Schweizer Theaterpreise

Genf, 26.05.2016 - Rede von Bundesrat Alain Berset anlässlich der Verleihung der Schweizer Theaterpreise in Genf – Es gilt das gesprochene Wort.

Autant vous le dire tout de suite, on m'a mis en garde! On m'a dit que presque toutes les personnes dans cette salle viendraient du monde du théâtre...

Alors je peux vous assurer qu'il est des instants plus confortables que de prendre la parole devant une telle assemblée. Il faut en effet s'attendre à ce que des gens qui ont fait du théâtre leur métier et qui se sont fait à l'ombre des grands textes, aient fini par développer un très haut degré de sensibilité à la musique des mots.

Et il paraît qu'il est prouvé scientifiquement que ce très haut degré de sensibilité s'accompagne souvent d'un taux d'indulgence extrêmement bas vis-à-vis des allocutions officielles.

Cela peut même, paraît-il, générer des effets indésirables au sein de l'auditoire: incompréhension, gêne, honte, énervement, protestation,
vitupération, et puis enfin, franche colère vis-à-vis du discoureur.

Voici d'ailleurs comment Thomas Bernhard, l'un des plus grands prosateurs de la langue allemande, raconte le moment où le Ministre autrichien
de la culture s'est avancé à la tribune pour lui remettre un prix, citation : « Une morgue véritablement indescriptible se dégageait du visage fondamentalement stupide, insensible et béotien du ministre de la culture lorsqu'il me présenta à l'auditoire ».

J'espère vraiment que vous ne me voyez pas comme ça. Mais comprenez quand même que, dans certaines circonstances, le doute puisse m'étreindre...

Non, mais bon, si vous me voyez comme ça, c'est peut-être à cause de l'éclairage... D'habitude, l'éclairage est toujours excellent ici, mais après tout, peut-être que l'éclairagiste a le trac. Ce qui serait embêtant juste ce soir, au moment où il s'agit de mettre un peu de lumière sur nos grands talents de l'année.

Tout cela pour dire que l'on parle toujours de l'auteur et du comédien, mais pas assez de l'éclairagiste - en qui je place beaucoup d'espoir ce
soir ! On ne parle d'ailleurs jamais assez de tous ces métiers qui font le théâtre : les régisseurs, les accessoiristes, les sonorisateurs, les
costumiers, les maquilleurs, les coiffeurs, les machinistes, les cintriers, les guichetiers et les placeurs, sans lesquels jamais un rideau ne trouverait la force de se lever.

Mais revenons à Thomas Bernhard, qui pensait et concluait: « Le ministre n'avait fait qu'ânonner publiquement à mon sujet des contrevérités enrobées de stupidité. (...) J'étais assis là,et ne pouvais pas me défendre, je ne pouvais pas bondir de mon siège et lancer au ministre que tout ce qu'il disait n'était qu'inepties et mensonges. Je ne le pouvais pas. J'étais attaché par des lanières invisibles à mon fauteuil, condamné à l'immobilité. Voilà ta punition, me disais-je, voilà le prix que tu es obligé de payer (....)

Je me conjurais intérieurement de garder mon calme, je me répétais sans cesse, du calme, du calme, du calme, je me le suis répété jusqu'à ce que le ministre eut conclu son arrogant affront. Il aurait mérité des gifles, mais il obtint un tonnerre d'applaudissements ».

Nous nous trouvons là, manifestement, en présence d'un taux minimal d'indulgence vis-à-vis d'une allocution officielle.

Les auteurs ne sont pas toujours tendres vis-à-vis des hommes publics.

Et j'aurais tout aussi bien pu évoquer un grand auteur genevois, Michel Viala, qui dans sa pièce Ghost Writer, imagine un ministre de la culture qui ne trouve pas d'autre idée que de séquestrer un écrivain alcoolique dans son grenier pour qu'il lui rédige des mémoires flatteuses juste avant les élections.

Pour tout dire, j'y ai un moment pensé pour mes discours. Mais je me suis ravisé et je précise donc à ceux qui pourraient se sentir concernés que pour ma part, tout à l'heure, je ne serai pas en repérage d'un auteur à la dérive au moment de l'apéritif. Parce que je ne dispose d'aucun grenier. Vous pouvez donc vous détendre.

