Monsieur Aebischer,
Monsieur Arn,
Mesdames et Messieurs les représentantes et les représentants de la science, de la politique et de l'économie,

Pourquoi la Suisse a-t-elle besoin d'une année de l'informatique précisément en 2008 ?

Nous avons pourtant inventé le Natel , le téléphone national de voiture, il y a 30 ans déjà - malheureusement ce sont les Finnois qui ont su exploiter toutes ses potentialités. Nous avons développé « Pascal » à l'EPFZ - malheureusement, c'est un Américain qui l'a commercialisé. Nous avons développé la toile mondiale, le Word Wide Web, le www - malheureusement, ce sont à nouveau les Américains qui ont poursuivi son développement.

Nous pourrions aisément continuer la liste des idées informatiques brillantes mais mal exploitées en Suisse. Nous nous sommes, comme bien souvent, certes levés tôt, mais réveillés plus tard que les autres !

C'est dire si nous avons besoin de cette année de l'informatique comme d'un rappel pour nous sortir de cette torpeur ! Le domaine des TIC n'est-il pas représentatif d'une technologie de base pour l'économie et la prospérité de la Suisse ?

Si nous voulons promouvoir le processus économique d'innovation, si nous voulons développer une économie durable, si nous voulons positionner notre pays dans le peloton de tête des meilleurs sites économiques, nous ne devons plus jamais laisser passer de telles chances. Pour réellement promouvoir la croissance économique, il faut non seulement que la Suisse fasse partie des plus gros utilisateurs mondiaux des TIC, mais aussi qu'elle appartienne plus que par le passé aux grandes nations innovantes dans ce domaine. Il existe en effet des interactions directes entre le potentiel technique de développement de professionnels du domaine des TIC bien formés et les possibilités de croissance de l'économie.

La technologie de l'information contribue grandement à l'augmentation de la productivité dans le monde du travail. Les connaissances des professionnels et des utilisateurs dans ce domaine sont d'une grande importance pour le marché du travail. Ce dont la Suisse a particulièrement besoin, ce sont des professionnels capables de développer de nouvelles applications des TIC ou des processus encore plus efficaces. Malgré l'importance incontestée de ces aspects, le domaine des TIC connaît quelques faiblesses. Je pense qu'il est notamment nécessaire d'agir dans les quatre domaines suivants :

Nous devons unir les forces en présence et améliorer la visibilité du domaine des TIC dans son propre intérêt et pour renforcer la Suisse en tant que pôle économique.
Nous devons intensifier et améliorer la formation dans le domaine des TIC, le nombre d'étudiants et de personnes en formation dans ce domaine ayant baissé ces dernières années.
Nous devons élargir le champ d'application des TIC. La Confédération peut donner l'exemple en développant une stratégie globale de cyberadministration (e-Government) et de cybersanté (e-Health).
Nous devons également appliquer le principe de la bonne gouvernance

(« Good Governance ») au domaine des TIC et bâtir une confiance, en particulier dans le domaine du commerce électronique (e-commerce).

En ce qui concerne l'union des forces :

Commençons par deux constats : le nombre de personnes utilisant un ordinateur en Suisse, également sur le plan privé, dépasse largement celui des autres pays européen ET notre économie est devenue très dépendante de la technologie de l'information - dans l'administration également, le fonctionnaire armé de son crayon de papier est une espèce en voie de disparition.

En conséquence, il existe de nombreux « spécialistes informatiques », autoproclamés mais non qualifiés ; comme dans les stades de foot, où chaque spectateur est lui-même le meilleur joueur, beaucoup d'utilisateurs informatiques prétendent « y connaître quelque chose en informatique ».
Pourtant, seuls les spécialistes informatiques correctement formés peuvent assurer la mise en place de l'infrastructure informatique nécessaire, développer et mettre en œuvre des nouveautés. Ces personnes sont indispensables à notre société. N'avez-vous jamais malmené votre clavier après une panne d'ordinateur, ne sachant plus à quel saint vous vouer ?
Et puisqu'il y a aujourd'hui plus de 100'000 vrais spécialistes informatiques en Suisse, dont une grande partie est issue d'autres professions, le domaine des TIC a développé un grand nombre d'associations, allant de A comme asut jusqu'à V comme VIW .

