Mesdames et Messieurs les rédacteurs, les responsables, les collaborateurs et les partenaires du Dictionnaire historique de la Suisse,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Autorités,
Mesdames et Messieurs,

La couverture de ce neuvième volume du Dictionnaire historique de la Suisse nous montre le visage des vendangeurs de 1920 à Neuchâtel. Cette photo est émouvante : tous les vendangeurs, de toutes les générations, regardent vers le photographe, qui arrête le temps et inscrit ces histoires individuelles dans un instantané qui est un regard sur l’Histoire collective de notre société.

Le Dictionnaire historique de la Suisse essaie de faire ce même travail : il cherche à voir au-delà ou plutôt à travers l’addition des destins individuels et des vécus de chacun, pour reconnaître, interpréter et comprendre les grandes tendances, les évolutions fortes d’une société et d’inscrire les événements, les soubresauts et les destins individuels dans le contexte général d’une époque et d’un lieu. C’est le travail des historiens.

Probablement que plusieurs parmi vous se remémorent l’anecdote suivante: les deux grands historiens français Marc Bloch et Henri Pirenne arrivent à Stockholm pour un Congrès. Bloch nous révèle dans son fameux « Métier d’historien » que Pirenne lui propose de commencer la visite de la ville par celle de l’Hôtel de Ville, flambant neuf et Pirenne ajoute, comme pour prévenir un étonnement : « Si j’étais un antiquaire, je n’aurais d’yeux que pour les vieilles choses. Mais je suis un historien. C’est pourquoi j’aime la vie ».

Bloch en tire cette leçon : « l’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé. Mais il n’est peut-être pas moins vain de s’épuiser à comprendre le passé, si l’on ne sait rien du présent. (…) La faculté d’appréhension du vivant, voilà bien, en effet, la qualité maîtresse de l’historien. »

Mesdames et Messieurs,
Cette réflexion met en perspective l’incroyable entreprise – je n’ose plus dire aventure cher Gilles Attinger, puisque la présence de la Confédération à bord semblerait suffire à en enlever les côtés risqués… mais, j’espère, tout de même pas le sel ! Oui, cette volonté d’inscrire le travail historique en dialogue avec le présent constitue un fondement de la vaste entreprise, on pourrait dire de l’épopée du Dictionnaire historique de la Suisse.

Le DHS est un acte ancré dans la Suisse d’aujourd’hui et au service des Suisses d’aujourd’hui. Il est une aide précieuse pour comprendre le présent à la lumière du passé, mais c’est aussi une entreprise qui interroge le passé avec les questions de notre temps. La rédaction du DHS est donc un acte à la fois hautement scientifique et profondément civique.
Mesdames et Messieurs,

Neuchâtel n’a pas un hôtel de ville flambant neuf – le sien était flambant neuf en 1790 - et c’est son Château, presque millénaire et siège depuis toujours du pouvoir – comtal, princier, puis républicain - que vous avez choisi pour présenter ce neuvième volume du DHS.

A en croire M. Jorio, nous le devons un peu au fait que Nidwald et Obwald, le demi-canton en contrehaut et celui en contrebas, auraient eu de la peine à s’imaginer le lancement de cet ouvrage dans leur forêt centrale.  Neuchâtel était dès lors tout désigné et ce n’est évidemment pas ici que l’on peinerait à se mettre d’accord sur le choix d’un lieu entre Haut et Bas !

Je me réjouis de me trouver parmi vous aujourd’hui. La présentation d’un nouveau volume du Dictionnaire historique de la Suisse est un beau moment pour un ministre de l’Intérieur.

Ce qu’il y a de fascinant dans ce vaste Département de l’Intérieur, c’est qu’il y a de très nombreux projets stimulants et très utiles pour continuer de façonner la société suisse : maintenir un filet social efficace et financièrement solide pour les prochaines génération ; développer un système de santé de la plus haute qualité pour tous, tout en ayant une meilleure maîtrise des coûts ; rester dans le groupe des tête des meilleurs pays du monde dans les secteurs de la formation et de la recherche. Des thèmes éminemment positifs pour notre société. Des défis que notre génération doit savoir relever que nous devons relever, ensemble, pour que les historiens de demain puissent écrire que la Suisse est restée en ces premières décennies du XXIe siècle un pays qui aura connu avec une très haute qualité de vie, une bonne croissance économique et une grande cohésion sociale.

