30 Jahre Schweizer Kulturzentrum in Paris

Paris, 18.09.2015 - Rede von Bundesrat Alain Berset anlässlich des 30-jährigen Bestehens des Schweizer Kulturzentrums in Paris. – Es gilt das gesprochene Wort

Vous pouvez le croire, je suis très honoré de prononcer un discours célébrant l'amitié culturelle franco-suisse dans cette immense capitale des lettres qu'est Paris.

Pour un socialiste, c'est même un moment d'intense émotion que de le faire rue des Francs-Bourgeois.

Cet honneur et cette émotion, je les dois bien sûr à Pro Helvetia et au Centre culturel suisse, dont nous commémorons l'ouverture, voici 30 ans.

A propos de commémoration, de Suisse et de France, j'aimerais d'emblée, au risque de paraître indélicat, contredire un de nos grands écrivains communs, qui s'est illustré en France il y a un peu plus de deux siècles, en y jouant un rôle politique de tout premier plan. Ce Français d'origine suisse, c'est le Lausannois Benjamin Constant, dont l'entrée au Père-Lachaise en 1830 a, dit-on, été suivie par plus de 150'000 personnes.

Rares sont les Vaudois à avoir fait pleurer tant de Français. Il y a certes bien eu depuis un certain adepte du jeu de paume, qui est récemment parvenu à vous soutirer quelques larmes des terres rouges de Lille et Roland-Garros... Benjamin Constant disait de « la reconnaissance »
qu'elle « a la mémoire courte ». Vous comprendrez que j'entende le démentir en ce jour où, précisément, nous reconnaissons les trois décennies de travail que le Centre culturel suisse a consacrées à la promotion de nos artistes et à l'entretien d'une diplomatie culturelle de qualité.

Notre présence ici même est déjà le signe d'une mémoire à moyen terme et constitue ainsi la preuve que l'on peut être Constant, mais pas toujours infaillible.

Si j'invoque le souvenir de Benjamin Constant, c'est aussi parce qu'il fut intimement lié à une autre de nos célèbres concitoyennes, Germaine de Staël, dont le salon parisien fut à l'époque un haut-lieu d'échanges et de débats culturels, comme l'est au fond le Centre culturel suisse.

La France a toujours été très importante pour les Suisses, et tout particulièrement pour les Suisses romands. Question de langue, bien sûr, mais aussi et avant tout de culture. Notre constitution fédérale démocratique, d'inspiration sociale-libérale, a épousé les grandes idées héritées du Siècle des Lumières.

En cette année 2015, alors même qu'est attaquée en France une partie de cet héritage, pourtant gravé dans le marbre de l'égalité et des libertés, j'aimerais dire que ces grandes idées sont certes attenantes à la raison, et que c'est par conviction profonde que la Suisse les a épousées et qu'elle continue à les chérir.

Ces idées ont forgé une paix sociale et confessionnelle sans prix. Des Suisses - comme Emer de Vattel et son Droit des gens ou Frédéric-César de la Harpe - ont activement contribué à propager la pensée des Lumières, à l'instar, je l'ai dit, de Benjamin Constant et de Germaine de
Staël, elle-même fille du banquier et ministre de Louis XVI Jacques Necker. Et n'oublions surtout pas Jean-Jacques Rousseau, dont les leçons semblent d'ailleurs avoir été beaucoup mieux retenues en France que celles de Necker...

A une période charnière de l'histoire européenne, celle de la Révolution française, la France et la Suisse ont donc cheminé ensemble, en esprit et en littérature.

Mais l'on peut remonter plus loin dans le temps à la recherche des liens plus anciens qui nous unissent. Vos ancêtres les Gaulois et nos ancêtres les Helvètes nous ont transmis un peu de ce sang celte qui coule tout au fond de nos veines et qui, dans un élan de cousinage, a sans doute façonné nos esprits, comme les eaux du Rhône ont façonné nos terres respectives.

Vos urbanistes ont inconsciemment perpétué ce lien : il existe à Paris une rue des Suisses, et elle débute à la hauteur de la rue d'Alésia, ce qui n'est certainement pas tout à fait un hasard.

Mais assez parlé d'histoire et intéressons-nous aux arts. L'intensité des échanges culturels entre nos deux pays est telle que l'on finit honnêtement par ne plus très bien s'y retrouver. Si je vous demande par exemple qui parmi, nos artistes, est suisses et qui est
français, sauriez-vous répondre ?

