«La voie de la Suisse: une ouverture maîtrisée pour éviter le déclin»

Berne, 25.11.2013 - Ecublens, 25.11.2013 - Allocution du Conseiller fédéral Didier Burkhalter à l'occasion des Rendez-vous de l'économie à l'EPFL - Seul le texte prononé fait foi

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

La question qui nous est posée ce soir est à l’image de la démocratie suisse: directe.

«Suisse: l’ouverture ou le déclin?» lit-on sur l’invitation. Je vous remercie de poser le débat de manière aussi claire, franche et tout simplement réaliste.

Car la réponse du Conseil fédéral et du Parlement, et celle maintes fois confirmée par le peuple, est toute aussi claire et tout aussi directe : l’ouverture maîtrisée de la Suisse est un atout essentiel de sa prospérité, c’est la voie de la Suisse.

Depuis des générations notre pays est ouvert au commerce avec l’Europe et avec le monde. En réalité je devrais dire des siècles puisque, pour reprendre la belle image d’un historien: le sel indispensable au bétail dans les pâturages de Guillaume Tell venait d’Afrique du Nord.

La Suisse a toujours été un lieu de passage, un lieu de commerce et c’est ce commerce à travers les Alpes qui a rendu prospères les vallées autour des principaux cols alpins, dont le Gothard. C’est ce commerce européen et même international qui a permis l’essor d’importantes villes commerçantes sur le chemin de ces Alpes à l’image de celle qui furent les premières à rejoindre la Confédération comme Lucerne, Zurich ou Berne...

Aujourd’hui encore la Suisse vit largement de son commerce international. Elle gagne même un franc sur deux grâce à lui et un franc sur trois avec l’Europe.

Cette ouverture est donc un atout essentiel. Les classements internationaux nous le montrent:

• Selon le KOF la Suisse est aujourd’hui un des 10 pays les plus mondialisés.
• Selon «The Economist», notre pays de 8 millions d’habitants est pourtant la 19e économie et le 13e exportateur mondial.
• Selon la Commission européenne, la Suisse est le pays le plus innovant d’Europe et ce depuis des années.
• Selon l’IMD, la Suisse est le 2e pays le plus compétitif du globe.
• Mais il y a encore un «meilleur classement» à ce propos: le WEF annonce lui que la Suisse est en 1ère position de la compétitivité mondiale en 2013, et déjà en 2012.

Ces indices qui proviennent de différentes institutions - d’ici et d’ailleurs – qui observent le monde soulignent que la Suisse est un pays ouvert et que cette ouverture lui réussit. La Suisse est économiquement forte, innovante, compétitive.

Mais il serait incomplet de dire que la Suisse est «ouverte».

La Suisse ne pratique pas «l’ouverture», elle est plus sage et plus subtile que cela. Elle pratique une «ouverture maîtrisée».

Car la Suisse n’est pas ouverte aux quatre vents.
Elle choisit sa politique économique en toute indépendance. Ainsi elle a choisi de ne pas faire partie d’une Union douanière, comme l’est par exemple l’Union européenne, ce qui lui permet de négocier seule ses politiques commerciale et douanière, par exemple en signant des accords de libre échange avec des zones dynamiques du monde: la Chine, bientôt peut-être l’Inde, le Golfe, l’Amérique latine et d’autres. Elle le fait parfois seule, parfois avec ses partenaires de l’AELE.

La Suisse a aussi choisi de négocier sa participation à certains aspects importants du marché unique européen et pour ce faire elle a inventé la voie du succès de la Suisse en Europe, la voie bilatérale. Elle l’a fait souverainement et en y mettant des limites et des garde-fous. Ainsi elle ne reprend pas certains aspects du marché unique – selon la logique des «accords sectoriels» comme on les appelle à Bruxelles.

La Suisse a aussi développé des mesures d’accompagnement pour éviter le dumping social et salarial –un problème social- mais aussi - on l’oublie parfois - une distorsion de concurrence.

En matière d’immigration la Suisse pratique aussi une ouverture maîtrisée. La libre circulation est celle des travailleurs, pas celle des personnes au bénéfice des prestations sociales.


