Observer l’huile de moteur derriere le métal

Villigen, 03.04.2013 - Des chercheurs du PSI mettent en évidence la répartition de l’huile de lubrification dans un embrayage en marche L’huile lubrifiante est vitale pour les moteurs. Les embrayages multidisques, qui équipent les motos, sont lubrifiés et refroidis avec de l’huile. Mais en même temps, la pompe à huile doit être actionnée par le moteur, ce qui augmente la consommation de carburant du véhicule. L’objectif des développeurs est donc une lubrification optimale des composants de propulsion – avec un débit volumique d’huile aussi réduit que possible. Afin d’observer la répartition de l’huile à l’intérieur de l’embrayage, les développeurs de LuK (D) de la marque Schaeffler collaborent avec les scientifiques de l’Institut Paul Scherrer à Villigen (CH), qui radiographient les métaux avec des neutrons.

Une moto doit être puissante et rapide, mais aussi légère et élégante. Il est donc indispensable que le moteur et la boîte de vitesses soient construits de manière aussi compacte que possible. L’embrayage, qui transmet l’énergie, est situé entre les deux. En règle générale, il est composé de plusieurs disques empilés, alternativement reliés avec le moteur et la transmission. Lorsque la pile de disques est comprimée, ces derniers frottent les uns contre les autres, et l’énergie est transmise du moteur à l’arbre de transmission. En pratique, les disques ne frottent que brièvement les uns aux autres au moment où le conducteur embraye ; ensuite, ils tournent tous ensemble par adhérence. Quand le conducteur débraye, par exemple pour changer de vitesse, le contact de frottement est interrompu et le moteur de nouveau découplé de la transmission.L’empilement de disques ayant un diamètre relativement petit permet de construire des embrayages compacts et légers. L’inconvénient, cependant, réside dans la chaleur résultant du frottement, que le petit volume peut à peine absorber. L’embrayage risque rapidement la surchauffe. C’est pour cette raison que les embrayages multidisques sont refroidis à l’huile. 

Où va l’huile ?

La pompe à huile qui lubrifie le moteur d’une moto assure aussi l’alimentation en huile de l’embrayage. L’huile est acheminée dans l’arbre par un trou et se répartir à l’intérieur de l’embrayage par la force centrifuge. Des goulottes de guidage situées à l’extérieur répartissent l’huile, de manière à ce qu’elle atteigne tous les disques. « Ce qui est évidemment décisif, c’est le cheminement que l’huile emprunte vraiment », explique Matthias Wagner, ingénieur de développement des embrayages chez LuK GmbH & Co. KG à Bühl (D). Pour en avoir le cœur net, il s’est donc adressé, avec ses collègues développeurs,  aux scientifiques de l’Institut Paul Scherrer (PSI). Ces derniers ont en effet la possibilité de voir à travers le métal grâce à la radiographie neutronique et de mettre en évidence le cheminement de l’huile de lubrification.  

Les neutrons traversent le métal

Au premier abord, les images issues de la radiographie neutroniques ressemblent à des clichés radiographiques ordinaires. Mais dans le cas des seconds, les rayons X sont fortement absorbés par le métal et le lubrifiant est à peine reconnaissable. Avec les neutrons, c’est exactement l’inverse : le métal est transparent et le lubrifiant, lui, absorbe les neutrons. « Cela vient du fait que le faisceau neutronique est surtout affaibli par les matériaux contenant de l’hydrogène, et donc aussi par l’huile lubrifiante, puisque cette dernière est composée d’hydrocarbures, explique Christian Grünzweig, chef de projet des applications industrielles du Groupe imagerie neutronique. Le boîtier en aluminium de l’embrayage, en revanche, est presque transparent. » 

Seuls certains disques de l’embrayage sont baignés d’huile

Lorsque Johannes Ruf et Daniel Helmer, ingénieurs de développement chez LuK, ont découvert les premières images, ils ont été surpris : « Seuls trois disques sur huit étaient baignés d’huile, se souviennent-ils. Le lubrifiant n’atteignait pratiquement pas les autres. » Ces résultats sont indépendants du nombre de tours du moteur. Si l’on augmente son débit volumique, l’huile atteint le cinquième disque, mais le quatrième, le sixième, le septième et le huitième restent pratiquement secs. « Or, dans les faits, notre objectif est de réduire le débit volumique, précisent Johannes Ruf et Daniel Helmer. Avec l’alternateur, la pompe à huile est le dispositif actionné par le moteur le plus énergivore. Plus l’alimentation en huile est efficace, moins il faut actionner la pompe, et plus la consommation de carburant de la moto est faible. Notre objectif est d’arriver à une lubrification et un refroidissement optimaux des disques, avec un faible débit volumique. » 

