Pedrazzini à Budapest

Berne, 23.10.2006 - Discours du président de la Confédération Moritz Leuenberger à l'occasion de l'inauguration du buste commémoratif du photographe Jean-Pierre Pedrazzini; 50ème anniversaire de la Révolution hongroise, le 23 octobre 2006 à Budapest

 

Des images. C'est ce qui surgit quand nous nous souvenons de ce temps-là, il y a cinquante ans. Des photographies de chars, de maisons bombardées, d'automobiles calcinées et de cadavres dans les rues, nous ont bouleversé il y a cinquante ans. Elles ont d'abord éveillé notre compassion et ensuite notre solidarité politique.

Des photographies. C'est ce qui révéla la vérité aux jeunes gens que nous étions. Des images d'un pays qui n'était pas très éloigné, mais qui, alors, nous était inconnu. Les photographies de la vérité de Jean-Pierre Pedrazzini éveillèrent notre premier engagement politique et aiguisèrent notre conscience.

Nous le savons : la photographie n'est pas la vérité. Il y a toujours eu des manipulations photographiques. Parce que, parallèlement à la technique photographique, celle qui permettait de transformer l'image en mensonge se développait aussi. Nous nous souvenons du Trotski disparu à côté de Staline, du Dubcek disparu à côté de Husak.

La photographie peut être utilisée pour la vérité comme pour le mensonge et la manipulation. Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, ne font plus confiance à une photographie. Ils se disent : texte ou image, tous les deux peuvent mentir. Cela va si loin que certains se demandent aujourd'hui si les Américains ont vraiment marché sur la lune à l'époque.

Aujourd'hui, nous commémorons des photographies qui, il y a cinquante ans, servaient la vérité. La vérité que le photographe paya de sa vie.

Des photographies du Vietnam et des images d'orphelinats en Roumanie, plus tard, ouvrirent nos yeux à la vérité du monde. La photographie était le seul média qui nous donnait accès à un monde qui nous était fermé.

Le monde est devenu petit grâce à la télévision omniprésente. Il n'y a pas de pays que nous ne connaissions pas au moins du petit écran. Le flux d'images d'actualité est devenu si dense que nous ne sommes plus capables de saisir le sens des conflits violents qui agitent le monde. Parce que nous ne savons rien de l'histoire et du passé, mais que nous sommes submergés par des nouvelles actuelles.

Une société ne vit pas que de pain et de biens matériels, ses liens ne sont pas faits que d'échanges commerciaux, de routes, de lignes électriques et de rails. Ce sont des réseaux importants, mais une communauté est faite d'un filet bien plus fondamental. Il est tissé de souvenirs communs, d'images, d'histoires qui nous tiennent ensemble. Ce sont là nos biens les plus chers, notre infrastructure la plus précieuse, parce qu'ils composent notre identité, fondent notre appartenance à une communauté.

Au sein d'une famille, c'est l'album de photographies qui remplit cette fonction, qui rappelle les jours de joie et de peine, qui montre aux enfants des images de son origine et son identité. Un Etat aussi, ou une communauté d'Etats, doit regarder de temps à autre l'album de photos de l'Histoire et en apprendre pourquoi il forme une communauté et comment façonner l'avenir avec tous ceux qui le composent.

Comme les parents qui collent des photos dans des albums pour leurs enfants, la communauté s'engage aussi pour ce qui sert la mémoire collective et l'identité commune.

Nous déclarons facilement que nous devons tirer des enseignements de l'Histoire. Mais pour pouvoir le faire, nous devons d'abord la connaître. Et puis, afin qu'elle ne disparaisse pas de nos mémoires, nous n'avons pas seulement besoin de mots et de livres d'histoires. Nous avons besoin d'images aussi.

Les photographies de Jean-Pierre Pedrazzini n'apparaissent pas comme des nouvelles d'actualité dans le journal. Elles ont, aujourd'hui encore, une signification politique : elles nous rappellent une époque pas très lointaine, mais une époque aussi inconnue aux jeunes d'aujourd'hui que ce qu'était la situation en Hongrie pour les jeunes que nous étions alors.

Et c'est pourquoi les photographies de Jean-Pierre Pedrazzini devraient, aujourd'hui aussi, éveiller l'engagement politique et aiguiser notre conscience.


Adresse pour l'envoi de questions

DETEC, Service de presse, Palais fédéral Nord, 3003 Berne, +41.31.322.55.11



Auteur

Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication
https://www.uvek.admin.ch/uvek/fr/home.html

https://www.admin.ch/content/gov/fr/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-7802.html