Des embryons de poisson armés contre les polluants chimiques

Dubendorf, 03.09.2013 - Des chercheurs de l’Eawag (Dübendorf) et du Centre Helmholtz de recherches environnementales de Leipzig (UFZ) ont découvert une protéine capable d’expulser les produits chimiques qui pénètrent dans les embryons de poisson zèbre et qui les protège donc des substances toxiques. Etant donné, cependant, que certains composés s’avèrent capables de bloquer ce mécanisme de défense et donc d’augmenter la vulnérabilité des embryons, l’étude qui paraît aujourd’hui dans la revue scientifique BMC Biology pourrait se révéler très importante pour l’évaluation des produits chimiques.

Les poissons disposent de nombreux mécanismes de défense contre les polluants chimiques présents dans le milieu aquatique. Certains d’entre eux font appel à des mécanismes de transport membranaire qui empêchent les toxiques de pénétrer dans les cellules. Les transporteurs ABC, qui remplissent cette fonction, ont déjà été bien étudiés chez les mammifères mais assez peu chez les poissons et leurs embryons. Avec plusieurs collègues, deux écotoxicologues, les docteurs Till Luckenbach (UFZ) et Stephan Fischer (Eawag), viennent maintenant de découvrir que, par un processus de transport actif, la protéine ABCB4 était capable d’expulser les substances chimiques des cellules d’embryon de poisson zèbre (Danio rerio). « Les embryons disposent déjà de très bonnes défenses, explique Luckenbach. Jusqu’à présent, l’importance de ces transporteurs a été sous-estimée dans la recherche en toxicologie et en écotoxicologie – ils jouent pourtant un rôle absolument déterminant. »

Des protéines de défense différentes de celles des humains

Lorsqu’un composé chimique se lie à la protéine ABCB4 des embryons de poisson, il provoque l’hydrolyse d’une molécule d’ATP également retenue sur le transporteur. L’énergie alors libérée est utilisée pour expulser l’intrus hors de la cellule. Par ce mécanisme, la protéine ABCB4 est en mesure de neutraliser une grande variété de substances contre lesquelles les embryons se trouvent donc « immunisés ». Chez l’homme, cette fonction est assurée par la protéine ABCB1. Les chercheurs ont donc été surpris d’identifier B4 chez le poisson zèbre alors que cette protéine joue un autre rôle chez l’être humain : elle n’y transporte pas de composés toxiques mais se lie de manière spécifique à certains acides gras du foie qui sont sécrétés dans les voies biliaires pour protéger les cellules hépatiques des dangereux acides biliaires.

Les failles du système

En mesurant l’activité du système de transport transmembranaire, les chercheurs ont pu identifier les molécules pouvant être évacuées par ABCB4. Certains polluants sont en effet en mesure de bloquer le transporteur qui se trouve alors dans l’incapacité d‘empêcher d’autres substances de pénétrer dans l’organisme. « Les composés qui inhibent le transporteur laissent la porte ouverte à d’autres toxiques », explique Stephan Fischer. Ils sont appelés « chimiosensibilisateurs » parce qu’ils rendent l’organisme plus sensible aux polluants. Cet effet indirect peut jouer un grand rôle lors d’une exposition aux cocktails chimiques, tels qu’il s’en présente souvent dans notre environnement actuel.

Les chercheurs étudient actuellement l’effet de différents types de polluants sur le fonctionnement du système ABCB4 – isolés ou en mélange. « Beaucoup d’effets cocktail peuvent s’expliquer par l’activité de la protéine ABCB4, commente Luckenbach. Etant donné que les embryons de poisson zèbre sont souvent utilisés pour l’évaluation des risques liés aux composés chimiques et les études environnementales, nous espérons que notre étude incitera les instances de régulation à intégrer des tests portant sur le système ABCB4 dans les tests de toxicité réglementaires. »

 

Article original:

 

Abcb4 acts as multixenobiotic transporter and active barrier against chemical uptake in zebrafish (Danio rerio) embryos. Stephan Fischer, Nils Klüver, Kathleen Burkhardt-Medicke, Mirko Pietsch, Anne-Marie Schmidt, Peggy Wellner, Kristin Schirmer and Till Luckenbach
BMC Biology 2013, 11:69   doi:10.1186/1741-7007-11-69

 

http://www.biomedcentral.com/1741-7007/11/69

 

     


Adresse pour l'envoi de questions

Eawag – Institut de recherches aquatiques du domaine des EPF
Dr Stephan Fischer; +41 58 765 55 67; stephan.fischer@eawag.ch
Prof. Dr Kristin Schirmer; +41 58 765 5266; kristin.schirmer@eawag.ch



Auteur

Eawag: L'Institut de Recherche de l'Eau du Domaine des EPF
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