« Engagement de la Suisse : Ensemble contre la malaria » - Discours inaugural du Conseiller fédéral Didier Burkhalter

Berne, 16.05.2012 - Genève, 15 mai 2012 - Exposition du réseau Swiss Malaria Group « Ensemble contre la malaria » Muséum d’histoire naturelle de la ville de Genève - Seul le texte prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs, 

Je me réjouis d‘être ici à Genève à l’occasion de l’ouverture de l’exposition « Ensemble contre la Malaria ».

Genève n’est pas seulement le siège de l’OMS et la ville mondiale de la santé, elle est aussi la ville de la lutte contre le paludisme et la patrie de Nicolas Bouvier, écrivain-voyageur, et auteur du récit intitulé « Le poisson-scorpion ». Dans cet ouvrage, Bouvier nous parle d’un voyage au Sri Lanka (on disait alors Ceylan) dans les années 1950, lors duquel il a contracté le paludisme. Amaigri, affaibli, tantôt en proie aux hallucinations, tantôt lucide, il livre un récit d’une expérience extrême dans des contrées exotiques.

L’expérience vécue par Nicolas Bouvier il y a plus d’un demi-siècle est une réalité encore aujourd’hui pour des millions de personnes. Le paludisme est une maladie qui affaiblit ceux qui en souffrent. Elle les rend incapables de vivre, de travailler ou d’apprendre normalement. Et elle cause chaque année la mort de centaines de milliers de personnes.

Et n’oublions pas une chose : moins de 100 ans avant que Nicolas Bouvier n’écrive ces lignes pleines d’humanité, de souffrance, et pourtant de sagesse et d’espoir, son récit aurait pu se dérouler dans sa propre patrie, en Suisse ou ailleurs en Europe.

A la fin du 19e siècle, le paludisme constituait encore un vrai problème de santé publique dans cette région. La région des Trois-lacs, les cantons du Tessin, de Vaud et du Valais, ainsi que les rives du Rhône, surtout entre Sion et Genève, étaient encore frappés par ce fléau. Aujourd’hui, la Suisse a résolu la quasi-totalité des problèmes liés à cette maladie. Et c’est bien la preuve qu’il ne s’agit pas d’une fatalité, qu’il est possible de lutter, et d’éradiquer complètement cette terrible maladie. C’est une question d’engagement et de volonté.


Madame, Monsieur,

De nos jours, environ la moitié de la population mondiale est menacée par le paludisme, une maladie qu’il est possible de prévenir et de traiter, mais qui pourtant tue près de 650 000 personnes par année, en particulier des jeunes enfants et des femmes enceintes. Chaque minute un enfant meurt de la malaria. L’Afrique paye un lourd tribut à la malaria : en effet 9 décès sur 10 dû à cette maladie sont en Afrique.

Et pourtant, le paludisme est l’un des rares fléaux de santé publique qui a pu être combattu avec succès au cours des dernières décennies : dans son rapport de l’année passée, le Partenariat « Roll Back Malaria » confirme qu’au cours des dix dernières années, le monde a fait considérablement reculer le paludisme, ce qui permet d’entrevoir avec optimisme l’éradication de la maladie. Grace aux efforts communs il a été possible de réduire le nombre de décès d’environ 40%.

C’est là une première victoire. Cette réduction a permis d’inverser la tendance de la décennie précédente et a eu pour effet de sauver plus d’un million de vies dans la dernière décade. C’est bien. Mais il faut faire plus.

Différentes raisons sont à l’origine du succès engrangé ces dix dernières années dans la lutte contre le paludisme. L’intervention de nouveaux acteurs et l’augmentation considérable des moyens financiers ont certes été très important. Mais la principale raison réside sans aucun doute dans le mode de collaboration: les donateurs, le secteur privé, la société civile, les agences des Nations Unies et les gouvernements des pays du Sud ont, la main dans la main, contribuée à ce succès.

La coopération et la coordination des moyens sont des clés essentielles dans la lutte contre le paludisme. Une fois de plus, force est de constater que c’est en conjuguant nos efforts que nous serons à même de relever les défis de taille auxquels nous sommes confrontés. C’est en collaborant que nous parviendrons à éradiquer cette maladie de notre planète. C’est l’union qui fait la force.


