Monsieur le Président du CEL

Monsieur le Président du PLRN

Monsieur le Conseiller d’Etat

Mesdames, Messieurs,

Chers amis neuchâtelois

Tout d’abord j’aimerais vous remercier d’avoir organisé cette chaleureuse et sympathique rencontre ici à La Chaux-de-Fonds, malgré le froid déjà hivernal et les (presque) premières neiges.

Je me réjouis tout particulièrement d’être à c’est endroit, précis – comme il se doit au pays de l’horlogerie, pour plusieurs raisons :

1. D’abord, le « Timing »
- En novembre 2009, lors de ma première semaine de fonction le hasard a voulu que ma première représentation officielle me conduise – précisément - ici. Vous avouerez que pour un conseiller fédéral neuchâtelois, le timing – j’utilise volontairement ce mot bien adapté au musée d’horlogerie – était parfait !

Il s’agissait alors de la cérémonie de remise du certificat de l’inscription du site « La Chaux-de-Fonds/Le Locle, urbanisme horloger » au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Je garde un souvenir très agréable de cette « première » pour le ministre de la culture à l’occasion d’un événement de grande portée pour toute la région et tout un pays. Pour les «les montages neuchâteloises», elles aussi « Suisses par excellence »

2. Ensuite 2e raison d’apprécier d’être ici, c’est le « Swiss timing »
- En effet, c’est un plaisir tout particulier de venir au Musée international d’horlogerie. Car mon père a travaillé longtemps pour une entreprise horlogère – qui ne quitte pas mon poignet… ! et pour laquelle il a assuré le chronométrage – là, il s’agissait de d’innombrables compétitions sportives internationales (Longines Timing, puis Swiss Timing). Jeune, j’ai eu la chance de l’accompagner parfois. J’en ai gardé un véritable attachement pour les valeurs de l’horlogerie, pour la précision, la mesure de l’infiniment petit et – en même temps l’ouverture du monde…les valeurs suisses, par excellence.

Depuis longtemps, - des milliards et des milliards de secondes - l’horlogerie illustre la capacité d’innovation, le potentiel de créativité, le goût de la précision et de l’excellence, la qualité suisse. Ce savoir-faire local – reconnu dans le monde entier - rend donc évidemment l’Arc jurassien suisse par excellence. Et où pourrions-nous mieux souligner ces qualités que dans les murs même du musée de l’horlogerie ?

Mesdames et Messieurs,

Dans une horloge, dans une montre, chaque élément réagit à l’autre, régulièrement, avec précision, sans bouger trop, ni trop peu ; sans en faire trop ; mais sans refuser de bouger quand il le faut.

La succession de mouvements infinitésimaux crée la mécanique d’ensemble. C’est cette succession de mouvements subtils et continus qui mesure le temps qui passe, et qui se répète, jour après jour. Le temps passe, change, mais en fin de compte, rien ne s’efface.

Pour reprendre les mots d’Héraclite, je dirais qu’
« il n’y a rien de permanent que le changement ».

Ce changement dans la permanence, cette permanence dans le changement se reflètent également dans l’action du Conseil fédéral et dans l’action que ce Conseil fédéral a confiée au Département fédéral de l’intérieur.

Car le but des nombreuses réformes que le Conseil fédéral vise, c’est – précisément-  d’assurer la permanence de notre bien-être, la pérennité de nos atouts à travers les réformes nécessaires – les mouvements utiles à notre système pour qu’il demeure performant. Notre « système suisse » - le « mouvement » de la « montre politique suisse » -   a, dans de nombreux domaines, fait ses preuves dans le temps, - a su donner l’heure, mais il ne doit pas non plus être imperméable aux changements des temps. A la Succession de mouvements subtils et continus.

Car, l’option de ne rien changer, de refuser de bouger n’est pas la bonne. La mécanique se bloque. Ne rien changer, ce n’est pas – ou plus - conserver des « acquis », mais au contraire les mettre en danger. (le statu quo n’est pas – plus – une réponse)

Les changements que nous voulons insuffler au système visent le maintien de l’équilibre, ou plus exactement la définition de nouveaux équilibres. Quand les éléments évoluent aux alentours, l’équilibre est menacé si l’on ne s’adapte pas. Un équilibre est toujours l’affaire d’un instant et à viser constamment pour l’avenir, il est à inscrire dans le temps.