Aujourd’hui la Suisse connaît un système d’immigration à deux axes qui lui réussit bien:

- d’une part il y a la libre-circulation des personnes avec l’UE et l’AELE (avec des pays qui sont donc proches, du nôtre au plan géographique, mais aussi culturel)
- d’autre part pour les pays tiers, les autres pays du monde, la Suisse connait un système de contingents

Ce système repose donc en priorité sur une immigration du continent européen et plus principalement encore de nos voisins.

- 2/3 de tous les travailleurs étrangers viennent en effet aujourd’hui des pays de l’UE ou de l’AELE
- et 1/3 de tous ces travailleurs étrangers viennent de trois pays voisins: l’Italie, la France et l’Allemagne.

Cette politique favorise l’intégration. Il est beaucoup plus facile d’intégrer des travailleurs Allemands, Français ou Italiens que des travailleurs provenant de régions plus éloignées du monde qui ont de plus grandes différences culturelles, linguistiques ou encore religieuses.

Et cette libre-circulation européenne est en effet celle des travailleurs. La condition est d’avoir un contrat de travail qui respecte les conditions de salaire et de travail suisses.

Quant à l’immigration en provenance des pays hors UE/AELE, nous pratiquons donc une politique des contingents.
Ceci permet de faire venir en Suisse des travailleurs très spécialisés que l’on ne trouve ni en Suisse ni dans l’UE et qui sont très demandés. Là aussi c’est nécessaire pour contribuer aux besoins de notre économie et de nos institutions et pour promouvoir la croissance et la prospérité de la Suisse.

La conjonction de ces systèmes est bonne pour notre pays:

- elle favorise les possibilités d’intégration – en privilégiant les travailleurs venant de pays proches
- et elle favorise la croissance, donc les emplois et le pouvoir d’achat en répondant aux besoins de notre économie.

La croissance de la population ces dernières années a en effet correspondu à un besoin de main d’œuvre de notre économie, notamment dans des domaines importants comme:

- les hôpitaux
- l’horlogerie ou
- le tourisme

pour lesquels on ne trouve tout simplement pas suffisamment de collaborateurs qualifiés dans notre pays.


Mesdames et Messieurs,

On entend parfois des plaintes en Suisse sur ce qui pourrait aller mieux en Suisse. C’est normal et c’est humain. Mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue les réalités.

Si l’on chausse les lunettes de nos voisins – on constate que la situation est globalement et comparativement plutôt enviable en Suisse. La Suisse va bien et notre taux de chômage – un des plus bas d’Europe (avec 2,9 % en 2012) le confirme.

Plus important encore à mes yeux, le chômage des jeunes est un des plus bas d’Europe. Ceci souligne une grande qualité de la Suisse et une chance que nous ne devons pas sous-estimer: notre pays offre des perspectives à ses enfants, il les intègre dans la société en leur donnant du travail. Il mène ainsi la meilleure, la plus durable et la plus réussie des politiques sociales!

N’oublions pas qu’il vaut infiniment mieux être un pays attractif qui offre des emplois aux jeunes – à tel point qu’il y a plus de places d’apprentissages que d’apprentis en Suisse! – plutôt que d’être un pays qui voit ses jeunes fuir vers d’autres horizons, un pays qui laisse son avenir lui filer entre les doigts…! La Suisse est un pays plein d’avenir!

Le mérite de cette bonne santé économique de la Suisse revient en premier lieu aux principaux acteurs de l’économie suisse: les entrepreneurs. Vous êtes nombreux présents ce soir, Mesdames et Messieurs, qui mettez votre engagement, vos talents et votre énergie au profit d’entreprises dynamiques, innovantes et travailleuses.

Le mérite est aussi à une culture suisse du partenariat social constructif particulièrement développé qui assure stabilité et évite des réglementations excessives.

Mais ce «génie helvétique» repose aussi sur des conditions-cadres globalement bonnes et typiquement suisses.

- Notre stabilité politique et juridique est un atout à ne pas sous-estimer. C’est pourquoi je suis d’avis qu’il faut toujours réfléchir à 7 fois avant de modifier nos institutions, garantes de ces subtils équilibres. Ce sont des pièces d’horlogerie de haute précision qu’on ne devrait pas toucher sans bien en analyser toutes les conséquences. Le peuple pense manifestement de même qui a laissé le Parlement continuer à élire le Conseil fédéral. Je pense qu’il serait aussi par exemple avisé de maintenir sa composition à sept membres.

