Monsieur le Président du Conseil d'Etat,
Monsieur le Maire,
Madame la Présidente,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs les députés au Parlement fédéral,
Mesdames et Messieurs les députés au Grand Conseil et au Conseil communal,
Chers réalisateurs, chère réalisatrices et chers amis du cinéma,

Comme vous le savez, une image en dit cent fois plus que des mots. Vous comprendrez donc qu'il n'est guère aisé pour une représentante du monde politique de parler de cinéma.

A ce titre je vous envie, mesdames et messieurs les réalisateurs, pour l'art que vous exercez car bien que nous nous exprimions en premier lieu par des mots nous essayons également de susciter des images par des formules symboliques chez ceux qui nous écoutent pour mieux faire passer notre message.

A l'instar de ceux qui recourent au verbe, les réalisateurs utilisent leur art à des fins différentes. Certains cherchent à informer, à sensibiliser voire à provoquer, d'autres plutôt à faire rêver ou à divertir ou d'autres encore à séduire, à inciter à la consommation ou à influencer le public. Mais tous créent une prestation, qu'elle soit artistique, industrielle ou commerciale.

La Suisse, pays d'ouverture et de liberté, se doit de maintenir cette diversité cinématographique et d'encourager son potentiel créatif. En tant que cinéphile, j'apprécie que l'offre soit aussi abondante en la matière et qu'il me soit possible - grâce aussi aux nombreuses salles de projection que compte le pays - de voir un film à ma convenance et selon mon humeur du moment.

Car ce qui va de soi pour la plupart d'entre nous n'est pas forcément le cas partout. Dans nombre de pays, en effet, la production cinématographique n'a pas droit de cité. Elle est influencée, censurée voire toute simplement interdite. Dans certains pays il est pour ainsi dire impossible voire très difficile de pouvoir regarder un film. Cette réalité nous encourage d'autant plus à lutter pour un cinéma libre de toute entrave et pour un accès sans restrictions aux productions filmiques. Au-delà de ce constat on est amené dès lors à s'interroger sur la nécessité pour l'Etat de soutenir le cinéma et dans l'affirmative par quels moyens doit-il le faire et dans quel but ?

Par son engagement en faveur de la culture et du cinéma en particulier, la Suisse a déjà répondu à cette question. En témoigne l'augmentation budgétaire de 1,7 million de francs allouée au cinéma pour 2010 par les Chambres fédérales, en décembre 2009, ce qui porte aujourd'hui l'enveloppe totale consacrée à ce domaine à 46,9 millions. A elle seule, la contribution fédérale aux Journées de Soleure s'élève à 380'000 francs.

L'encouragement du cinéma est cependant, comme c'est le cas dans beaucoup d'autres domaines, lié à des contreparties. Autrement dit quiconque requiert le soutien de l'Etat doit si possible produire une prestation de qualité et accepter de se soumettre à un examen. La Confédération fixe les critères de qualité et octroie des aides pour les prestations qui satisfont à ces critères. Ainsi les paysans touchent des paiements directs pour des prestations définies dans la Constitution et dans la loi, parce qu'ils sont indispensables au pays tout comme le sont l'art et la culture.

De la même façon l'Etat encourage la recherche afin de favoriser l'éclosion d'innovations dans les laboratoires des hautes écoles et leur application pratique. Il est également de la mission de l'Etat de soutenir la formation et la transmission des connaissances pour que chacun puisse se réaliser et vivre de son art. Or la réussite tant personnelle que professionnelle est notoirement dépendante de la qualité de la formation acquise. Ceci est vrai pour les paysans comme pour les scientifiques ou les réalisateurs. Et comme c'est souvent le cas, toute la question est de trouver le bon dosage car l'art pour soi ne nourrit pas son homme et une production sans conscience n'est que ruine de l'âme.

Cette année, chers réalisateurs, la question de la répartition des aides et des montants alloués va accaparer toute votre attention. Comme vous le savez, l'Office fédéral de la culture (OFC) est entrain d'élaborer avec les acteurs de la branche un nouveau plan d'aide au cinéma pour les années 2011 à 2015. La section cinéma vient de lancer la mise au concours pour les festivals de films. Je n'envie pas l'OFC sachant, de par l'expérience que j'ai acquise dans mon département, combien il est difficile d'encourager ceux qui méritent d'être encouragés et d'abandonner des structures tout en restant le plus équitable possible.

Dans ce contexte, les Journées de Soleure se sont taillé un certain succès en portant chaque année un regard critique sur notre pays, ses habitants et certaines réalités. En un mot comme en cent, Soleure veut donner une autre image de la Suisse. Déjà Stephan Portmann, instigateur et cofondateur des Journées de Soleure, se tenait à distance de la superficialité du cinéma hollywoodien et de ses frivolités pour se consacrer au cinéma à thème, ce que fait aussi aujourd'hui l'équipe qui entoure Ivo Kummer.

Il fut un temps où la Suisse officielle s'accommodait mal du parfum «révolutionnaire» qui émanait de la Cité des Ambassadeurs. Aujourd'hui, vous avez acquis vos lettres de noblesse et du même coup le soutien de la Confédération, du canton, de la ville et de la région même si, ou peut-être grâce au fait que vous refusez de vous fondre dans le moule de la pensée dominante et continuez de dénoncer les injustices sociales.

Nous n'avons pas besoin en effet d'un festival montrant une Suisse de carte postale. Au contraire, comme les Journées de Soleure en témoignent, il nous faut un cinéma qui n'hésite pas à s'attaquer à des sujets délicats dans un esprit constructif. Je ne saurais donc que trop vous encourager à persévérer dans cette voie.
Ces 45es Journées de Soleure révèlent par ailleurs le succès du cinéma suisse en général. En 2009, plus de 550'000 spectateurs ont vu un film suisse, ce qui traduit une augmentation de près de 100'000 entrées en une année ! En période de crise, c'est remarquable.

Cela montre que le cinéma  - et la culture d'une façon générale - est un besoin indispensable précisément dans les temps difficiles. D'où ma conviction que le cinéma suisse a un bel avenir. Grâce à de bons scénarios, des metteurs en scène expérimentés, des acteurs de talent et des producteurs bien formés vous continuerez, j'en suis sûre, à nous séduire.

Je tiens à remercier ici toute la famille du cinéma et l'invite à continuer à créer du rêve, les cauchemars d'autres s'en chargeront. Restez à l'écoute de la société, sensibilisez le public aux choix politiques qui s'annoncent, notamment dans le domaine de l'environnement.

Quant à toi cher public, je t'encourage à te pénétrer des oeuvres qui seront présentées et à en garder le message. Qu'elles t'ouvrent de nouvelles perspectives et t'apportent de nouveaux éclairages sur la Suisse. On ne peut que s'en réjouir et c'est d'ailleurs bien la raison pour laquelle vous revenez chaque année à la Reithalle de Soleure.

Que ces Journées de Soleure soient pour vous, chers organisateurs et pour toute la famille du cinéma un grand succès, de même que pour vous, chers invités, un agréable moment de détente.

Seule la version orale fait foi !

Soleure - une autre vitrine de la Suisse