« Toutes choses étant égales par ailleurs » la formule qu’aimaient utiliser mes professeurs d’économie à l’université de Neuchâtel ne se réalise jamais, qu’en laboratoire ou en théorie. Et le funambule sur son fil trouve un équilibre momentané mais si son poids se  déplace, si le vent souffle ou si le fil bouge, il lui faut faire mouvement pour retrouver son équilibre. Pas plus que le funambule nous n’avons le choix : si nous refusons de bouger, la chute sera moins rapide, mais pas moins spectaculaire, ni moins brutale que celle de l’homme qui tombe de son fil. Au fond, on en revient à la fameuse phrase d’Einstein - un ancien fonctionnaire fédéral – eh oui - et un ancien étudiant de l’EPFZ - j’aime à le rappeler - Einstein qui expliquait que « la vie est comme une bicyclette, il faut avancer, sinon on tombe !»

Pour cela, la Suisse – et aussi ses « régions d’excellence » - doivent baser leur action et leur volonté commune sur des valeurs fortes et – elles - intemporelles: la liberté, la responsabilité, le respect, la confiance (qui est la base même de notre démocratie directe). Et aussi le courage, celui qui conduit à oser le changement, à oser construire, par exemple de nouvelles formes de partenariats.

L’occasion que vous m’avez offerte est belle, une bonne année après l’entrée en fonction au gouvernement et après cette première – et déjà si lointaine venue officielle en ces terres chaux-de-fonnières -   pour s’arrêter un instant – pour suspendre le vol du temps - et analyser les réformes, regarder cette succession de mouvements dans trois domaines « suisses » qui sont autant de priorités du Département de l’Intérieur ; je veux parler:
- des assurances sociales, - ou la recherche de l’équilibre -
- de la politique de santé, - ou la recherche de la qualité -
- et enfin de la formation et de la recherche – ou la recherche de l’excellence -

I. D’abord, les réformes dans les assurances sociales et leur quête de l’équilibre

Mesdames, Messieurs,

Le souci de trouver de nouveaux équilibres, la nécessité de faire perdurer le système à travers le temps qui passe, voilà ce qui nous anime évidemment dans le domaine des assurances sociales. Je commence par ce domaine car l’image y est évidente : en raison de l’évolution démographique, pour assurer le simple statu quo dans les prestations de l’AVS il faudra augmenter les revenus de 2 à 3% par an ! Le statu quo n’en est donc vraiment pas un, loin s’en faut, l’immobilisme risque – paradoxalement – de provoquer la chute !: le funambule devra être mobile pour garder son équilibre ; et, malgré un tel vent contraire, la bicyclette devrait vite avancer ! 

Ne rien faire c’est à coup sûr se diriger vers un endettement massif du système. Or, l’AVS distribue 37 milliards de francs par an et dans quelques années nous serons plus proches de 50 milliards. L’objectif à moyen et long terme est donc de consolider et de stabiliser l’ensemble du système.

Il faudra aussi veiller à maintenir un certain équilibre au sein du pacte entre les générations ; car charger toujours plus les actifs, qui seront de moins en moins nombreux vis-à-vis des rentiers, ce serait créer un nouveau déséquilibre, lui aussi dangereux. En paraphrasant Saint Thomas More, qui parlait de la préservation de la tradition, on pourrait dire que « préserver l’AVS c’est passer le flambeau, pas veiller sur des cendres ! »

La 11e révision de l’AVS a été rejetée par le Parlement en octobre – au tout dernier vote - pour des raisons de pure tactique partisane, malgré le compromis équilibré – des économies nécessaires et du social ciblé - qui avait été construit entre les deux chambres. C’est le 2e échec de la 11e révision et cela fait 15 ans que l’AVS n’a pas été reformée. La montre s’est arrêtée – brutalement – et il s’agit de la remonter ! Nous avons donc convié les partis et les partenaires sociaux à un tour de table afin de voir quels étaient les équilibres qui pouvaient se dégager :

1. A court terme par  des mesures destinées à améliorer le fonctionnement de l’assurance, sur des points purement techniques, peu spectaculaires politiquement mais utiles pour l’assurance et les assurés.