- Autre qualité suisse: le fédéralisme qui permet l’action politique au plus près du citoyen et de l’entreprise et stimule la concurrence. C’est aussi pour cela que nous veillons à associer pleinement les cantons à la politique européenne du Conseil fédéral à travers un dialogue régulier au niveau politique, dialogue qui s’est encore tenu ce matin.

- La démocratie directe contribue aussi à cette réussite du pays. Les Suisses choisissent souvent, pas toujours mais souvent, des solutions qui permettent de favoriser la prospérité et l’emploi. Je dois toujours expliquer à mes collègues ministres des affaires étrangères comment il est possible que les Suisses refusent des semaines de vacances supplémentaires ! Ils ne comprennent pas. Je leur explique ceci : les Suisses sont raisonnables et dans le doute ils choisissent la voie de la prospérité.

- Et ceci nous amène sur un autre atout : la Suisse est libérale, elle favorise la concurrence et elle aime le travail bien fait. L’Etat ne légifère pas à tout va, il veille à des conditions cadre qui favorisent la liberté individuelle et stimule la créativité, l’esprit d’entreprise, le travail et le partenariat social.

Et puis ici, à l’EPFL, il nous vient tout logiquement à l’esprit deux autres facteurs déterminant de ce succès:

- D’une part l’ouverture maîtrisée de notre pays qui nous ramène au thème du jour. Avec ses 125 nationalités sur le campus et plus de 50% de professeurs provenant de l'étranger, l'EPFL est un des sites universitaires les plus cosmopolites mais aussi les plus respectés au monde.
Et cette réussite est – comme pour notre économie – directement liée à l’ouverture. Si elle se concentrait sur la Suisse, l’EPFL serait une bonne école. En travaillant dans la cour européenne et mondiale elle est devenue, avec sa sœur de Zurich, une des meilleures écoles d’Europe et du monde. Au fond on ne se contente pas de la ligue interrégionale, on joue en Coupe du monde. Et on gagne! (Espérons que cela inspirera l’équipe de Suisse au Brésil où l’EPFL a d’ailleurs de nombreux contacts et réseaux prometteurs!) On gagne car nos EPF de renommée mondiale sont des moteur de croissance et d’innovation pour tout le pays.

- D’autre part, un des derniers facteurs essentiels de réussite de la Suisse que j’aimerais évoquer, c’est sa capacité d’innovation et son positionnement au firmament de la recherche mondiale.

Or aujourd’hui une recherche de pointe est toujours une recherche en réseau au plan international. La participation de la Suisse aux programmes de recherche de l’UE est n’est donc pas profitable, ou souhaitable: elle est essentielle.

L’EPFL vient récemment d’en donner un exemple particulièrement vibrant en devenant un des deux «cerveaux» de la recherche la plus innovante européenne, en décrochant le statut de «flagship européen» avec le projet «Human Brain» de modélisation des fonctions cérébrales humaines par des superordinateurs. Ce projet a ses quartiers généraux en Suisse, mais il regroupe aussi, en réseau, des scientifiques et des experts de tout le continent et même au-delà, dans un projet qui a, ce n’est pas un hasard, immédiatement attiré une attention soutenue aussi bien à la Maison blanche qu’au sommet des autorités chinoises.

Les organisateurs de la soirée ont non seulement bien choisi la question du jour, mais aussi le lieu de la conférence, car l’EPFL nous rappelle ces atouts de la Suisse de manière évidente.

Stabilité, fédéralisme, démocratie directe, vision libérale, volonté de travailler et d’entreprendre, partenariat social, sens de l’innovation, ouverture, voici quelques caractéristiques essentielles qui ont permis l’émergence d’un «miracle suisse», un petit pays sans ressources et sans accès à la mer devenu l’un de plus prospères et innovants de la planète.

Ceci nous ramène à la question du soir qui porte sur un de ces atours, l’ouverture. Car oui la Suisse a une économie, des universités et une société largement ouvertes au monde, et en tout premier lieu, à l’Europe qui nous entoure.