Développement d’un banc d’essai spécial

Pour la réalisation des mesures, les développeurs de LuK et les scientifiques du PSI collaborent étroitement : un banc d’essai a ainsi été développé sur le site de Schaeffler, à Bühl, avec un entraînement électrique latéralement décalé, afin que l’embrayage puisse être radiographié par devant et de côté. Par ailleurs, cela permet de substituer certains des disques (par d’autres materiaux) pour pouvoir réaliser des prises de vue avec un seul disque de friction. Dans un embrayage complet, l’écoulement de l’huile interférerait en effet au niveau des différents disques de friction et ne pourrait plus être attribué à l’un ou l’autre. A cela s’ajoute le fait que les disques de friction sont équipés de pads, faits d’un matériau organique qui absorbe aussi les neutrons. Le banc d’essai a fait ses preuves : « Nous avons réussi à montrer que l’huile s’accumulait sous les pads du revêtement de friction, avant de s’écouler hors du disque dans les interstices, explique Christian Grünzweig. Mais le fait que l’huile n’atteigne pas les disques de derrière est dû au fait que, dès le troisième disque, l’écoulement décroche du goulot de guidage »  

Effet stroboscopique

Pour la prise de vue, la vitesse de rotation de l’embrayage a représenté un défi pour les scientifiques. Normalement, le temps d’exposition pour la radiographie neutronique est de quelques secondes. « Or, nous avons choisi un temps d’exposition de 50 µs, soit 50 millionième de seconde, précise Christian Grünzweig. Pour que la qualité de l’image soit quand même suffisante, nous avons utilisé un système spécial de détection à amplificateur optique. Nous avons réalisé 1000 prises de vue individuelles, qui ont ensuite été additionnées pour obtenir une seule prise de vue d’un temps total d’exposition de 0,05 secondes. » Les différentes expositions sont synchronisées avec la rotation de l’embrayage, afin que l’image soit chaque fois déclenchée exactement à la même position des disques. Christian Grünzweig parle ici de radiographie neutronique dynamique.

La ligne de faisceaux ICON à la Source de neutrons de spallation SINQ, au PSI, a été utilisée comme site d’expérimentation. Ce grand instrument de recherche ne sert donc pas seulement à la recherche fondamentale, il contribue aussi directement à améliorer la fiabilité des embrayages de motos.

 

A propos du PSI
L’Institut Paul Scherrer développe, construit et exploite de grandes installations de recherche complexes, qu’il met à disposition de la communauté nationale et internationale de la recherche. Les points forts de la recherche conduite entre ses murs portent sur les domaines suivants : matière et matériaux, santé humaine, énergie et environnement. Avec 1500 collaborateurs et un budget annuel d’environ 300 millions CHF, le PSI est le plus grand institut de recherche de Suisse. 

A propos de l’entreprise LuK
L’entreprise LuK GmbH & Co.KG, dont le siège sociale est à Bühl (D), appartient au groupe Schaeffler, qui fabrique des produits de précision pour, l’automobile, l’aéronautique, l’aérospatiale et toutes machines et installations mobiles. Actif au plan mondial, le groupe est leader parmi les producteurs de roulements. C’est aussi un fournisseur réputé de l’industrie automobile. Aujourd’hui, une voiture neuve sur trois quitte la chaîne de montage équipée d’un embrayage LuK. Avec 76’000 collaborateurs dans le monde, Schaeffler est l’une des plus grandes entreprises familiales allemandes et européennes.


Adresse pour l'envoi de questions

Dr. Christian Grünzweig; Neutron Imaging and Activation Group, Paul Scherrer Institut
Telefon: +41 56 310 46 62, E-Mail: christian.gruenzweig@psi.ch

Matthias Wagner B.Eng.; Entwicklung Kupplungsdruckplatten Versuch, LuK GmbH & Co. KG in Bühl;
Telefon: +49 7223 941-7659, E-Mail: Matthias.Wagner@schaeffler.com



Auteur

Institut Paul Scherrer


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