Sommerakademie zur Gerontologie: Vers une nouvelle culture de la vieillesse

Berne, 03.09.2007 - Allocution du Conseiller fédéral Pascal Couchepin - Seule la version orale fait foi

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi d'abord de vous dire tout le plaisir que j'ai de me trouver parmi vous.

Votre académie d'été cherche cette année à tracer les contours d'une nouvelle culture de la vieillesse.

C'est un thème qui intéresse aussi la Confédération. Nous voulons définir les grandes lignes d'une politique de la vieillesse adaptée au présent et aux défis de l'avenir.

Nous partons d'un même constat : le profil de la population âgée a changé. Les ressources des aînés, leur potentiel, leur place dans la société ne sont plus les mêmes. Or nous travaillons souvent sur des images figées, des clichés dépassés. Nos politiques ont besoin d'un recadrage.

La semaine dernière, le Conseil fédéral a adopté et transmis au Parlement une stratégie sur la politique de la vieillesse. Les grandes orientations qu'elle dessine rejoignent les idées que vous, organisateurs et participants de cette académie, promouvez depuis quelques années déjà.

Vous approfondirez la plupart de ces éléments dans vos débats ces prochains jours. Ils se résument ainsi : promouvoir une vieillesse active et aussi autonome que possible, trouver des réponses flexibles à des besoins différenciés, décloisonner la politique de la vieillesse pour penser davantage en termes de parcours de vie et de générations.

Peut-être conclurons-nous que parler de culture(s) de la vieillesse ou de politique de la vieillesse, même renouvelées, relève encore d'une façon trop rigide de penser en fonction de groupes d'âges délimités.

Prendre sa retraite... mais rester actif

Premier recadrage qui nous tient à cœur : reconnaître le potentiel des personnes âgées et s'orienter davantage vers la promotion d'une vieillesse active, engagée et aussi autonome que possible. L'accent mis sur la seule compensation de déficits liés à l'âge n'est plus de mise.

En effet, que l'on considère l'espérance de vivre en bonne santé jusqu'à un âge élevé, les conditions matérielles d'existence, le revenu ou la fortune, il faut admettre que les ressources des personnes âgées sont globalement bonnes.

Notre système social compte pour beaucoup dans ce bilan positif.

« Attendre que l'heure de la retraite sonne » pouvait encore passer pour une aspiration légitime dans les années 60. Mais, en 2030, lorsqu'un quart de la population aura 65 ans ou plus, et qu'à 65 ans une personne jouira encore de 20 à 25 années de vie devant elle, ne faudra-t-il pas veiller à ce qu'elle reste un membre actif au sein de la société ?

Évoquer le potentiel des aînés nous renvoie d'abord à la situation des travailleurs dits âgés sur le marché du travail, soit les personnes de 50 ans et plus.

C'est dans cette tranche d'âge déjà que se jouent les risques de déqualification, d'exclusion et de péjoration de l'état de santé. Ces travailleurs « âgés » ont pourtant des atouts bien réels : une grande expérience professionnelle qui leur permet d'anticiper les problèmes, de penser de manière stratégique et un souci particulier de la qualité.

Mon département s'est engagé, avec le Département fédéral de l'économie, pour que des mesures cohérentes soient mises en œuvre afin de maintenir les capacités et compétences des travailleurs âgés et d'adapter la politique des entreprises à leurs besoins.

Promouvoir la santé au travail, flexibiliser davantage les horaires, renforcer la prévention et éliminer les préjugés : c'est bien une nouvelle culture qu'il s'agit de susciter.

Une autre manière de rester actif au-delà de l'âge de la retraite consiste à s'engager dans le bénévolat, qu'il soit informel, au sein de la famille et du voisinage, ou qu'il s'inscrive dans un cadre associatif.

Les jeunes retraités (jusqu'à 74 ans) représentent le groupe le plus engagé dans les activités non rémunérées liées à la garde d'enfants et à l'aide de proximité. C'est un temps précieux que les aînés offrent aux actifs en partageant leurs tâches. N'oublions pas également le bénéfice émotionnel et la valeur de l'échange entre générations.

Les aînés permettent aussi de décharger ou de compléter les structures professionnelles, par exemple lorsqu'un partenaire ou un parent plus âgé peut être maintenu à domicile grâce à leur soutien.

Certaines écoles ouvrent leurs portes à des personnes âgées bénévoles pour partager des activités avec les élèves et il arrive même que des crèches soient installées dans des homes.

Quant au bénévolat « formel » des aînés au sein d'associations et d'organisations d'entraide, il reste encore avant tout le domaine de ceux qui l'ont déjà pratiqué avant la retraite.