Mesdames et Messieurs,

La Suisse apporte sa pierre à l’édifice: notre pays travaille activement au sein du Swiss Malaria Group, dont les membres unissent leurs forces pour lutter contre le paludisme, en s’appuyant sur des programmes et un partenariat durables.  Les membres de ce réseau sont tous des acteurs mondiaux qui participent à la lutte contre le paludisme avec, ce qui marque souvent la valeur ajouté de la Suisse, un travail de qualité et des pratiques innovantes.

C’est donc avec reconnaissance que j’ai le plaisir d’inaugurer ce soir, au nom du Swiss Malaria Group, l’exposition « Ensemble contre la malaria ».

Actuellement, quatorze organisations suisses, parmi lesquelles des ONG, des entreprises privées, des institutions publiques et des organismes de recherche, sont membres du Swiss Malaria Group. 


·   Les ONG (SolidarMed et Medicus Mundi, la Croix-Rouge suisse et la Fondation Novartis pour un développement durable) sont engagées dans cette lutte dans différents pays. Elles le font d’une part à travers un important travail de prévention et d’autre part en réalisant des projets qui visent à améliorer l’accès aux informations, aux remèdes contre la maladie et aux moustiquaires.

·   Le secteur de l’industrie est (représenté au sein du Swiss Malaria Group par Novartis Pharma, Mepha, Syngenta et Verstergaard Frandsen et donc) composé d’entreprises leaders mondiales de l’innovation dans le domaine du contrôle de la maladie, en termes de développement et fabrication de médicaments, d’insecticides ou de moustiquaires.

·   Le groupe compte également en son sein des instituts de recherche mondialement connus.  Tous veillent à ce qu’en Suisse, la recherche et le développement de médicaments, d’outils diagnostiques et d’autres solutions novatrices progressent dans le cadre de partenariats entre les secteurs privé et public.

·   Le Partenariat Roll Back Malaria est l’organe chargé de coordonner, à l’échelle internationale, l’action des acteurs privés, publics et onusiens. Il est pour ainsi dire le moteur de la lutte mondiale contre la maladie.

·   Enfin, la Confédération suisse apporte son soutien à la lutte contre le paludisme au niveau bilatéral et multilatéral et coordonne le Swiss Malaria Group.


Tous ces acteurs sont animés par des motivations et des visions diverses. Pourtant ils ont su se regrouper au sein du Swiss Malaria Group pour faire front commun contre le paludisme et coordonner leurs rôles. Car ils poursuivent les mêmes objectifs :
- intensifier la lutte contre le paludisme à l’échelle mondiale
- et réduire le nombre de victimes
En d’autres termes, vaincre le paludisme. Ni plus ni moins.

Ces objectifs communs les incitent à unir leurs efforts, et je ne peux que m’en féliciter. Car coopérer nous permet d’être plus efficaces et plus rapides, d’acquérir et d’utiliser mieux des moyens financiers.

La Suisse dispose de compétences indéniables en matière de recherche et de production dans la lutte contre cette maladie. La Suisse est un des pays les plus innovants et les plus avancés de la planète, un des leaders mondiaux en termes d’innovation, de recherche et de technologie. Ce pays a donc, dans des domaines comme celui de la lutte contre la malaria, comme dans d’autres, non seulement la possibilité d’aider à résoudre certains défis de notre planète, mais il en a la responsabilité. Le Conseil fédéral est convaincu que les pays les plus avancés du globe ont le devoir d’utiliser leurs compétences et leur savoir au service de l’humanité. C’est un principe fort de la stratégie de politique étrangère 2012-2015 adoptée ce printemps par le Conseil fédéral.  Ces principes sont en accord avec les objectifs de la Constitution fédérale qui prévoient en matière de politique étrangère que la Suisse contribue notamment « à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté ».

La politique de développement est quant à elle un élément important et indissociable d’une politique étrangère. Tous les pays ont des intérêts communs, peu importe leur degré de développement économique: l’un d’entre eux est la santé de leur population, et notamment la prévention et l’éradication de maladies graves, telles que le paludisme.