2. Et à long terme afin d’éviter que, lors de la prochaine décennie, l’AVS ne plonge dans les dettes, car l’AVS va encore bien et ses comptes resteront équilibrés pendant une petite dizaine d’années, mais dès que la descente sera amorcée, elle sera rapide et brutale et alors nous n’aurons pas 10 ou 15 ans pour prendre les mesures. Il faut en fait les préparer ces prochaines années et utiliser le temps à notre disposition avec sagesse, comme un horloger : peut-être une profonde révision lancée au Parlement au début de la prochaine législature (soit en 2012/2013), puis les débats parlementaires, puis une votation populaire au début de la législature suivante (soit vers 2016/17), et donc une AVS à nouveau forte avant 2020 !

D’autres profondes révisions sont déjà engagées :
 Dans l’AI (très endettée et qui doit revenir à son « essentiel » c'est-à-dire la réintégration dans le monde de travail)
 Et dans la prévention professionnelle, cet immense « paquebot » qu’il s’agit d’orienter sur le bon cap !

Notre but dans les trois domaines AVS, AI et LPP est donc, en agissant à différents niveaux, de maintenir la cohésion de l’ensemble des couches sociales et d’assurer la pérennité du système, en particulier son financement, dans la durée. Cela peut paraître contradictoire, mais en réalité cela ne l’est pas. Le financement à long terme de nos assurances sociales est une manière de faire de la « politique sociale durable ».

J’aimerais encore vous parler d’un autre aspect dans le domaine social qui nous tient à cœur : la stratégie de lutte contre la pauvreté, car l’année 2010 qui s’achève était l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Mais ce « combat » va bien au-delà d’une seule année….

Une des forces de la Suisse réside dans sa capacité d’intégration sociale et notamment économique, sa capacité à offrir une place – et, autant que possible, une place de travail - à chaque individu ; à ne laisser personne au bord du chemin grâce à un système social bien conçu et un «marché » du travail dynamique et flexible.

Le système des trois piliers a permis de relever le niveau de vie des personnes âgées. Alors qu’auparavant le 3e ou 4e âge risquait plus fortement de tomber dans la précarité, la santé financière des personnes à la retraite est aujourd’hui souvent bonne, fort heureusement. Il est devenu rare que les personnes âgées soient touchées par la pauvreté. C’est un succès de la politique sociale de la Suisse, d’ailleurs reconnu à l’étranger, comme le sont les montres suisses !

Mais le problème s’est déplacé : les personnes les plus exposées par la précarité sont aujourd’hui les jeunes familles. Pas toutes les jeunes familles, - bien heureusement - mais certaines jeunes familles sont particulièrement touchées par le risque de pauvreté, notamment les familles monoparentales. C’est un phénomène préoccupant et la Confédération avec les cantons, les communes et les villes, et d’autres partenaires à décider d’agir.

Il s’agit de cibler une aide pour éviter, en particulier, que les enfants de familles pauvres ne tombent dans un cycle infernal et ne reçoivent la précarité en quelque sorte « en héritage », comme un mauvais contrat entre les générations. Le temps doit toujours être une construction et non une résignation.

Ce point est au cœur de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté adoptée ce printemps par le Conseil fédéral. Les cantons ont adopté leur propre « programme de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale». C’est un socle sur lequel nous pouvons construire. Il y a deux semaines s’est tenue la « journée nationale de lutte contre la pauvreté » qui a réuni tous les partenaires près de Berne, dans une entreprise sociale. Confédération, cantons, villes et communes, associations et personnes touchées par la pauvreté étaient réunis. Cela a été l’occasion de prendre des engagements concrets qui iront bien au-delà d’une année.

A travers des aides ciblées la Confédération veut favoriser la réintégration sur le marché du travail et à travers des prestations complémentaires pour familles – comme il en existe pour les rentiers – les cantons veulent limiter la pauvreté des jeunes familles. Des actions ciblées et limitées, à travers des partenariats, et qui visent à lutter contre de vrais problèmes qui doivent concerner notre société, pour garder les équilibres.

II. Les réformes dans le système de la santé

Mesdames, Messieurs,
A l’étranger, le Département fédéral « de l’Intérieur », est souvent celui de la police et des services secrets. C’est par exemple le cas de la Turquie dont nous recevions hier le Président à Berne. En Suisse c’est moins « James Bond », ce serait plutôt du côté d’ « Urgences » qu’il faut regarder : car outre le social, nous nous occupons notamment – et je devrais dire beaucoup -de politique de la santé.

