Il ne suffit pas de voir l’utilité économique des pollinisateurs pour préserver les espèces rares

Zurich / Berne, 16.06.2015 - Quelles sont les espèces d’abeilles importantes pour la pollinisation des cultures agricoles? Une étude globale montre que c’est à l‘abeille à miel que l’on doit près de la moitié de la valeur ajoutée obtenue des cultures qui dépendent d’une pollinisation croisée. L’autre moitié est assurée par près de 125 espèces d’abeilles sauvages et de bourdons. Dans les terres agricoles, des mesures relativement simples permettent de favoriser ces populations alors que pour les espèces d’abeilles sauvages, rares et menacées, des mesures spécifiques de protection de la nature sont nécessaires.

«Bien que les espèces rares jouent apparemment un rôle moins crucial sur le plan économique que des pollinisateurs plus répandus, leur protection n’en est pas moins importante», explique David Kleijn de l’Université Alterra Wageningen à l’occasion de la publication d’une nouvelle étude sur les pollinisateurs et leurs prestations pour l’agriculture, étude à laquelle l’Université de Berne et Agroscope ont également participé. Le rendement et la qualité de nombreuses cultures agricoles dépendent de la pollinisation par les insectes. L’importance de cette prestation écosystémique, ou service de la nature pour l’homme, est de plus en plus reconnue ces dernières années. D’autre part, il existe une relation positive entre prestations écosystémiques et biodiversité. C’est-à-dire que plus il y a d’espèces, plus la nature fournit de prestations écosystémiques. Il faut cependant ajouter qu’à partir d’un certain nombre d’espèces, une augmentation du nombre des espèces ne se traduit plus par une augmentation des prestations écosystémiques. Toutefois il est extrêmement important que plusieurs espèces soient disponibles pour une même fonction. C’est ce qu’on appelle la redondance fonctionnelle. Elle augmente la probabilité qu’au moins une espèce continue à fournir la prestation écosystémique en cas de modification des conditions.  

L’étude montre qu’actuellement ce sont surtout les espèces de pollinisateurs fréquentes et les plus répandues qui jouent un rôle pour la production agricole. L’abeille à miel domestique est l’espèce la plus fréquemment observée dans l’étude. Sinon, seuls 2 % des abeilles et bourdons présents dans les régions étudiées ont été observés régulièrement (5 % ou plus de visites de fleurs) sur les cultures fleuries. Ensemble, les abeilles sauvages apportaient tout autant de valeur ajoutée que les abeilles à miel. Ces espèces peuvent être favorisées par des mesures éprouvées comme l’agriculture biologique, les bandes fleuries et les ourlets herbacés.

L’argument de la prestation écosystémique vaut par conséquent pour la protection des espèces d’abeilles sauvages les plus fréquentes, mais pas pour les plus rares, car celles-ci ne contribuent que très peu à la pollinisation des cultures. Les auteurs et autrices de l’étude insistent cependant sur le fait qu’il existe plusieurs bonnes raisons de promouvoir les espèces rares. Il est par exemple difficile de dire aujourd’hui quelles seront les espèces importantes demain pour la pollinisation, dans des conditions climatiques qui auront peut-être changé.

Besoin de recherche en Suisse

En Suisse, les données de l’Entlebuch ont été intégrées à l’étude. «Des recherches ciblées sont nécessaires pour dire lesquelles des 41 espèces européennes de polinisateurs identifiées par l’étude comme agronomiquement importantes, sont également importantes pour la Suisse» déclare Felix Herzog d’Agroscope. «Les mesures recommandées comme la promotion de l’agriculture biologique, des bandes fleuries et des ourlets herbacés sont cependant déjà subventionnées aujourd’hui par des paiements directs.» Eva Knop de l’Université de Berne estime aussi que des recherches sont nécessaires: „Mise à part leur faculté d’adaptation au changement des conditions climatiques, les espèces rares de pollinisateurs sont essentielles à la survie de nombreuses plantes sauvages qui ne sont pas pollinisées par les abeilles généralistes.» Les prestations écosystémiques ne constituent donc qu’un argument parmi plusieurs pour la protection de la biodiversité.

Evaluation d’abeilles sauvages originaires de cinq continents

L’étude «Delivery of crop pollination services is an insufficient argument for wild pollinator conservation“ comprend des données de 1394 sites et de vingt espèces de plantes cultivées comme le colza, les légumes et les fruits. Les visites de fleurs de 73 649 abeilles sauvages appartenant à un total de 785 espèces ont été mises en valeur. Ces espèces ne représentent que 12,6 % des espèces d’abeilles sauvages présentes dans les pays participant à l’étude. Les spécialistes ont estimé la contribution de chaque espèce à la valeur ajoutée à partir de statistiques de prix et de rendements, qui ont été multipliées par la réduction du rendement potentiel sans pollinisation et par le nombre de visites de fleurs observées. L’efficacité des mesures d’encouragement a été évaluée à partir de relevés supplémentaires dans des essais ciblés dans lesquels on a comparé la présence d’abeilles sauvages dans des surfaces avec et sans mesures d’encouragement.   

Kleijn D. et al. (2015) Delivery of crop pollination services is an insufficient argument for wild pollinator conservation. Nature Communications, 10.1038/ncomms8414

 


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Felix Herzog, Responsable du groupe de recherche Paysage agricole et biodiversité
Agroscope, Institut des sciences en durabilité agronomique IDU
Reckenholzstrasse 191, 8046 Zurich, Suisse
felix.herzog@agroscope.admin.ch
+41 (0)58 468 74 45

Eva Knop
Université de Berne, Institute of Ecology and Evolution
Baltzerstrasse 6, 3012 Berne
eva.knop@iee.unibe.ch
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