Avec des auteurs tels que Thomas Bernhard et Michel Viala, qui nous font sourire, la liberté d'expression prend tout son sens. Elle nous entraîne sur les chemins de l'humour et de l'audace qui mènent à la démocratie.

Comme tous les arts, le théâtre joue à cet égard un rôle de guide essentiel et il mérite évidemment notre considération et notre soutien.

Zum ersten Mal in ihrer noch jungen Geschichte machen die Schweizer Theaterpreise in der Romandie Station.

Wir möchten mit diesem Preis in allen Sprachregionen unseres Landes präsent sein. Denn die Theaterszene ist in jeder von ihnen äusserst lebendig. Wir werden dies auch nächstes Jahr im Tessin feststellen können, wenn wir uns in Lugano wieder treffen.

Wo immer es stattfindet, knüpft das Theater starke gesellschaftliche Bande. Unsere Theater sind gut besucht - wohl nicht zuletzt deshalb, weil sie Orte der Begegnung und des Austauschs sind.

Das Theater ist der Ort, wo Talente sich vor unseren Augen entfalten. Mit den Schweizer Theaterpreisen - wie auch mit den Schweizer Kleinkunstpreisen - zeichnen wir einzelne dieser Talente aus; weisen wir auf einzigartige Leistungen des Theaters und der Bühnenkunst hin und auch auf Begabungen. Diese Auszeichnungen sollen auch Ansporn und Impuls für unser Theaterschaffen liefern.

Doch wenn wir ehrlich sind, so haben die Schweizer Theaterpreise noch ein ganz pragmatisches Ziel. Sie sind auch Eignungsprüfungen für Moderatorinnen, wie Sie heute Abend feststellen können.

Fabienne Hadorn wurde vor zwei Jahren und Brigitte Rosset letztes Jahr als „herausragende Schau-spielerin" ausgezeichnet.

Cette année, c'est donc Genève qui est l'hôte des Prix suisses de théâtre.

Nous venons de citer Brigitte Rosset, qui a joué un peu partout à Genève, notamment au sein de la désopilante compagnie Confiture. Mais surtout, elle a démarré sa carrière en ces lieux mêmes, avec Georges Wod, qui fut directeur pendant 20 ans de cette salle.

J'ai aussi évoqué le regretté Michel Viala, probablement l'un des plus beaux archétypes de l'auteur romand. Ils ne sont pas les seuls à avoir enflammé Genève de leur talentueuse passion.

Genève, où les théâtres sont si nombreux et quelques-uns même si prestigieux, ne peut pas être considérée autrement que comme une  grande ville des arts de la scène. Et nous pouvons ici tordre le cou aux idées reçues et le dire tout net : Genève est bien moins ville de banques que de saltimbanques.

Cela n'a toutefois pas toujours été une évidence.

Il fut un temps en effet où les théâtres étaient interdits dans la Cité de Calvin. On pensait qu'ils étaient lieu de mauvaise vie et que la comédie était un art immoral dispensé par des gens aux vertus petites.

Pourtant lui-même auteur de quelques pièces, Jean-Jacques Rousseau incitait la jeunesse genevoise à s'opposer à la création d'un théâtre et cela parce qu'il jugeait la chose futile, dangereuse, dispendieuse, indigne d'être financée par les deniers publics... En cela, il ne fut pas le dernier par ici.

Il l'a écrit dans une Lettre sur les spectacles éditée en 1758, qui répondait à un fameux article de l'Encyclopédie, dans lequel Diderot et d'Alembert déploraient bien au contraire l'absence de théâtres à Genève.

Et voici ce qu'ils pensaient : « Les représentations théâtrales formeraient le goût des citoyens, leur donneraient une finesse de tact, une délicatesse de sentiments qu'il est très difficile d'acquérir sans ce secours ».

On ne peut décemment penser qu'ils aient eu tort. Cette page d'histoire pour nous rappeler que le théâtre et les arts de la scène participent à l'évolution et à l'édification des sociétés. C'est là une autre raison essentielle de les considérer et de les soutenir.


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