Et les mots d’Héraclite « il n’y a rien de permanent que le changement » s’appliquent également à cette politique de la santé. Car là aussi, nous voyons bien que la multiplication des acteurs implique de nouvelles formes de partenariats. Mais cette multiplication des acteurs a aussi accru fortement (ces dernières années) le risque et la réalité d’un blocage dangereux. La montre qui s’arrête…

Les cantons sont responsables de nombreuses tâches dans le domaine de la planification, du financement, et de la surveillance du système de santé. La Confédération a un rôle important de législateur, de surveillance de l’assurance-maladie et de cadre pour l’ensemble du système. Les médecins, les hôpitaux, les assureurs sont autant d’autres partenaires d’un système complexe.

Or des expertises le montrent : si nous soignons bien en Suisse, nous le payons trop cher et l’organisation du système est trop complexe. En 2011, les primes augmenteront en moyenne de 6,5% ; c’est beaucoup, mais c’est proche la moyenne  enregistrée depuis l’entrée en vigueur de la LAMal soit depuis 1996. Pourtant, moyennant des réformes, de nouveaux équilibres, il est possible de soigner encore mieux et, par là même, de maîtriser mieux la hausse de ces coûts.

Notre objectif primordial en matière de santé est donc d’augmenter l’efficacité du système pour en augmenter la qualité. Le Conseil fédéral a défini une stratégie qui vise - tout simplement, mais fermement ! - à mieux prévenir et mieux soigner. Sauver davantage de vies.

Notre stratégie prévoit un arsenal de mesures en fait une série impressionnante de réformes :

1. Tout d’abord, nous allons prendre des mesures pour pouvoir mieux contrôler l’assurance maladie sociale : pour cela, il faudra une surveillance compétente dotée de réels moyens, et rendue indépendante de l’administration fédérale. Il faudra par ailleurs de meilleures règles de gouvernance et plus de transparence dans la gestion des assurances maladie.

Par exemple nous refuserons désormais de reconnaître les frais de courtage : les primes LAMal doivent servir à payer pour l’essentiel les soins et pas  des intermédiaires pour acquérir de nouveaux assurés. La concurrence dans l’assurance-maladie sociale doit se faire sur la qualité et non sur la sélection des risques !

Nous réglerons en même temps la trop fameuse question des réserves des assurances :

- A l’avenir les réserves seront calculées différemment, selon les risques réels encourus par chaque assurance

- De plus, nous introduirons un mécanisme de correction afin que les primes à l’avenir couvrent réellement – et précisément – les coûts sur la durée. Ce qui n’avait pas été le cas par le passé.

- Nous allons aussi régler ce « fardeau du passé » et rééquilibrer  le « trop » ou le « trop peu » payé dans les différents cantons. Notre idée est d’intervenir pendant quelques années par l’intermédiaire de la rétrocession de la taxe sur le CO2 qui est reversée aux citoyens via les primes de l’assurance-maladie.

2. Par ailleurs nous allons introduire le nouveau financement hospitalier qui prévoit des forfaits par cas dans toute la Suisse dès le 1er janvier 2012. Concrètement, on passe du financement de l'objet (l'hôpital et son déficit) au financement du sujet (la prestation). Et l'on augmente ainsi la transparence et la concurrence. Mais en fait ceci n’est qu’une étape. Le but à plus long terme est un financement cohérent de l’ensemble du système afin de corriger des situations comme le fait que l’assurance-maladie paye en gros la moitié des soins stationnaires  - l’autre moitié étant à charge des cantons -  et le 100% des soins ambulatoires.

3. La nouvelle compensation des risques entre les assureurs viendra compléter ce dispositif de réformes. Le système suisse de compensation des risques est aujourd'hui insatisfaisant – et cela depuis beaucoup trop longtemps ! Il n'évite pas la sélection des risques. Le changement se fera progressivement dès 2012 et il sera fondamental !

Au lieu d’inciter à assurer d’abord les personnes jeunes et en bonne santé, le système récompensera les modèles orientés vers les soins de qualité aux malades chroniques (qui représentent 10 à 20% des patients mais environ 70% des coûts).