C’est sur cette base que le message concernant la coopération internationale 2013-2016 a été préparé, il est actuellement soumis au Parlement fédéral. Dans ce message, le Conseil fédéral souligne que, dans le cadre de la coopération au développement, la santé est un sujet de portée mondiale et une des priorités de notre action. Cette approche est indispensable, car le chemin qu’il reste à parcourir pour réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement est encore long.

Par ailleurs, le Conseil fédéral veut mieux coordonner, au sein d’une stratégie cohérente, les différents domaines d’intervention de la coopération internationale suisse. Cette harmonisation, dont le Swiss Malaria Group est un bon exemple, est nécessaire pour renforcer l’impact de nos  projets.

Le Swiss Malaria Group cherche à soutenir les pays où le paludisme est endémique au moyen de mesures de contrôle innovantes, de connaissances fondées et d’aides financières.

L’utilité d’avoir des projets coordonnés est pleinement démontrée par l’exemple de la Tanzanie. Entre 2004 et 2005, seule la moitié des foyers employaient une moustiquaire en Tanzanie. Une campagne de prévention a permis la distribution de moustiquaires aux femmes enceintes et aux enfants en bas âge. Fin 2010, 3 foyers sur 4 utilisaient une moustiquaire. Dans le même laps de temps, la mortalité infantile a baissé d’un tiers. Cette forte diminution n’est pas un cas isolé. Ces chiffres sont comparables aux études scientifiques publiées sur ce sujet, et notamment par l’Institut tropical et de santé publique suisse. Par une action somme toute assez simple, mais coordonnée, ce sont plus de 40 000 vies qui ont ainsi pu être sauvées.

Mesdames et Messieurs 

Nous avons aussi  besoin, dans la lutte contre le paludisme, de l’approche fondée sur un partenariat entre secteur privé et secteur public, laquelle a permis d’engranger les succès que je viens de mentionner. En effet, de nombreux défis nous attendent :

·   de nouveaux médicaments et insecticides doivent être développés avant que les parasites ne résistent à ceux qui sont utilisés actuellement ;

·   il faut lancer ou poursuivre le développement de projets innovants, comme le vaccin contre le paludisme ;

·   il faut améliorer l’accès aux médicaments, aux outils diagnostiques, aux moustiquaires et à d’autres mesures de prévention et de contrôle du paludisme ;

·   pour cela, il est nécessaire de renforcer les systèmes de santé ;

·   enfin, il faut également maintenir, voire améliorer l’engagement politique et financier à l’échelle internationale.

Mais le plus grand défi est peut-être celui du financement. Pour consolider les progrès réalisés et continuer à avancer, un financement durable, voire plus important, sera nécessaire. Si le paludisme perdait son statut de priorité sanitaire mondiale, la situation pourrait régresser rapidement.

Mais même avec un financement adéquat, la lutte n’est pas gagnée: notre combat doit pouvoir s’appuyer sur les deux éléments cruciaux : l’innovation et la coopération.


Mesdames et Messieurs,

Le paludisme est une maladie s’attaque aux plus faibles : les enfants en bas âge et les femmes enceintes et ceci dans les pays les plus pauvres. Il peut être soigné et évité, à condition que les personnes à risque aient accès aux moyens de lutte et à l’information. Malheureusement et en dépit des progrès réalisés, cela n’est toujours pas le cas pour des millions d’individus. Eradiquer le paludisme et la pauvreté restent des défis planétaires.

Parce que le paludisme porte une lourde responsabilité dans la mortalité infantile et maternelle, nous ne devons pas relâcher nos efforts mais les renforcer.

C’est une question de dignité.

Si Nicolas Bouvier se rendait aujourd’hui au Sri Lanka, il ne serait plus confronté au paludisme. Il a été éradiqué dans ce pays, comme il l’a été en Suisse. La littérature mondiale y aurait peut-être perdu un petit peu – en encore je suis sûr que l’écrivain-voyageur aurait trouvé d’autres thèmes pour laisser filer sa plume – mais l’humanité y a gagné énormément.

Ces exemples le soulignent : oui, il est possible de vaincre cette maladie. Et dès le moment où cela est possible, cela devient, tout simplement, un devoir.

Je vous remercie de votre attention et de votre engagement et j’espère que cette exposition sera pour tous source d’inspiration et d’un engagement renforcé.


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