Sehr geehrter Herr Minister,
Sehr geehrter Herr Küng,
Sehr geehrte Gäste aus Indien,
Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie de m'avoir invitée à participer au Forum suisse du commerce extérieur 2007. C'est avec plaisir que je constate que les représentants de l'économie suisse sont venus en nombre aujourd'hui, preuve de leur intérêt pour cet échange d'idées. Je tiens à saluer la présence de nos hôtes indiens, avec qui nous entretenons, depuis près de soixante ans, des relations à la fois officielles - nos deux pays sont liés par traité - et amicales. Nos relations bilatérales et notre balance commerciale sont la preuve de cette amitié.

Depuis 2004, nos exportations vers l'Inde ont augmenté d'environ 36% et nos importations en provenance de ce même pays, de 13%. Les investissements directs suisses en Inde se montaient à 1,8 milliard de francs fin 2005. L'Inde est un pays attrayant pour les entreprises suisses. Le Swiss Business Hub de l'Osec à Mumbai soutient activement les PME suisses depuis fin 2001.

Quelque 150 entreprises, des joint ventures indo-suisses, des succursales et des filiales d'entreprises suisses sont actuellement présentes sur le marché indien, principalement dans les secteurs des machines et des appareils, de la chimie et des produits pharmaceutiques, des textiles et des services.

L'Inde incarne le dynamisme économique et nous montre à quel point le monde est en train de changer. Nous devons répondre à ces changements avec des instruments pertinents, tant sur le plan économique que politique.

Mesdames et Messieurs, il n'est écrit nulle part que les poids lourds de l'économie mondiale seront toujours les mêmes. A l'époque de la guerre froide, nous vivions dans un monde ordonné et structuré entre les pays du premier, du deuxième et du tiers monde.

Mais le monde a changé :

Aujourd'hui, cette structure s'assouplit et des pays comme l'Inde ou le Brésil sont en passe d'entrer dans le « premier monde ».
La Chine s'envole et le Vietnam piétine, alors qu'ils étaient encore au coude à coude il y a quelques années.
Aujourd'hui, le PIB de l'Union européenne dépasse encore celui des Etats-Unis et de la Chine; en 2015, les Etats-Unis vont dépasser l'Europe, l'Inde passera de la 6e à la 8e place, alors que la Suisse descendra de la 12e à la 14e place, selon les estimations du SECO.

Nous devons prendre en compte ces changements.Nous avons développé une stratégie en matière de politique extérieure, pour pouvoir nous affirmer dans ce contexte de concurrence mondiale.

Une grande partie de l'économie suisse a anticipé cette évolution, en se tournant vers l'extérieur. Les milieux politiques ont fait de même et s'engagent pour une libéralisation de la politique commerciale. Aujourd'hui, la Suisse profite de la mondialisation et de  l'intégration planétaire. Nous ne devons pas bloquer cette ouverture internationale ; nous devons au contraire l'aborder de manière offensive et bien nous positionner à travers la politique économique, l'amélioration de la compétitivité et la stratégie économique extérieure.

Notre stratégie économique se fonde sur trois axes :

premièrement, l'accès aux marchés, grâce à une réglementation multilatérale efficace, par exemple dans le cadre de l'OMC, qui assure un accès non discriminatoire aux marchés, et apporte sécurité juridique et transparence, notamment en matière de propriété intellectuelle. La conclusion d'accords bilatéraux, que ce soit avec la Communauté européenne ou avec d'autres Etats, permet également d'atteindre cet objectif.
deuxièmement, la concurrence sur le marché intérieur : nous voulons favoriser l'expansion de l'économie nationale en augmentant la concurrence à l'importation et en démantelant les entraves au commerce.
troisièmement, la promotion des pays en développement : il est dans notre intérêt que les pays en développement mettent à profit les chances offertes par la mondialisation et puissent ainsi réduire la pauvreté. La politique de développement n'est pas une aumône pour les pauvres, ni une manière de soulager notre conscience.

Sur la base de cette stratégie, la Suisse s'attache à élargir ses relations économiques. Pour cela, les marchés étrangers doivent s'ouvrir à tous les secteurs économiques et à toutes les entreprises.

Nous mettons en œuvre la stratégie économique extérieure à différents niveaux :

à travers les accords bilatéraux avec l'Union européenne;
à travers notre engagement auprès de l'OCDE et de la Banque mondiale et pour le cycle de Doha;
à travers des accords bilatéraux de libre-échange avec des Etats qui ne font pas partie de l'Union européenne et
à travers les réformes internes.

Notre politique européenne est un pilier important de la politique économique extérieure de la Suisse. Aujourd'hui, quelque 20 accords principaux et plus de 100 accords secondaires constituent une base solide pour nos relations économiques. La politique des accords bilatéraux avec la Communauté européenne a porté ses fruits. La concurrence s'est intensifiée sur le marché intérieur, ce qui a permis d'accroître la productivité en Suisse. Le recrutement de main-d'œuvre étrangère qualifiée devient possible: celle-ci contribue à la reprise conjoncturelle. Désormais, nous pouvons participer pleinement aux programmes de recherche de l'Union européenne : c'est une condition essentielle à l'innovation et à une croissance durable.