Je salue la décision de réunir le savoir-faire de ce domaine sous l'égide d'ICTswitzerland afin de présenter une image commune. C'est le seul moyen d'assurer la relève et d'augmenter la qualité de la formation. C'est également la seule manière de faire reconnaître l'importance de ses activités pour l'économie.

Mais cela ne saurait suffire.

Je souhaite que le fossé entre les utilisateurs et les personnes familières des TIC se réduise et que l'ordinateur ne soit plus, pour la majorité des utilisateurs, terra incognita. Je souhaite que la communauté informatique soit davantage présente dans la sphère publique. La remise des prix de ce soir participe à l'augmentation de cette visibilité. Si les ordinateurs doivent être plus que des machines à écrire et un système de courrier virtuel, les représentants du domaine des TIC doivent développer leurs propres compétences en communication. Ils doivent occuper le devant de la scène plus souvent et expliquer leur technologie, les nouveautés et leur impact.

En ce qui concerne la formation :

Comme vous le savez, le recul dramatique de la relève dans le domaine de l'informatique a constitué la raison principale de la mise sur pied de l'année de l'informatique 2008.

L'une des raisons de ce recul est apparemment liée à l'image négative que le grand public a des professions du domaine des TIC. Il faut travailler à améliorer sensiblement cette image. Les informaticiens ne sont ni des mordus de technologie ni des bricoleurs introvertis. Les informaticiens sont des professionnels modernes indispensables dans un monde électronique aux réseaux toujours plus étendus. On n'améliorera pas l'image des professions informatiques par des salaires élevés, mais par une formation de qualité. En bref : il convient de mieux valoriser tous les atouts de la formation professionnelle d'informaticien. Cela n'a malheureusement pas été le cas jusqu'à présent.

Depuis 2004, le nombre de personnes achevant une telle formation diminue à tous les niveaux de formation. Les informaticiens correctement formés n'ont certes pas eu de difficultés à retrouver immédiatement un emploi ces dernières années, mais pour ceux dont la formation est insuffisante, les choses ont été plus compliquées. Mais, me direz-vous, comment faire en sorte que la profession d'informaticien soit plus prisée en Suisse ?

Premièrement, en enseignant l'utilisation de l'informatique le plus tôt possible ; les enfants ont un accès plus spontané face aux mondes virtuels.
Deuxièmement, en promouvant l'intérêt pour la technique par l'enseignement des sciences naturelles et des mathématiques dès l'école primaire.
Et enfin, en facilitant l'accès des femmes aux professions dans le domaine des TIC.

Je suis convaincue que l'initiative « encouragement de la relève dans les domaines des sciences naturelles, des mathématiques et de la technologie (SMT) » saura mieux sensibiliser les enseignants et les élèves. Je n'attends pas moins de cette initiative qu'une inversion de la tendance. Le plan de mesures que nous avons mis en place doit permettre d'unir les forces en présence, de créer la transparence requise et d'exploiter au mieux des synergies. Cela donnera les impulsions nécessaires pour donner aux contenus de formation techniques et scientifiques l'attrait qui leur fait actuellement défaut.

Cela se traduit concrètement par les quatre mesures suivantes :

Au travers des journées « projet », la Confédération, l'économie et les cantons (CDIP) souhaitent susciter l'intérêt des élèves pour la technologie et les sciences naturelles et les motiver à orienter leur choix de carrière dans ce sens.
La plate-forme Internet SimplyScience (www.simplyscience.ch) a pour but de faire découvrir le monde des sciences naturelles et de la technologie aux élèves de 12 à 16 ans.
Les sciences naturelles et la technologie doivent être plus fortement intégrées à long terme dans les plans de formation.
Enfin, l'attention des enseignants sera davantage attirée sur cette thématique lors de leur formation et de leur formation continue.

Dans la même optique, les femmes doivent être interpellées de manière plus ciblée.

Les femmes sont certes majoritaires parmi les utilisateurs informatiques, mais elles ne sont que 10 % parmi les professionnels ! Je trouve ce pourcentage insuffisant.

La formation dans les hautes écoles est souvent couplée à la recherche. C'est précisément la recherche informatique qu'il s'agit de développer. La situation initiale est bonne à l'heure actuelle dans le secteur. Entre 2002 et 2006, les chercheurs suisses ont ainsi pu obtenir, pour les projets dans le domaine « technologie de l'information », 225 millions de francs du 6e programme-cadre européen de recherche (PCR). La technologie de l'information est donc de loin le domaine de recherche suisse ayant le plus de succès en ce qui concerne l'encouragement par l'UE.