4. Le projet phare de ces réformes – lié à ce nouveau mécanisme de compensation des risques dont je viens de parler – sera la loi sur les réseaux de soins intégrés, les « managed care ». Le projet de loi a été approuvé par le Conseil national et il est débattu actuellement au Conseil des Etats. Il définit le cadre des futurs réseaux de soins intégrés dans notre pays. Ces nouveaux réseaux devraient permettre d’améliorer sensiblement la qualité des soins ; de suivre réellement le processus thérapeutique tout du long ; de modifier les incitations. En très résumé, le projet consiste à passer d'une médecine avec un maximum de soins à une médecine optimalisée. Choisir immédiatement, puis tout au long du traitement, les meilleurs actes.

Notre objectif est de faire entrer en vigueur la loi en 2012 et d’atteindre en trois ans, soit en 2015, 60% d’assurés dans les réseaux de soins. Ce qui non seulement améliorera la qualité des soins mais devrait également se traduire par des économies estimées à un milliard de francs par an.

5. La loi sur la prévention qui est en traitement au parlement constitue quant à elle la base légale, qui nous manque actuellement, pour mettre sur pied des programmes nationaux pour lutter contre les maladies chroniques. Ce qui est essentiel, d'une part parce que 70 à 80% des coûts de la santé sont liés à ces maladies chroniques et, d'autre part, parce que le vieillissement de la population va considérablement intensifier le problème. Le but est de mettre en place une véritable stratégie nationale de prévention.

6. Le passage à la cybersanté est également un défi de la politique de la santé de demain. L'eHealth n'est pas un but en soi, mais un outil à développer au service de la médecine et du patient. Il permettra de rendre les processus de soins plus efficaces, d'en améliorer la qualité et de renforcer la sécurité des patients.

7. Enfin dernière réforme : au plan institutionnel, il nous faudra probablement inventer un nouveau fédéralisme de la santé, comme on l’a fait pour la formation supérieure, un nouveau paysage sanitaire suisse. Un groupe de travail de la Confédération et de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé a été mis sur pied récemment pour étudier de nouveaux modèles de gouvernance du système de santé, de nouvelles formes de partenariats. Peut-être se dirige-t-on, comme dans la formation, vers de nouveaux articles constitutionnels sur le pilotage de la santé dont la responsabilité est désormais portée ensemble par la Confédération et les cantons.

Les différentes réformes du système de santé sont nécessaires ; elles sont complémentaires et cohérentes. Elles agissent à plusieurs niveaux et à plusieurs vitesses : il y a l’aiguille des heures, celle des minutes, la trotteuse - et aussi la rattrapante ! Ces vitesses se complètent, se combinent pour permettre une bonne maîtrise du système et une lutte contre les trop fortes hausses de coûts.  Ici aussi, nous devons rester mobiles pour garder l’équilibre. La permanence dans le changement.

III. Les réformes dans la formation, la recherche et l’innovation

Mesdames, Messieurs,

« la vie est comme une bicyclette, il faut avancer sinon on tombe !» disait donc Einstein. Mais avant de monter sur la bicyclette, il fallait l’inventer ! Et le temps est passé où l’on pouvait révolutionner la physique – et le monde - et obtenir un prix Nobel en travaillant le soir à domicile et en griffonnant sur des carnets à côté de son travail à l’office fédéral des brevets à Berne… comme Einstein le fit de son temps !

Aujourd’hui les avancées scientifiques les plus remarquables restent presque toujours l’œuvre d’individus passionnés qui ont un trait de génie. Mais leurs expérimentations exigent de plus en plus des installations de grande ampleur. Ceci m’amène – vous l’aurez compris - à vous parler d’un thème essentiel : la formation, la recherche et l’innovation.

Nous le savons tous : une des raisons principales de la resplendissante réussite économique de notre petit pays vient de notre position de leader mondial dans les domaines de la formation, de la recherche et de l’innovation.

Les classements internationaux le prouvent puisqu’ils accordent une place de choix à nos ambassadeurs du savoir, telles que les EPF – classées comme les meilleures universités d’Europe et les meilleures universités du monde non-anglo-saxon. Ce n’est pas un hasard non plus si une grande part des étudiants et des enseignants de nos universités et hautes écoles sont des étrangers : l’excellence attire ; et de nombreux professeurs, chercheurs et étudiants viennent à la rencontre de l’excellence des Hautes Ecoles helvétiques ce qui est dans l’intérêt de notre pays, même si nous devrons veiller à ce que la qualité n’en souffre pas, notamment à travers une trop forte hausse des effectifs.