Ce constat nous rappelle qu'on ne se découvre pas du jour au lendemain retraité actif, engagé et en bonne santé, si l'on ne s'y prépare tout au long de la vie. L'engagement des aînés est néanmoins vivace et pourrait se développer davantage. Nous avons mis à l'étude l'idée d'une bourse d'échange du temps bénévole pour promouvoir la participation sociale des jeunes retraités.

Le temps est une précieuse ressource à partager ; le soutien financier n'en est pas pour autant négligeable.

La bonne situation financière des aînés profite bien souvent aux jeunes générations. En effet, la transmission de patrimoine à la génération suivante sous forme de dons, donations ou d'avance d'hoirie est fréquente.

Les transferts privés du vivant des parents ont ainsi un effet de compensation à l'intérieur de la famille. Globalement, ils redistribuent une partie des transferts publics financés par les actifs. Leur importance est estimée à un montant compris entre un sixième et un quart du montant des rentes AVS.

Des besoins différents, des solutions flexibles

Le deuxième ajustement de notre politique de la vieillesse consiste à prendre davantage en compte la diversité des situations vécues des personnes âgées.

Les personnes âgées ne constituent pas une population homogène. Les différences liées au sexe ou aux conditions socioéconomiques, la pluralité des modes de vie et des cultures et l'inégalité des capacités individuelles sont des données qu'on ne peut négliger.

Concevoir des politiques en fonction d'un rentier ou d'un vieillard « moyen » n'a plus grand sens. Trouver des réponses flexibles et individualisées aux besoins est plus judicieux.

À propos de solutions flexibles, nous pensons d'abord à l'assouplissement de l'âge de la retraite. Un âge fixe ne correspond ni aux possibilités, ni aux besoins de tout le monde.

Avec le régime actuel de prévoyance vieillesse, la réduction du taux d'occupation ou un changement de poste en fin de carrière présentent des inconvénients par rapport à un dé-part en préretraite. Une réduction durable des rentes peut en découler.

L'enjeu est donc double  : d'une part, il faut créer des modalités permettant de mieux tenir compte de l'évolution des besoins au cours de la vie active et de la capacité de travail des travailleurs âgés, sans imposer de forte réduction de rente à vie. D'autre part, nous devons motiver - ou du moins ne pas pénaliser - les personnes qui le peuvent à poursuivre une activité lucrative, même partielle, au-delà de 65 ans.

Ainsi, les mesures relevant de la politique d'entreprise doivent s'accompagner d'aménagements de la législation sociale. Je pense notamment à l'instauration d'une véritable retraite flexible, accessible également aux travailleurs de condition relativement modeste.

La 11e révision bis de l'AVS va dans le bon sens, mais ne constitue encore qu'une étape. Les modèles de retraite progressive à développer doivent permettre d'éviter la retraite « couperet », c'est-à-dire le passage brutal d'une activité à plein temps à une inactivité à temps complet. Cela répond à l'idée d'une perception beaucoup plus souple de la notion même de retraite.

La seconde grande différence de situations vécues dans l'âge est celle qu'introduit la perte d'autonomie. Elle marque la frontière entre ce que nous comprenons par 3e et 4e âge.

Promouvoir une image ou une culture positive de la vieillesse ne signifie pas occulter les réalités liés à la dépendance. Ce serait pratiquer de « l'anti-aging »    irresponsable et indigne : même très diminués dans leurs capacités, nos aînés restent des membres à part entière de la société.

Notre objectif doit être de garantir autant que possible l'autodétermination, même en milieu institutionnel, et de faire reculer le moment de la perte d'autonomie.

Malgré le défi de l'évolution démographique, il n'y a pas lieu de sombrer dans le pessimisme. Des progrès sont possibles, et je salue ici votre travail en tant que spécialistes de la gérontologie.

Prolonger de quelques mois l'autonomie par la prévention, le traitement voire la réadaptation se solde par des effets bénéfiques pour la personne concernée et son entourage, mais aussi par des économies substantielles pour la société.

La promotion de la santé, même à un âge avancé, a donc tout son sens. Une stratégie nationale de promotion de la santé et de renforcement de l'autonomie est en cours d'élaboration dans mon département.

Quant aux soins de longue durée, la question de leur financement devrait bientôt réunir un compromis. L'étendue de la participation des personnes âgées elles-mêmes à la couverture de leurs soins est encore un sujet sensible.