Un coup d’œil aux statistiques de notre commerce extérieur le confirme: le volume des transactions commerciales entre la Suisse et l’Union européenne s’élève à près d’un milliard de francs suisses par jour ouvrable.

Environ 56% des exportations suisses sont dirigées vers l’UE, tandis que 75% des importations en proviennent.

Si l’UE est de loin notre premier partenaire commercial, à l’inverse la Suisse est le quatrième partenaire commercial de l’UE dans le monde. Si on prend ensemble le commerce de marchandises et de services et le revenu sur le capital, la Suisse se place même à la 2e place des partenaires les plus importants pour l’UE, derrière les États-Unis. Et notre pays est le 2e investisseur au sein de l’Union. La Suisse n’est donc pas «un petit pays» en Europe, comme on l’entend parfois, mais une importante place économique.

Ce qui vaut pour l’Europe en général, vaut tout particulièrement dans notre relation avec nos voisins : les échanges commerciaux avec le seul land allemand du Bade-Wurtemberg se situent au niveau de nos échanges avec les USA! Les échanges avec la Bavière sont comparables à ceux avec le Japon.

Les échanges avec les régions frontalières italiennes sont supérieurs au commerce avec la Chine! Et Rhône-Alpes équivaut pour nous à nos relations avec l’Inde. Or les relations avec ces voisins directs passent, au plan commercial, par les relations Suisse-UE.

Le Conseil fédéral continue à tisser loin à la ronde les liens de cette économie suisse, ouverte au monde. Il créer de nouveaux ponts, avec notamment de nouveaux accords de libre-échange ou des accords de protection des investissements, pour ouvrir de nouveaux marchés en Asie, en Amérique, dans le Golfe. C’est un axe important de la politique étrangère et de la politique économique extérieure de la Suisse.

Mais soyons clairs: ces nouvelles relations, en plein développement, importantes et souhaitables, seront des compléments, mais certainement pas une alternative à notre relation économique avec l’Union européenne.

Les relations commerciales avec le Bade-Wurtemberg n’équivalent pas seulement à celles avec les USA, mais aussi avec tous les BRICS pris ensemble!

La question des organisateurs de la soirée se pose donc dans le contexte global de nos relations extérieures, mais évidemment tout spécifiquement dans le contexte de nos relations avec l’Union européenne.


Parce que le Conseil fédéral veut rénover la voie bilatérale, la voie du succès de la Suisse en Europe, pour pouvoir la rendre durable.
Et parce que le souverain sera confronté à plusieurs votations cruciales sur nos relations avec l’UE ces prochains mois, dont la première le 9 février prochain. La question qui lui sera posée sera en réalité celle de cette soirée: voulons nous choisir l’ouverture maîtrisée pour assurer la prospérité du pays ou optons-nous pour le repli, synonyme de déclin?

Pour le Conseil fédéral et le Parlement, la réponse est évidente.
La politique d’ouverture maîtrisée et la politique européenne de la Suisse servent à assurer à la fois la sécurité, l’indépendance et la prospérité de notre pays, à savoir les trois objectifs que la Constitution attribue à notre politique étrangère.

Pour un pays comme le nôtre qui gagne un franc sur trois dans l’UE, l’intérêt à bénéficier d’un cadre stable et prévisible pour nos échanges avec notre principal partenaire relève de l’évidence.

La voie bilatérale est la voie du succès de la Suisse en Europe. C’est le choix raisonné d’un peuple raisonnable.

Elle a permis le retour de la croissance – la grande absente des années 1990 – et elle offre à la Suisse un accès privilégié dans des domaines importants du marché unique.


Rappelons l’importance de quelques accords, outre la libre circulation des personnes. Nous avons déjà évoqué brièvement l’accord sur la recherche, regardons cela un peu plus en détail. La participation de la Suisse aux programmes-cadres de recherche et de développement technologique (PCRD) a clairement permis de consolider la position Suisse comme pôle de recherche et d’innovation. Non seulement les institutions académiques et les centres de recherche mais également l’économie privée s’intéressent à ces programmes de recherche particulièrement à tout ce qui touche à l’innovation, aux applications industrielles et au transfert technologique. Dans le cadre de l’avant-dernier programme (6e PCRD), un quart (soit 203 millions de francs) des financements européens alloués à des chercheurs suisses bénéficiaient à des entreprises (14 %, soit 111 millions, allant à des PME et 11 %, soit 92 millions, à de plus grandes entreprises). Un tiers a quant à lui été versé à des institutions du domaine des EPF (270 millions).