Mais, cette excellence, Mesdames et Messieurs, a un prix. Cela demande du travail, de la flexibilité et des financements. Atteindre les hauts du classement est difficile (le HCC... tout comme le FC Neuchâtel Xamax en savent hélas quelque chose !) mais s’y maintenir est plus difficile encore, cela exige discipline et abnégation.

Les moyens financiers seront un défi important évidemment. Car aujourd’hui, pour vérifier par l’expérimentation certaines théories d’Einstein, nous devons construire des installations telles que le LHC au CERN : le plus grand laboratoire scientifique du monde, qui vient de publier des résultats fascinants après avoir créée des particules d’antimatière. Un tel laboratoire aucun pays  ne peut se le payer seul, cela exige des partenariats.

La Suisse participera aussi à un projet comme le laser à électrons libres XFEL à Hambourg : une installation de 3 kilomètres de long qui équivaut à un gigantesque microscope électronique et qui permet de voir des particules en évolution : en résumé on passe de la photo au film, ce qui ouvre des perspectives de recherche gigantesques, notamment dans le domaine biomédical.

La Suisse veut également mettre tous les atouts de son côté – et du côté de sa place scientifique et industrielle – en construisant son propre laser à électrons libres le SWISSFEL au Paul Scherrer Institut. Un appareil « plus petit », seulement 700 mètres de long et pour 275 millions de francs d’investissement ! Un avantage de site pour la Suisse qui disposera ainsi d’une longueur d’avance – car notre pays doit toujours se battre pour maintenir sa « longueur d’avance ».

Je n’ai cité que quelques exemples, mais la tendance est claire : il y a toujours plus de projets scientifiques qui impliquent des investissements toujours plus élevés.

Pour relever ces défis, il nous faudra être innovants, aussi en matière de financement, et il faudra développer des partenariats. C’est une nécessité pour la Suisse si elle veut rester à la pointe – et elle n’a tout simplement pas le choix – face à une concurrence internationale en plein développement. Nous avons eu la chance de conduire une délégation scientifique au Brésil en août et je peux vous assurer que le dynamisme de cette jeune puissance économique et scientifique est tout simplement incroyable, elle a la force et le dynamisme d’une jeunesse optimiste et pleine de vie !

Un seul chiffre qui souligne ce développement incroyable du Brésil: en 7 ans, 20 millions de personnes y sont passées de la pauvreté à la classe moyenne !

Mesdames et Messieurs,
Entre 2000 et 2009, l’investissement de la Confédération dans le domaine FRI a augmenté d’un tiers, passant de 3,4 milliards de francs à 4,5 milliards de francs. L’objectif actuel du Conseil fédéral est de maintenir pour ces prochaines années un traitement prioritaire pour le domaine de la formation, de la recherche et de l’innovation pris dans son ensemble.

Bien sûr la hausse sera moins forte que les dernières années : La crise financière a secoué brutalement le monde et de nombreux pays, des voisins, coupent massivement dans leurs budgets.

La Suisse heureusement n’est pas dans cette situation, grâce à une gestion prudente. Elle entend rester prudente dans les finances publiques, mais elle entend aussi continuer d’augmenter ses contributions au domaine FRI plus fortement que dans les autres domaines. Un signal modeste, mais un signal clair. La stabilité du financement est ici un atout essentiel.

Des rendez-vous importants sont d’ores et déjà pris, notamment les messages relatifs à l’encouragement de la formation, de la recherche et de l’innovation seront soumis au Parlement. Nous présenterons dans quelques jours le Message FRI transitoire pour la seule année 2012 qui sera un  prolongement de la stratégie de la période 2008-2011 puis nous allons préparer la nouvelle stratégie pour les années 2013 à 2016. Il y a aussi la nouvelle loi sur les hautes écoles, qui créera un véritable espace national du savoir et qui est actuellement au Parlement et la loi sur l’encouragement de la recherche et de l’innovation (LERI) mise en consultation cette année et qui sera proposé au Parlement en principe en 2011.

Tous ces projets reposent sur l’idée du développement de nouveaux partenariats : entre cantons et Confédération, entre les secteurs public et privé, entre la Suisse et d’autres pays.