Nous estimons qu'un partage des charges renforçant la participation des patients âgés est raisonnable, et que l'épargne individuelle en vue de l'éventualité de soins pourrait même être encouragée.

Par ailleurs, certains groupes de la population âgée ont des besoins spécifiques.

Je pense tout particulièrement aux migrants qui restent dans notre pays ; vous vous intéresserez d'ailleurs aussi à eux et à leurs différentes approches de la vieillesse. Je citerai ici l'exemple de la bonne campagne de sensibilisation « Âge et migration », dirigée par CURAVIVA, et la stratégie « Migration et santé » de l'Office fédéral de la santé publique.

Décloisonner la politique de la vieillesse

Si la population âgée n'est pas homogène, elle ne constitue pas non plus un groupe à considérer isolément, sans égard à ses relations avec les autres générations et sans réfléchir en termes de parcours de vie.

Il faut donc décloisonner la politique de la vieillesse sans en négliger les spécificités. C'est mon troisième point.

Le vieillissement démographique nous demande de repenser nos systèmes de retraite ou de soins. C'est aussi un défi pour l'ensemble des politiques, notamment le marché du travail, le logement et l'aménagement du territoire, les transports, la communication.

Une approche interdisciplinaire et cohérente est donc indispensable. L'approche doit être dynamique, car tout porte à croire que les personnes âgées de demain seront différentes de celles d'aujourd'hui.

Elles auront un niveau de formation plus élevé, s'adapteront plus facilement aux nouvelles technologies, seront plus mobiles. Les décisions prises aujourd'hui doivent du moins contribuer à ce que cette tendance se vérifie.

La vieillesse n'est pas une phase séparée, mais une évolution sur le parcours de vie, et les générations âgées ne constituent pas une population à part. Les décisions qui concernent une génération concernent toutes les autres, d'où l'importance d'examiner leurs effets dans une perspective globale.

Possibilités et limites de l'action étatique

Favoriser un changement de perception de la vieillesse, réorienter les politiques vers une approche plus active et participative des aînés, cela ne peut s'imposer. Des impulsions sont nécessaires à tous les niveaux, et la responsabilité de chacun est engagée.

La Confédération doit créer des conditions-cadre, en particulier dans le domaine des assurances sociales de sa compétence, afin d'équilibrer la charge des différentes générations. Elle peut également coordonner l'action des diverses politiques sectorielles.

Le travail de terrain et de proximité est toutefois primordial.

Là aussi, la Confédération, sans être directement active, soutient au moyen de contrats de prestation l'action d'organisations de la société civile. Un rôle tout particulier revient à Pro Senectute.

Ainsi, dans la ligne des orientations que nous avons dégagées, nous pensons en particulier au soutien de programmes et projets qui préparent à une vieillesse active.

Je pense notamment à ceux qui forment et accompagnent les bénévoles dispensant des soins à d'autres aînés. Nous pensons également à des projets pilotes qui favorisent l'intégration et les échanges intergénérationnels au niveau du quartier.

Pour promouvoir une ouverture sur les autres générations, nous préconisons la collaboration entre organisations du domaine de la vieillesse, de la jeunesse et de l'enfance ou de la famille. L'ouverture aux activités intergénérationnelles pourrait être intégrée dans les contrats de prestation passés avec ces partenaires.

Pour le reste, créer une nouvelle culture de l'âge dépend largement de la responsabilité individuelle et sociale des personnes concernées elles-mêmes. Les groupes d'entraide et de défense d'intérêts des aînés en sont conscients et se montrent vigilants à l'image que revoient d'eux les médias et le marché.

Conclusion

Le profil de la population âgée a changé, et cette évolution est réjouissante.

Aujourd'hui comme hier, deux visions continuent toutefois de s'opposer dans notre esprit. L'image de la longévité, de la sagesse et de la sérénité nous attire, tandis que celle de la perte d'autonomie nous inquiète.

Nous n'avons pas à choisir, les deux correspondent à des réalités. Nier l'une ou l'autre serait malsain.

Ni poids social, ni marché fructueux : la population âgée à laquelle nous voudrions tous appartenir un jour vaut mieux que les stéréotypes auxquels on la réduit souvent.

La politique de la vieillesse que nous voulons tient compte de la diversité des situations.

Elle s'attache avant tout à créer les conditions de reconnaissance et de mise en valeur du potentiel encore trop sous-estimé des aînés.

Et si nous pouvions, lors d'une prochaine académie d'été, parler davantage de culture des âges ou de politique des générations que de culture de la vieillesse, ce serait peut-être le signe qu'un nouveau pas a été franchi.


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Secrétariat général DFI
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