Jean-Luc Godard, est-il suisse ou français ? (il est franco-suisse par ses papiers, mais suisse par son accent).
Maurice Béjart ? (français, mais il a vécu à Lausanne).
Frédéric Dard ? (français, mais il a vécu près de Fribourg).
Gustave Courbet ? (français, mais décédé à la Tour-de-Peilz, où il était en exil après la Commune).
Felix Vallotton ? (suisse, puis naturalisé Français. Mais, aux yeux de ses collègues postimpressionnistes, il restait un « Nabi étranger »).
Le Corbusier ? (là encore, suisse, puis naturalisé Français, soit la démarche inverse d'Alain Delon).
Philippe Jaccottet ? (suisse, mais il vit à Grignan, dans la Drôme. Il habite aussi dans la Pléiade depuis l'année passée, qu'il a rejointe de son vivant).
Marcel Proust ? (français, mais il se nourrissait tous les jours au Ritz, fondé et tenu par un Suisse).
Luc Bondy ? (suisse et il dirige le Théâtre de l'Odéon à Paris)
Vincent Baudriller ? (français et il dirige le Théâtre de Vidy à Lausanne).
Titeuf ? (français, puisqu'il est édité chez Glénat, mais Zep, son père, est suisse).
Enfin, Johnny Halliday ? (Belge d'origine, Français d'état-civil, mais Suisse de chalet, ce qui peut prêter à confusion).

On s'aperçoit que les exemples ne manquent pas. Tous prouvent l'existence d'une très grande proximité culturelle entre nos deux pays.

Bien sûr, cette proximité engendre parfois quelques rivalités, que nous qualifierons toutefois de confraternelles. Je ne saurais à cet égard passer sous silence l'œuvre la plus représentative des rapports culturels franco-suisses, mais qui trahit, il faut bien le dire, un certain regard condescendant que votre pays porte au nôtre.

Je veux parler d'Astérix chez les Helvètes. Sur la couverture duquel on voit, vautrés dans un coffre d'une banque, Astérix sentir une edelweiss tandis qu'Obélix dévore un gros morceau d'emmental, comme si nous n'avions que ces occupations-là pour tuer le temps. Tout cela donne une image, vous en conviendrez, plutôt caricaturale de notre pays.

Cette image, Alphonse Daudet l'avait également quelque peu écornée dans « Tartarin sur les Alpes ». Mais je pardonne plus volontiers à
l'homme du Midi, pour qui la Suisse peut sembler un endroit sinistre où il ne fait que pleuvoir.

A ce propos, les mauvaises langues disent que les relations entre la Suisse et la France sont aujourd'hui bien moins histoire de culture qu'affaire de liquide. Eh bien, figurez-vous qu'elles ont un peu raison. S'il fallait en effet retenir un symbole de l'union culturelle entre nos deux pays, je le verrais bien dans l'étendue liquide de certaines de nos fontaines.

Non loin d'ici, près d'un autre grand centre culturel, s'en trouve précisément une magnifique, la Fontaine Stravinsky, ou Fontaine des automates. Elle a été conçue par deux de nos plus grands artistes contemporains, votre Niki de Saint-Phalle et notre Jean Tinguely. Cette œuvre commune semble réunir en un même mouvement le savoir-faire horloger suisse et la sensualité des femmes de France, qui sont probablement deux parmi les clichés qui nous déshonorent le moins.

J'aime à croire que cette œuvre est aussi harmonieuse que le sont les relations entre nos deux pays, à l'entretien desquelles participe activement ce centre culturel, ouvert voici 30 ans.

S'il fallait évoquer dans le détail tout le travail accompli durant cette longue période, cette allocution prendrait une dimension « fidelcastrienne» que vous ne supporteriez sans doute pas. Je me contenterai donc de terminer sur ce dernier constat.

Par un amusant transfert de fonctionnalité qui n'aurait sans doute pas déplu à Marcel Duchamp, le Centre culturel suisse de Paris est à son tour devenu une œuvre d'art. Souvent « graffitée », son enceinte a en effet été le lieu d'accueil des sensibilités artistiques urbaines les plus diverses.

On peut donc dire que le Centre culturel suisse aura jusqu'à présent vécu corps et âme pour les arts et nous ne pouvons que l'en aimer davantage.

Chaleureux mercis à son binôme dirigeant ainsi qu'à tous leurs collaborateurs, qui nous prodiguent tant de plaisir et de fierté.


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