est l'histoire d'une conception de l'Etat qui repose sur un principe simple : le plus de liberté possible et - par conséquent - le moins d'Etat possible.

Déterminer l'indispensable n'est pas laissé au gouvernement. C'est le peuple qui a le dernier mot.

Notre pays offre plus de possibilités de participation citoyenne qu'aucun autre Etat au monde. C'est le pays où la souveraineté du peuple est la plus développée.   

Ce système est conforté par une idée solidement ancrée dans la conscience collective suisse : une fois que le peuple a arbitré et qu'un différend politique est tranché, il n'y a ni vainqueurs, ni vaincus. La collaboration entre les différentes forces politiques reprend de plus belle.

Grâce à l'intégration du plus grand nombre d'opinions, de visions et de groupes, notre pays est toujours parvenu à vivre l'unité et de transcender ce qui peut nous diviser.

Il ne s'agit pas de compromis douteux - bien au contraire. Les débats sont conduits dans le but de trouver des solutions. Les solutions, - nos solutions -, ne se trouvent jamais selon le mode « si tu gagnes, alors je perds». Ils se trouvent selon le principe « j'y gagne, mais toi aussi». A la fin, nous devons tous y gagner!

Cette culture politique est typique pour notre pays. C'est la politique du consensus.

La politique de consensus et un économie saine forment les deux piliers de la liberté et de l'indépendance. Ils sont les fondements de notre modèle à succès que nous appelons fièrement: la Suisse !

Mais c'est aussi un fait indéniable : 

Ces dernières années cela ne va plus toujours de soi. Nos succès économiques ne font plus l'unanimité - on les regarde d'un œil plus critique, moins positif.

Une part croissante de notre population est de toute évidence de l'avis que l'économie n'est plus tout à fait au service des hommes et des femmes qui vivent dans notre pays.

Ce doute a contribué au fait que certaines votations de ces dernières années n'ont plus produit les résultats espérés par la politique officielle.

Pour moi c'est clair: la politique officielle a perdu une partie de son capital de confiance.

Or, la confiance et la crédibilité définissent la marge de manœuvre des autorités.

Les conséquences que cela entraine sont parfaitement illustrés par les résultats de la votation du 9 février, au cours de laquelle le peuple suisse a décidé, à une majorité infime, de limiter l'immigration et d'introduire un contingentement.

Le Conseil fédéral a développé un concept qui doit réaliser au plus près le nouvel article constitutionnel et le traduire dans les faits.

Cela n'a pas plu à tous. Des voix critiques se sont élevés tant à gauche qu'à droite. Le Conseil fédéral n'a pas fait usage de sa marge d'interprétation, critiquent-ils. Il aurait pu être plus flexible en ce qui concerne les frontaliers. Il aurait surtout dû éviter de limiter le droit de séjour pour les travailleurs de courte durée à 90 jours seulement, mais être plus généreux. Après tout, l'article constitutionnel dit aussi qu'il faut tenir compte de l'intérêt économique global.

Pour moi c'est clair: l'intérêt économique global est un taux d'emploi aussi élevé que possible.

Mais le problème est tout aussi évident: nous savons déjà que les contingents ne pourront jamais satisfaire les besoins de l'économie. Car ceux-ci, - si nous prenons le mandat du peuple au sérieux - doivent être plus petits que la migration actuelle. 

Les contingents contreviennent aussi à l'accord de libre circulation des personnes que nous avons conclu avec l'Union européenne.

Ce que cela implique en dernière conséquence, personne ne le sait encore.

Mais les signaux reçus de Bruxelles n'incitent pas à l'optimisme. Notre collaboration avec l'Union européenne dans le domaine de la recherche est particulièrement touchée. Pour moi c'est clair : si nous ne parvenons pas à sauver notre partenariat avec l'UE dans ce domaine, les conséquences pour la place de formation, de recherche et d'innovation suisse seront incalculables. Cela remettra en cause l'avenir de toute la place industrielle, de toute notre place économique.

En dépit de tout, la décision du peuple nous engage.

Pour cette raison, il est hors de question pour moi de ne pas réaliser ce que le peuple demande. C'est une question de crédibilité.  

La crédibilité est un bien trop précieux pour jouer avec.

La crédibilité définit la marge de manœuvre des autorités. Sans crédibilité on ne peut assumer  les responsabilités conférées par le peuple. Sans crédibilité aucune confiance n'est possible.

Confiance dans les institutions, dans les autorités, dans les parlements. La confiance dans la politique officielle est d'autant plus nécessaire qu'avec l'évolution des réalités socio-politiques, les questions qu'il faut affronter sont devenues de plus en plus complexes. 