Avec un marché intérieur de près de 500 millions de consommateurs, l'Union européenne est notre principal partenaire économique. Un franc sur trois est gagné dans les échanges avec l'Union européenne et nous sommes, derrière les Etats-Unis, le deuxième client de l'Europe sur le marché des produits. Deux tiers de nos exportations sont destinées à l'Union européenne et quatre cinquièmes de nos importations en proviennent.

Toutes ces raisons nous poussent à persévérer dans notre politique d'intérêts bilatérale, même si, de l'extérieur, des discussions sur certaines questions (impôts) ternissent quelque peu le tableau. Nous l'appliquons également sur les questions touchant l'extension de la libre circulation des personnes à la Bulgarie et à la Roumanie ou la contribution à l'élargissement.

Parmi les nouveaux dossiers qui intéressent à la fois l'Union européenne et la Suisse, citons le transit d'électricité à travers notre pays ou l'accord de libre-échange dans le secteur agricole et des denrées alimentaires. Au-delà de l'Europe, la mondialisation offre des opportunités à la Suisse et lui pose des défis. C'est pour cette raison que l'OMC joue un rôle capital pour notre pays. Economie ouverte, la Suisse souhaite que le cycle de Doha se conclue de manière équilibrée.

Pour cela, il faut un équilibre entre un meilleur accès au marché pour les biens industriels et les services, d'une part, et l'abaissement des droits de douane dans le secteur agricole, d'autre part. La Suisse ne reste pas inactive dans ce contexte. En marge du WEF de janvier 2007 à Davos, les ministres de l'OMC se sont rencontrés, suite à mon invitation, lors d'une réunion informelle. Cette rencontre a permis de reprendre les discussions techniques à Genève en février et, au niveau politique, de continuer les discussions relatives aux points sensibles.

Quel est l'objectif de la Suisse ?

Nous militons en faveur d'un cycle étendu : il ne s'agit pas de nous limiter à améliorer l'accès au marché, mais également de réexaminer les règles en vigueur, d'en créer de nouvelles et de favoriser la cohérence entre l'OMC et les politiques menées dans des domaines comme l'environnement et le développement.

Nous appliquons déjà des droits de douane très bas sur les produits industriels (accès aux marchés pour les produits non agricoles, AMNA). Nous nous attelons donc à améliorer l'accès au marché dans les autres pays, particulièrement dans les pays émergents. La réduction des droits de douane est une étape importante dans ce processus. Au-delà de la question des tarifs douaniers proprement dits, il est essentiel de s'attaquer aux obstacles non tarifaires (certificats et examens inutiles, etc.).
Etant donné que l'économie suisse se profile toujours plus comme une économie de services, nous nous engageons avec résolution pour une amélioration de l'accès des prestataires suisses aux marchés étrangers. Les demandes que la Suisse adresse à d'autres membres portent principalement sur des services hautement techniques et à forte valeur ajoutée, notamment dans les services financiers ou la logistique.
Nous sommes par ailleurs prêts à mener des réformes progressives dans le secteur agricole, si, en plus de l'amélioration de l'accès aux marchés, les questions non commerciales de l'agriculture (non-trade concerns, NTC) sont prises en compte. Cependant, des concessions trop brutales poseraient un sérieux problème à notre agriculture.

Si les Etats-Unis ne prolongent pas au-delà du mois de juin la « Trade promotion authority » du président américain, le cycle de Doha pourra être conclu au mieux en 2009/2010. Une prolongation de la TPA dépend avant tout de l'obtention rapide de résultats partiels dans les négociations.

Outre la réglementation multilatérale de l'OMC, les accords bilatéraux de partenariat et de libre-échange classiques restent essentiels. La conclusion de tels accords avec des partenaires commerciaux hors de l'Union européenne est indispensable à la compétitivité et à l'attrait de la place économique suisse. Les Etats de l'AELE disposent actuellement d'un réseau de dix accords avec des partenaires de la zone Europe-Méditerranée (Croatie, Macédoine, Turquie, Israël, Jordanie, Maroc, Autorité palestinienne, Liban, Tunisie et Egypte) et de cinq accords avec des pays hors Europe (Mexique, Chili, Singapour, Corée et SACU).

Outre la circulation des marchandises, ces accords intègrent de plus en plus les domaines des services, des investissements, de la propriété intellectuelle et des marchés publics.

La Suisse entend faire de grands progrès dans ce domaine.

Le 9 mars 2007, le Conseil fédéral a approuvé un mandat de négociation en vue de la signature d'un accord économique global de partenariat et de libre-échange avec le Japon. Ce devrait être le premier accord de libre-échange signé entre le Japon et un partenaire européen.
Les négociations de l'AELE avec le Canada en sont à l'étape finale ; celles avec les membres du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe sont en cours ; des négociations ont été ouvertes avec la Thaïlande.
Des négociations pour des accords de libre-échange entre les pays de l'AELE et la Colombie et le Pérou seront bientôt ouvertes ; il devrait en aller de même, au cours de cette année, avec l'Indonésie, l'Algérie et l'Albanie.

