Un pays à la fois solide et solidaire

Middes, 31.07.2012 - Discours du Conseiller fédéral Alain Berset à Middes (FR) à l’occasion de la Fête nationale. La version orale fait foi. Le Conseiller fédéral Alain Berset est attendu dans les trois régions du pays et prononcera également un discours du 1er août demain midi à Altdorf dans le canton d’Uri et demain soir à Locarno au Tessin.

Un patriotisme sans pathos - voilà la Suisse d'aujourd'hui. L'atmosphère détendue, joyeuse qui règne ici à Middes le prouve.

Il en allait tout autrement le 1er août 1891 lorsque l'orateur, le conseiller fédéral Emil Welti, a prononcé la première allocution pour la Fête nationale suisse, exhortant l'assistance à ne pas oublier que c'était un jour sérieux, disant qu'ils n'étaient pas réunis pour profiter de l'instant fugace d'un jour joyeux.

Notre fête nationale est bien sûr aujourd'hui encore un jour sérieux. Mais c'est aussi un jour joyeux dont nous pouvons tous profiter.

Pour nous Suisses, citoyens d'un pays multiculturel et plurilingue, il a toujours été un peu plus simple de dire ce que nous ne sommes pas plutôt que de dire ce que nous sommes. Mais depuis la fin de la Guerre froide, il n'est plus possible de répondre à la question « qui sommes-nous ? » en disant simplement ce que nous ne sommes pas ou ce que nous ne voulons pas être.

Tous nos voisins vivent en paix. Il semble que les grandes batailles appartiennent au passé, tout comme les conflits religieux qui ont si longtemps divisé l'Europe.

Fort heureusement, il n'est plus nécessaire de s'isoler pour se protéger de ce qui constitue une menace existentielle. Or parallèlement, l'insécurité, surtout depuis la crise financière, a massivement augmenté. Et elle a des conséquences directes pour l'Europe et, ce de ce fait, pour la Suisse.

Bon nombre d'observateurs pensent que la situation mondiale n'a jamais été si ouverte au cours des cent dernières années.

Je me contenterai de poser une seule des nombreuses questions que l'on peut se poser en ce qui concerne l'avenir : assistons-nous au commencement de la fin de l'Union européenne, ou celle-ci se trouve-t-elle confrontée à un pas d'intégration décisif ?

Nul ne saurait le dire avec certitude. Pourtant, une chose est sûre : quoi qu'il arrive, cela aura des conséquences considérables pour notre pays.

Selon les sondages, une grande majorité des Suisses ne voudrait pas de l'adhésion à l'UE. Mais il nous incombe malgré tout d'analyser exactement le développement de l'intégration européenne et les conséquences que cela implique pour nous.

Plus notre environnement est incertain, plus nous devons faire ce que nous faisons habituellement pour nous-mêmes : élaborer des stratégies, évaluer nos interlocuteurs lors de négociations, tester des idées, ne pas perdre de vue les conditions générales en train de changer. Car il y va de l'intérêt de notre pays.

Oui, aujourd'hui, nous allons bien, du moins si nous nous comparons à d'autres. En ce moment, la Suisse est considérée comme la star parmi les nations - bien qu'elle ne soit pas aussi populaire que Roger Federer au niveau international.

Les manchettes des journaux parlent souvent de « modèle suisse à succès », de « l'exemple de la Suisse », de « démocratie directe, produit d'exportation n° 1 », « de système de formation professionnelle duale, produit d'exportation n° 1 ».

S'ils le pouvaient, certains milieux politiques coteraient la Suisse en Bourse... Mais la prudence est de mise, car le contraste entre une Suisse forte et un environnement international affaibli n'est qu'un arrêt sur image. Le film continue...

La conviction que l'on pourrait simplement se reposer sur nos lauriers n'est guère réaliste dans une situation mondiale si volatile sur les plans politique et économique.

En 1914, Carl Spitteler qui reçut plus tard le Prix Nobel de littérature, avait dit dans son célèbre discours « Notre point de vue suisse » qu'il ne fallait pas prendre un ton protecteur lorsqu'on était en position de sécurité.

Et voilà qu'aujourd'hui on entend à nouveau des gens prendre ce ton protecteur. C'est compréhensible, mais c'est dangereux. Le sort de l'Europe est aussi le nôtre. Car l'Europe est de loin notre marché le plus important. Nous suivons tous avec attention l'évolution du taux de change du franc par rapport à l'euro parce qu'il touche l'existence même de notre économie. Même les détracteurs les plus virulents de l'UE n'aimeraient pas menacer l'accès de notre économie au marché européen.

Mais cela n'empêche pas l'UE de se montrer de plus en plus exigeante, mettant sous pression une Suisse volontaire et soucieuse de sa souveraineté.

Nous devons séparer notre opinion sur l'utilité ou l'inutilité de l'intégration européenne de la question de savoir comment la traiter sur un plan réaliste.