On voit d’ailleurs une collaboration très forte entre l’économie et la science : un tiers des projets à participation suisse reposaient sur une coopération entre hautes écoles et entreprises.

Cette participation suisse est non seulement essentielle sur le plan des échanges et des réseaux scientifiques qu’elle permet, mais elle est également positive sur le plan financier. Lors du dernier programme le retour des fonds était supérieur à 100 %: les 775 millions de contributions versées par la Suisse ont été largement compensées par les 794 millions versés en soutien à des projets de recherche suisses, laissant un solde positif de 19,2 millions de francs.

Un autre accord important d’un point de vue économique est celui sur les obstacles techniques au commerce qui prévoit la reconnaissance mutuelle des examens de conformité pour la plupart des produits industriels entre la Suisse et l’UE.

De manière générale, les entreprises profitent d’une baisse des coûts et d’un raccourcissement des délais lors de la commercialisation de nouveaux produits en Europe. Cela les rend plus compétitives, ce qui est bon pour nos emplois.

L’importation facilitée de produits de l’UE élargit également l’offre pour le consommateur. L’accord profite en particulier à des secteurs comme celui des machines-outils, de l’électronique, des produits médicaux, des appareils de mesure, de la métallurgie, de la chimie ou de l’industrie pharmaceutique. On estime que cet accord permet à l’industrie suisse d’exportation de réaliser des économies de l’ordre de 200 à 500 millions de francs par an.

L’accord sur les produits agricoles transformés est également important économiquement. Il règle le commerce de produits issus de l’industrie agroalimentaire, comme le chocolat, le café, les boissons, les biscuits ou les pâtes alimentaires. Pour l’industrie agroalimentaire suisse (qui représente quelque 180 entreprises), l’accord signifie un meilleur accès au marché européen et à ses 500 millions de consommateurs. Les producteurs suisses sont désormais exemptés de droits de douane dans l’UE, ce qui améliore sensiblement leur compétitivité. Ces dernières années, les échanges de produits agricoles transformés entre la Suisse et l’UE ont fortement augmenté. De manière générale d’ailleurs, les exportations vers l’UE ont crû plus vite que les importations.

On peut affirmer que l’accord garantit une partie des 364 000 emplois de l’industrie agroalimentaire suisse, en particulier dans les régions rurales économiquement faibles, où sont implantées ces entreprises. Il est aussi bénéfique pour les consommateurs qui, là aussi, bénéficient d’une offre diversifiée.

L’ensemble de cette voie bilatérale est bénéfique pour la Suisse et sa prospérité. C’est la raison pour laquelle le Conseil fédéral veut la pérenniser. Or cela passe obligatoirement par une rénovation institutionnelle, faute de quoi l’UE n’entrera plus en matière sur de nouveaux accords d’accès au marché. Et le statu quo n’en est pas un car le marché unique est dynamique. La Suisse descendrait donc d’un train en marche, un train qui va dans la bonne direction, pour le regarder s’éloigner. Descendre du train ça n’est pas la définition du statu quo!

Faute d’une adaptation de nos accords aux évolutions du marché, les différences de régimes applicables entre l’UE et la Suisse augmenteront peu à peu et cela risque de saper progressivement les bénéfices de notre accès au marché, donc les avantages de nos accords. Seule une rénovation institutionnelle permettra de préserver les avantages de la voie bilatérale. Sinon, c’est comme si on laissait petit à petit notre maison se dégrader. En ne la réparant et en ne la rénovant jamais, elle risque de devenir de moins en moins attrayante pour les locataires, en l’occurrence pour les entreprises sises en Suisse. Cela se fait insensiblement, mais un jour il est trop tard pour réagir.