Et surtout: ces questions ont désormais inévitablement de multiples dimensions internationales, ce qui n'était pas le cas par le passé. Cela a suscité chez un grand nombre d'hommes et de femmes le sentiment qu'ils étaient livrés sans défense aux turpitudes d'un étranger hostile. Même les pays amis ne sont plus aussi cordiaux que par le passé. Le violent assaut mené par les Etats-Unis contre notre secret bancaire en est tenu pour preuve. 

Il ne fait pas de doute que cela suscite de l'insécurité, de la confusion chez un grand nombre d'habitants de notre pays. Leur désir irrépressible de se retirer dans une monde clairement délimité et familier est du coup parfaitement compréhensible.

Nous devons  prendre acte des dilemmes qui se posent et répondre aux défis qu'ils nous lancent:  

D'un côté, nous devons à notre ouverture au monde une part substantielle de notre prospérité. Chaque deuxième franc, nous le gagnons à l'étranger. Même notre économie locale en bénéficie.

De l'autre côté, ces frontières ouvertes provoquent la peur de se faire  laminer par une bureaucratie internationale anonyme qui semble prête à solder notre identité nationale.

Et avec elle, tout ce qui nous est cher : avant tout nos droits d'autodétermination, c'est-à-dire notre liberté

Cela ne doit pas arriver.

Quoi qu'il en soit: se barricader dans le réduit national n'est pas une option. La conséquence serait l'immobilisme. Or, nos concurrents ne dorment pas. Au contraire. Avec la reprise économique, en particulier chez nos voisins immédiats, la compétition internationale se renforce à nouveau.

Le monde a changé. Il s'est transformé de façon dramatique au cours des 25 années qui se sont écoulées depuis la chute du mur de Berlin. Nous devons l'accepter et en tenir compte.

L'importance et la densité des contacts internationaux nous contraignent à trouver des solutions qui nous permettent de conserver d'une part l'accès aux marchés essentiels pour nous, tout en préservant notre identité nationale, c'est-à-dire notre liberté.

Chères concitoyennes, chers concitoyens,

La Suisse offre beaucoup. Même si elle est petite - (elle occupe la 132e place sur 194 en terme de territoire) - même si elle n'est qu'un pays de taille moyenne en termes des population, elle est - du point de vue économique - une vraie puissance.

Cette capacité économique est un garant de notre liberté et de notre indépendance. Aussi longtemps que nous conservons cette force, nous pouvons défendre cette liberté et cette indépendance.

Je suis persuadé que c'est possible. Comme pays autonome et libre, la Suisse a toujours su faire face aux défis. Je suis optimiste : nous y parviendrons cette fois encore.

Avec une politique de croissance qui vise la prospérité à long terme plutôt que les gains immédiats.

Avec une place économique qui attire des entreprises renforçant encore notre capacité d'innovation.

Avec une politique de formation qui tient compte des besoins du marché du travail et qui ouvre la possibilité à tous de trouver un travail adéquat.

Avec une politique agricole qui offre aux paysans la possibilité de produire avec succès et de contribuer ainsi une part élevé de notre approvisionnement national.

Et avec, enfin, un partenariat social vivant, terreau d'une paix de travail qui nous a permis de vivre dans le progrès et la croissance. Car c'est le partenariat social qui nous permet de trouver des solutions adaptées et équilibrées, correspondant aux réalités des différentes régions et des différentes branches économiques.

C'est grâce à notre partenariat social que nous limitons la multiplications des règles et des lois qui nous lient les mains et paralysent l'esprit d'entreprise,

Nous le savons tous d'expérience: nous avons toujours eu des résultats lorsque nous avons résolu les problèmes de façon consensuelle, en prenant les partenaires au sérieux. Je suis persuadé que cela reste une recette d'avenir.

Face aux défis qui s'annoncent, nous devons être conscients: la peur est mauvaise conseillère. La peur ne protège qu'à court terme, mais certainement pas à moyen et à long terme. Un hérisson ne peut rester éternellement en boule, sinon il meurt de faim.

A la source du succès on trouve toujours des qualités élémentaires : courage, confiance en soi et capacité de forger les bonnes alliances et partenariats. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'œil sur notre histoire.  .

Le courage et la confiance dans le lendemain nous permettront de relever les défis à venir.

Je vous souhaite à tous de beaux lendemains et, pour aujourd'hui, une belle fête.  

Vive le Jura, vive la Suisse.


Seul le texte prononcé fait foi


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