Le Conseil fédéral a adopté des stratégies de politique économique spécifiques pour les pays dits du BRIC, à savoir le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine. Ces pays ont en effet le potentiel pour rattraper bientôt les principales puissances économiques mondiales. Un sondage mené auprès des entreprises arrive à la même conclusion. Les pays du BRIC jouent par ailleurs un rôle grandissant dans la croissance de l'économie suisse ; les exportations vers ces Etats ont par exemple progressé de 67% de 1995 à 2005.

J'ai signé, le mois dernier au Brésil, un protocole d'entente pour la création d'une commission économique conjointe en vue de renforcer les relations économiques entre la Suisse et le Brésil.
Nous nous engageons pour que les négociations de libre-échange que la Chine et l'Islande ont engagées en décembre dernier soient étendues à tous les pays de l'AELE.
En Inde, nous aimerions augmenter les fonds disponibles pour le Swiss Business Hub de Mumbai ou promouvoir la place économique suisse en collaboration avec les cantons. Jusqu'à la fin de l'année, nous allons sonder les possibilités d'un accord de libre-échange dans le cadre de l'AELE. Au niveau de l'OMC, nous œuvrons en vue d'abaisser les droits de douane pour les biens industriels, et, au niveau bilatéral, nous nous engageons pour la protection de la propriété intellectuelle et le renouvellement de l'accord relatif au trafic aérien de lignes.

Nous avons créé, en 2006, un Forum de coopération avec les Etats-Unis. Nous souhaitons améliorer les relations dans les domaines du commerce et des investissements. L'un des thèmes traités est celui du cybercommerce. Nous travaillons également à encourager la collaboration dans le domaine de la propriété intellectuelle, et nous aimerions fédérer nos forces pour lutter contre le piratage et les contrefaçons.

Mais il faut garder à l'esprit que nous ne réussirons sur ces dossiers que si le programme des réformes économiques internes est mis en œuvre de manière systématique. Ces réformes jouent un rôle décisif pour la bonne intégration de la Suisse dans l'économie mondiale. L'ouverture du marché intérieur fait partie intégrante de la stratégie en matière de politique extérieure. Le renforcement de la loi sur les cartels (sanctions directes) ou la révision de la loi sur le marché intérieur sont des exemples de succès récents dans ce domaine.

Nous allons persévérer sur cette voie en poussant la révision de la loi sur les entraves techniques au commerce (Cassis de Dijon) et la libéralisation dans le domaine des infrastructures (le marché de l'électricité, par exemple).

Mesdames et Messieurs, grâce à notre stratégie économique extérieure et aux réformes économiques internes, nous sommes en mesure de relever les défis actuels. Mais rien ne nous garantit que le monde se développera comme nous le pensons aujourd'hui. L'équilibre est très fragile et le contexte global peut changer très rapidement. Je pense par exemple au SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) et à une possible pandémie.

Mais je pense aussi

à l'utilisation des ressources: 1,2 milliard d'êtres humains vivent aujourd'hui sans eau;
à la migration: 40% des personnes âgées de moins de 20 ans vivent dans le tiers monde et cherchent du travail dans le premier monde;
à l'injustice sociale: plus d'un milliard d'êtres humains vivent avec moins d'un dollar par jour; plus de 800 millions souffrent de la faim; 300 millions d'entre eux sont des enfants.

Ce sont les grands défis de demain.

Pour les relever, trois facteurs sont indispensables : croissance économique, équilibre social et stabilité écologique. Nous avons, en Suisse, la possibilité de changer les choses. L'optimisme actuel, l'essor des investissements et un nouveau sentiment de confiance en sont des signes encourageants. De plus, le classement du WEF, qui place la Suisse en tête sur le plan de la compétitivité, montre que nous sommes sur la bonne voie. Tous ces éléments sont source de motivation; mais cela ne suffit pas !

Il ne suffit pas de faire des affaires avec le reste du monde et de continuer d'axer notre politique sur des valeurs locales. Il ne suffit pas de me dire dans des entretiens particuliers combien l'OMC est importante.

Nous devons veiller à ce que la Suisse demeure une place économique attrayante.

C'est un défi pour vous, les entrepreneurs, qui devez lancer des produits et des services novateurs sur de nouveaux marchés.
C'est un défi pour nous, le gouvernement, qui devons mettre en place un environnement compétitif en Suisse et un réseau dense d'accords extérieurs.
C'est enfin un défi pour toutes les parties prenantes, qui doivent œuvrer pour que la mondialisation apporte croissance et prospérité à tous les êtres humains.

Je vous remercie de votre engagement et de votre attention.

La stratégie de la Suisse en matière de politique extérieure