Cette rénovation institutionnelle que le Conseil fédéral veut entreprendre et qui a déjà obtenu le soutien clair des commissions parlementaires et des partenaires sociaux qui se sont exprimés – les cantons s’exprimeront encore dans moins d’un mois - permettra aussi de négocier si nécessaire de nouveaux accords d’accès au marché, c’est souhaitable pour l’électricité et il est possible que cela le devienne bientôt pour l’accès aux services financiers. Cela nous permettra aussi de négocier sur de meilleures bases les questions fiscales – en veillant à un équilibre global des différentes négociations – et de renouveler plus aisément d’importants accords de coopération, en particulier ceux sur la recherche et l’éducation qui arrivent à échéance.

Le Conseil fédéral a fixé un cadre précis à ne pas déborder dans la négociation à venir sur les questions institutionnelles – il a fixé des objectifs et des lignes rouges. Ainsi il est exclu de reprendre le droit du marché unique de manière automatique, ce qui saperait notre indépendance et le droit de référendum, il est exclu de modifier la portée, les objectifs ou le champ d’application des accords existants. Cela implique que les mesures d’accompagnement suisses ne pourront pas être remises en cause ou encore que la Suisse exclut la reprise de la directive sur la citoyenneté européenne.

La solution institutionnelle choisie par le Conseil fédéral est par ailleurs la seule qui préserve notre souveraineté car elle est la seule qui ne connait aucun tribunal supranational qui puisse décider en dernière instance.

La Suisse ne pourra pas être condamnée par un tribunal externe et le règlement des différends restera politique, au sein du comité mixte, sur la base d’une interprétation – mais pas d’un jugement exécutoire – de la Cour de justice de l’UE. Les autres variantes – en particulier celle de l’EEE - soumettraient toute la Suisse à la décision en dernière instance d’un tribunal étranger. Ce système implique que la Suisse pourra toujours, si elle le juge nécessaire, refuser une solution dans le cadre du règlement des différends, quitte alors à voir l’UE prendre des mesures compensatoires.

L’UE est en train d’élaborer son propre mandat de négociation sur une base analogue à la nôtre. Les négociations ne seront pas faciles, mais – contrairement à ce qui était parfois affirmé l’an dernier – on constate clairement que la voie bilatérale a bel et bien un avenir. Et celui-ci peut être radieux si nous le voulons.

Mais Mesdames, Messieurs,

Avant de renouveler la voie à succès de la Suisse en Europe, la voie bilatérale, il faudra dans un premier que temps que nous ne la jetions pas par-dessus bord le 9 février.

Nous voterons sur la libre circulation. Or non seulement la libre circulation est un pilier central de la voie bilatérale mais, qui plus est, elle nous apporte la main d’œuvre dont notre économie a besoin apportant à notre pays de la croissance.


Mais, et c’est moins connu, la libre circulation permet par ailleurs de répondre au vieillissement de la population suisse qui met sous pression nos assurances sociales, en particulier notre AVS.

On constate en effet que les ressortissants de l’UE et de l’AELE sont des contributeurs nets à l’AVS. En 2012, ils contribuaient à 22% au premier pilier alors qu’ils ne touchaient que 15,7 % de l’AVS. Vu le système de financement de l’AVS, par répartition, l’afflux de capitaux dans la période actuelle est important pour le fonctionnement du système. Sans les effets de l’immigration, le volet «assurance» de l’AVS serait déficitaire depuis plus de 20 ans! Or grâce à l’immigration notre AVS a des résultats positifs depuis l’an 2000 ! Sans cela, les réformes futures de l’AVS - indispensables pour la fin de cette décennie - auraient déjà dû être prises il y a longtemps et ceci brutalement, comme dans d’autres pays.

A cela s’ajoute que cet effet positif sur l’AVS sera certainement aussi valable à long terme puisqu’une bonne partie de cette immigration UE/AELE est formée de personnel bien qualifié.
(53% de ces personnes possèdent un diplôme de degré tertiaire) ce qui en fait pour une grande partie des contributeurs nets à l’AVS puisqu’ils se situent au-dessus du seuil de la rente maximale et que donc ils verseront plus à l’AVS que ce qu’ils n’en recevront jamais.

Pour l’Assurance-invalidité aussi, on remarque des effets clairement positifs : les travailleurs de l’UE/AELE viennent en Suisse pour travailler, ils sont souvent plutôt jeunes et valides.