D'aucuns pensent que nous n'avons plus besoin de cette vieille Europe vacillante et nous recommandent de nous tourner vers l'Asie.

Une chose est sûre : le marché chinois est immense et croît rapidement - mais il ne représente que 4 % de nos marchés d'exportation, tandis que l'UE en représente 60 %.

Prévoyance, pragmatisme, évaluation réaliste de nos forces et de celles de l'interlocuteur, voilà ce dont nous avons besoin ! Et surtout, nous devons savoir ce que nous voulons.

Bien sûr, nous pouvons refuser avec indignation les offres que l'on nous fait, encore faut-il être sûrs que de meilleures viendront.

Les anciens Confédérés étaient (la plupart du temps) capables d'évaluer leurs points forts avec réalisme pour en tirer le maximum - et c'était là leur plus grande qualité... Penser en termes de stratégie est la meilleure tradition suisse. Et comme le rappelait l'homme politique et historien Jean Jaurès dans un célèbre discours au Parlement français, la tradition ne consiste pas à conserver des cendres, mais à entretenir la flamme.

Nous avons un système politique performant sur lequel repose la stabilité de notre société. Il est performant parce qu'à l'instar d'un sismographe, il mesure l'état d'esprit du peuple.

C'est avec la même sensibilité que nous devons observer les développements au niveau international, pour avoir le temps de réagir. Repousser longtemps une décision pour la prendre ensuite de manière précipitée - tel ne peut pas être l'avenir de la Suisse. Nous pouvons faire mieux !

Si nous prenons au sérieux la notion d'intérêt national, nous devons savoir faire preuve d'introspection et regarder en face notre situation.

Nos assurances sociales visent à permettre à chaque personne de notre pays de vivre dans la dignité, qu'elle soit jeune ou âgée, en bonne ou en mauvaise santé, pauvre ou riche.

Rappelons-nous ce que dit le préambule de la Constitution : « La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres ».

A cela s'ajoute un autre aspect : en Suisse, l'Etat social crée aussi une identité. Nous sommes un pays très riche culturellement parlant, mais l'unité dans la diversité est un défi pour nous tous. C'est une mission qui ne cessera jamais, ne pourra jamais cesser. Car parmi ce qui nous unit, il y a aussi le patriotisme des institutions.

Je ne parle pas seulement des institutions politiques mais aussi des institutions sociales. L'AVS est importante pour notre cohésion sociale.

Il est donc extrêmement important que nous réformions notre système de sécurité sociale et que nous le rendions apte à affronter l'avenir. Le vieillissement de notre société et la diversité des modes de vie sont des mutations qu'il faut prendre au sérieux.

Mais la question décisive qui se pose est celle-ci : comment réformer nos assurances sociales sans susciter l'insécurité chez nos citoyennes et nos citoyens ? Or une insécurité grandissante minerait notre modèle de société qui a fait ses preuves, celui de l'équilibre social.

En Suisse, les réformes ne peuvent réussir qu'avec le peuple, pas contre le peuple.

Cela dit, il est vrai que si on attend trop longtemps pour faire des réformes, nos assurances sociales seront menacées. Mais quiconque agit dans la précipitation se retrouvera en fin de compte devant un champ de ruines si la majorité du peuple rejette les projets de réforme. Il suffit de penser au non clair et net qui a sanctionné la tentative de baisse du taux de conversion dans le 2e pilier.

Il ne suffit pas d'avoir raison, encore faut-il avoir l'approbation de la majorité ! Il faut pour cela des réformes équilibrées, qui nous permettent de trouver une stabilité dans le changement. La sécurité sociale est le fondement qui nous permettra de réussir.

La peur ne donne pas des ailes, comme certains milieux voudraient bien nous le faire croire. Car la peur de la déchéance sociale à laquelle on peut être exposé lorsqu'on est âgé, malade ou chômeur - cette peur paralyse et entraîne une attitude de méfiance qui risque d'étouffer toute réforme dans l'œuf.

Or, une Suisse craintive perdrait vite sa position de leader dans la compétitivité mondiale à l'innovation. Dans une Suisse craintive, la foi dans l'avenir, dans le fait que demain sera peut-être mieux qu'aujourd'hui, s'étiolerait.

Autrement dit, la promesse dont nous tous - et je le répète, nous tous - sommes redevables à chaque nouvelle génération serait vaine. Mais les mots ne suffisent pas, ils doivent être suivis d'actions.

Les défis à surmonter ne sont pas simples. Mais par le passé, nous les avons toujours relevés avec brio. Nous pouvons donc être confiants pour l'avenir.


Adresse pour l'envoi de questions

Communication SG-DFI, Tél. 031 322 85 79


Auteur

Secrétariat général DFI
http://www.edi.admin.ch

Département fédéral de l'intérieur
http://www.edi.admin.ch

https://www.admin.ch/content/gov/fr/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-45501.html