Mon récent voyage aux Etats-Unis visait notamment à renforcer notre réseau de « diplomatie scientifique ». Il y a dix ans, la Suisse inventait le premier consulat scientifique du monde : le « Swissnex » de Boston. Depuis lors le réseau s’est développé : San Francisco, puis Singapour, Shanghai et bientôt l’Inde avec Bangalore. L’histoire des Swissnex – ces consulats qui connectent la Suisse au monde à travers la science, la technologie et la culture - est une véritable histoire à succès car elle permet de développer des contacts privilégiés avec les partenaires les plus prometteurs. Grâce à sa diplomatie scientifique, la Suisse développe et consolide ses réseaux scientifiques à l’étranger, elle promeut le progrès, le dialogue et la paix à travers la science. Elle crée des ponts et des partenariats.

Cette nouvelle forme de diplomatie, la diplomatie scientifique j’y crois profondément, car elle sert tout à la fois la Suisse, le monde et la science. Nous ferons un voyage scientifique dans le même but l’an prochain mais cette fois-ci du côté de la Chine et de l’Inde.

Et puis, je dois encore évoquer ici, alors que nous sommes si proches de la France voisine, les partenariats européens. Bien que non membre de l’Union européenne, la Suisse est très fortement imbriquée économiquement mais aussi en matière de recherche et de formation avec l’Union européenne. En début d’année, nous avons signé à Bruxelles les accords permettant à la Suisse d’adhérer pleinement aux programmes de formation européens, notamment le fameux programme Erasmus d’échanges d’étudiants.

L’objectif de tout cela est clair : maintenir en Suisse l’excellence de la science, du savoir et de l’innovation. La Suisse est un des leaders mondiaux dans ces domaines, il faut réformer, travailler, inventer et consolider nos partenariats pour que nous soyons encore en haut du classement dans 20 ou dans 50 ans !  C’est une volonté de la Suisse mais c’est aussi une responsabilité à l’égard du monde qui doit affronter des défis gigantesques, notamment dans les pays émergeants, comme la santé, le climat, l’énergie, l’alimentation. Les Nations à la pointe de la recherche peuvent contribuer à des solutions technologiques innovantes et elles ont le devoir de le faire.

***

Mesdames, Messieurs,
Je viens de vous dresser dans les grandes lignes les principales réformes qui occupent et occuperont le Conseil fédéral et particulièrement le Département fédéral de l’intérieur qui a la passionnante et lourde tâche de porter plusieurs des grands défis de la Suisse pour ces prochaines années.

Le titre de cette conférence disait que « L’Arc jurassien est suisse par excellence. » A travers les importants domaines que je viens de citer on voit que les qualités, les valeurs sur lesquelles nous devons nous appuyer pour réussir sont :
- la flexibilité
- la créativité
- la meilleure qualité
- le travail
- et l’ouverture

L’Arc jurassien et cette région neuchâteloise recèlent toutes ces qualités qui sont aussi des atouts typiquement suisses. Par son souci de la précision horlogère et microtechnique la région peut même montrer la voie à la Suisse entière si elle ne perd pas son esprit positif et optimiste pour l’avenir et qu’elle ne se replie pas sur des querelles de clochers.

L’Arc jurassien doit lui aussi s’adapter au temps qui passe pour conserver l’essentiel, car pour lui aussi cette vérité vaut : « il n’y a rien de permanent que le changement ».

En ce sens, les défis de la Suisse, ce sont aussi les défis de l’Arc jurassien ; et leurs forces et leurs valeurs sont les mêmes, celles qui conduisent notre pays à l’excellence. Cette ville de La Chaux-de-Fonds, construite à la montagne - contre toute attente - et qui accueille tellement de fleurons connus dans le monde entier est une preuve exemplaire que le monde appartient à ceux qui prennent leur destin en main, travaillent, innovent et misent sur la qualité. La force de ce symbole a été reconnue au niveau mondial l’an dernier par l’inscription de cette ville, sans pareille, et de sa voisine - Le Locle - au patrimoine mondial.

L’Arc jurassien est suisse par excellence ; il n’hésite pas à viser une excellence typiquement suisse !  Cette région vise « dans le mille »… comme le prouvent d’ailleurs aussi bien l’altitude de La Chaux-de-Fonds, que l’âge - millénaire - de la Ville de Neuchâtel et de ses villages voisins!

Je vous remercie de votre attention et je vous souhaite une très belle journée et – ainsi qu’à vos familles, une belle et chaleureuse fin d’année.

Rencontre avec le Club économique libéral de Neuchâtel - «L’Arc jurassien, suisse par excellence»