En ce qui concerne la stratégie :

L'encouragement de l'informatique doit également reposer sur des réflexions stratégiques. Sans pour autant lancer des plans d'encouragement des TIC - cela n'est en général pas nécessaire dans une économie de marché ouverte - la Confédération souhaite renforcer l'effet positif de la technologie de l'information sur l'économie et sur la société.

Les éléments principaux de cette stratégie sont la mise en place de la cyberadministration (e-Government) et l'utilisation de la technologie de l'information dans le domaine de la santé (e-Health). Un site Internet spécialement mis en place recense les principaux projets dans un catalogue sous forme de projets prioritaires. Le but est d'organiser les tâches de l'administration afin qu'elles soient le plus économique et le plus proche possible des citoyens. Nous devons en particulier consentir plus d'efforts en matière de cyberadministration, la Suisse étant située seulement au 26e rang des 31 pays européens évalués. Si toutes les possibilités offertes par la cyberadministration étaient mises en œuvre, 30 heures de travail par mois et par entreprise et plus de 300 millions de francs pourraient être économisés selon les estimations du SECO. C'est pourquoi la Confédération souhaite mettre en ligne, d'ici à 2010, ses propres affaires et celles du Parlement. Nous souhaitons mettre en place, d'ici à 2011 une gestion électronique des affaires. Nous espérons ainsi supprimer les montagnes de papier dans l'administration, qui n'ont jamais eu de cesse d'augmenter malgré l'arrivée de l'informatique.

Du côté des utilisateurs, la Confédération n'est pas restée inactive, comme le prouve ce tour d'horizon :

Les publications de la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) sont consultables en ligne depuis 2006. Selon une étude , cela permet aux entreprises d'économiser plus de 10 millions de francs par an.
Depuis fin 2007, les données salariales peuvent être remises sous forme électronique à la SUVA, à l'Office fédéral de la statistique, à certaines caisses de compensation, aux assureurs privés et à l'administration fédérale. Plus de 300 000 entreprises profitent de cette initiative.
La Suisse dispose déjà de bases légales en matière de signature électronique et les installations techniques sont disponibles sur le marché. Cela permettra non seulement de commander et de payer un extrait de casier judiciaire en ligne, mais également de l'obtenir de la même manière.

Mesdames et Messieurs, quel bilan tirer de cette année de l'informatique ?

Premièrement, les responsables ont judicieusement utilisé l'année, comme le prouvent les nombreuses manifestations et initiatives prises.
Deuxièmement, Informatica08 a mis en évidence les lacunes existant dans la formation, dans l'utilisation et le secteur public.

Je constate que la Suisse a atteint un niveau très élevé en matière de technologie.Tout un chacun ou presque est au fait des dernières innovations technologiques. Nous avons beaucoup de bons projets individuels, allant du passeport biométrique à la carte de santé, en passant par la déclaration de revenus électronique.

Ce qui fait défaut, c'est une meilleure mise en réseau. Nous devons faire de la technologie d'information une philosophie d'information.

Utilisons donc les connaissances acquises au cours cette année de l'informatique.
Dans le contexte du ralentissement économique qui se profile, prenons le temps de susciter non seulement un bond technologique, mais aussi une philosophie TIC durable et interdisciplinaire.
Utilisons le changement pour déclencher de nouvelles motivations pour la technique et les sciences naturelles.

Je ne m'attends pas à ce que la cadence élevée d'Informatica08 soit maintenue, mais l'année 2008 doit servir de catalyseur pour un essor informatique réel dans la société, l'économie et la politique. J'espère que l'étincelle prendra et déclenchera une vague d'enthousiasme dans les têtes et dans les cœurs de nos jeunes. Un enthousiasme qui saura dépasser les jeux, le chat ou les courriels.

Je remercie tous ceux qui se sont engagés en faveur de cette année de l'informatique et j'en appelle à vous tous : enthousiasmez la Suisse pour l'informatique, pour son utilisation (quasi) illimitée et pour une croissance constructive.

Seule la version orale fait foi !

Innovation Day Schluss Informatica08