Ils travaillent généralement dans des métiers moins exposés et ils émargent de fait proportionnellement moins que les Suisses et les ressortissants de pays tiers à l’AI. Ils contribuent ainsi à financer cette assurance qui, sans cela, aurait besoin de réformes et de financements encore plus importants que ceux que nous connaissons.

Bien sûr l’immigration actuelle pose aussi des défis. Le Conseil fédéral prend des mesures, avec les cantons : renforcement des mesures d’accompagnement pour éviter les abus dans le domaine salarial. Des mesures sont aussi en cours pour favoriser l’augmentation de personnel qualifié en Suisse dans des branches spécifiques. Des mesures sont également prises pour augmenter le financement des infrastructures de transports– nous voterons également le 9 février à propos du projet de financement des infrastructures ferroviaires (FAIF / FABI).

Il y a donc un travail qui se fait pour répondre à ces défis en matière de politique intérieure.

Mais la question que pose l’initiative sur laquelle nous voterons le 9 février en est une autre. L’initiative prétend limiter l’immigration par un système de contingents. C’est lourd bureaucratiquement. C’est inefficace et cher.

Et cela constituerait une remise en cause frontale de l’accord sur la libre circulation. Car faire croire que nous pourrions négocier avec l’UE des exceptions à la libre circulation des personnes, qui est au cœur même du marché unique, est un leurre.
Nous ne pourrons pas négocier de telles exceptions. Dès lors nous risquons la dénonciation de l’accord sur la libre circulation des personnes et, avec le système de la clause guillotine, l’effondrement de toute la voie du succès de la Suisse en Europe, la voie bilatérale.

Ce serait donc clairement choisir le repli plutôt que l’ouverture maîtrisée. Ce serait choisir le déclin. Nous aurions des difficultés nouvelles d’accès à une main d’œuvre qualifiée, des problèmes d’intégration de cette main d’œuvre moins européenne, des obstacles économiques pour nos entreprises et nos emplois, des problèmes de financement de nos assurances sociales et de vieillissement et nous perdrions massivement en attrait pour les chercheurs, les entreprises, les investisseurs, les travailleurs, pour notre propre jeunesse. L’initiative n’apporte pas des solutions: elle apporte toute une série de problèmes liés au repli et au déclin.


Mesdames et Messieurs,

Imaginer que la prospérité de la Suisse peut se passer d’une relation stable, sûre, solide et privilégiée avec l’Europe c’est se leurrer. Ce serait mener la politique de l’autruche. Ce n’est pas en refusant de voir les réalités qu’on peut les contrer.

L’agenda de politique européenne sera chargé ces prochains mois, et le rôle et l’ambition du Conseil fédéral et du Parlement consistent à garder ouverte la voie du succès de la Suisse en Europe, la voie de l’ouverture maîtrisée, la voie bilatérale.
Ceci passe sans détour par la préservation de la libre circulation des personnes comme par la rénovation institutionnelle.

Le Conseil fédéral et le Parlement veulent continuer à prendre la réalité à bras le corps. Nous voulons saisir les chances que l’ouverture maîtrisée représente pour la Suisse. Nous voulons traiter les difficultés que cela pose par des réponses adaptées et concrètes sur le terrain. Nous voulons préserver à notre pays un accès privilégié au plus grand marché du monde, nous voulons préserver et développer les atouts de nos entreprises, de nos universités et EPF, de nos chercheurs.

Nous voulons continuer à offrir des perspectives à nos jeunes et à financer nos assurances sociales.

A plusieurs reprises déjà, le peuple s’est prononcé sur la voie bilatérale et la libre circulation des personnes. A chaque fois, il a confirmé cette option raisonnable, ce choix raisonné. Le Conseil fédéral est convaincu, qu’avec votre appui, la population continuera de soutenir la voie du succès, celle de l’emploi et de la prospérité, la voie bilatérale.

Merci de votre attention.


Adresse pour l'envoi de questions

Communication DFAE
Palais fédéral ouest
CH-3003 Berne
Tél. Service de presse: +41 58 460 55 55
E-Mail: kommunikation@eda.admin.ch
Twitter: @EDA_DFAE


Auteur

Département fédéral des affaires étrangères
https://www.eda.admin.ch/eda/fr/dfae.html

https://www.admin.ch/content/gov/fr/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-51108.html