Je me réjouis évidemment que l’événement de ce jour ait lieu ici à Neuchâtel, puisque ce neuvième volume, comporte de nombreux et passionnants articles sur cette ville, ce canton et aussi son lac – le plus beau de Suisse, je le dis partout – lieux auxquels je suis, vous le savez, fortement attaché. Le hasard veut d’ailleurs que plusieurs commémorations aient eu lieu à Neuchâtel ces dernières semaines – la courte mais riche histoire des 10 ans du Centre Dürrenmatt, les 150 ans des chemins de fer dans l’arc jurassien ou encore les 150 ans de l’office fédéral de la statistique célébrés avant-hier. Si je me suis étonné que le volume IX du DHS n’ait pas consacré une notice spécifique à la riche histoire de l’OFS, qui se confond presque avec celle de la Suisse moderne, je suis sûr que nous trouverons tous les détails sous S-Statistique dans le volume XI à venir. Quant à l’article général sur les « offices fédéraux », il nous apprend notamment que « Le premier "office fédéral" fut celui des assurances sociales, créé par le Département de l'économie en 1912. », un important office, aujourd’hui rattaché au DFI.

Monsieur l’éditeur du volume francophone du DHS, Cher Gilles Attinger, je vous remercie de vos très aimables paroles. Pour moi également c’est un plaisir de vous retrouver dans cette salle du Grand Conseil – autorité que vous avez présidée et où nous avons siégé ensemble, comme d’ailleurs avec plusieurs autres personnes présentes aujourd’hui à différents titres. C’est aussi un grand plaisir de me souvenir de notre aventure – là j’ose le mot ! - l’aventure humaine si riche qu’a représenté la parution, aux Editions Attinger, de l’ouvrage « La Maladière – un sentiment d’éternité ». Je vous ai dit, il y a quelques années, que j’aimerais bien écrire un roman que vous éditeriez.

Entre temps, mon agenda s’est quelque peu chargé... Je vous que le vôtre ne l’est pas moins. Mais peut-être trouverons-nous tous deux du temps lorsque le DHS sera achevé – car je ne veux pas vous voir alors désœuvré ! Peut-être pourrions-nous imaginer un roman historique en 13 volumes et en 3 langues ? Ou plutôt 4, puisque j’ai fait mon premier discours en romanche samedi dernier.

Mais de 13, passons à 9 ! Vous avez mentionné le chiffre 9 qui nous accompagne aujourd’hui de différentes manières. Dans la culture chinoise, le 9 est considéré comme un nombre faste, car il sonne comme le mot « durable ». Sous la dynastie Ming, c’était le chiffre symbole de l’empereur et la Cité interdite compterait, dit-on, 9'999 pièce. Quant à Neuchâtel qui nous accueille c’est vrai qu’elle compte pour sa part 999 années. Le neuf est symbole du « durable » donc, comme l’apport du DHS pour la Suisse.

On (re)découvre dans ce IXe volume, tout neuf, notamment tous les détails de la fameuse Affaire de Neuchâtel qui, on nous l’a rappelé tout à l’heure, a faille coûter à la Suisse une guerre contre la Prusse en 1856-57.

Neuchâtel a voulu payer sa dette envers la Confédération depuis lors, notamment en lui offrant quelques serviteurs. Et c’est vrai que le conseiller fédéral neuchâtelois qui vous parle, numéro 9 sur la liste - et presque encore tout « neuf » ! - se réjouit de parcourir dans ce volume les notices sur le 4e membre neuchâtelois du gouvernement suisse, Louis Perrier, 
qui se battit notamment pour unifier les chemins de fer helvétiques et posa les bases d’une loi sur les forces hydrauliques « à la sensibilité écologique précoce » nous dit le DHS. 

De même on peut lire l’histoire du 5e conseiller fédéral neuchâtelois, Max Petitpierre qui marqua la Suisse de l’après-guerre de sa forte empreinte avec sa politique de « neutralité et solidarité » durant ses 16 années à la tête d’un Département important, qu’on appelait alors le Département « politique » - comme si les autres ne l’étaient pas ! - et qui s’appelle aujourd’hui le Département des affaires étrangères. J’ai le plaisir de saluer ici la présence de son fils, Gilles. 

Mesdames et Messieurs,

La Confédération s’engage fortement, de longue date aux côtés de cet ouvrage magistral qu’est le Dictionnaire historique de la Suisse – elle s’engage afin que cette entreprises soit possible, qu’elle soit une épopée – et non une aventure – au service de notre pays et de ses citoyens.

Car, comme nous le disait le Marc Bloch, abattu tragiquement parce qu’il était dans la Résistance à quelques semaines de la fin de la Seconde guerre mondiale - que je ne peux m’empêcher d’appeler ainsi et non « deuxième », car en la matière on n’a pas droit au pessimisme – comme le soulignait Marc Bloch l’histoire est faite pour dialoguer avec le présent : comprendre le passé à travers le présent et le présent à travers le passé.

Voilà pourquoi chaque époque a besoin de refaire ce travail de lecture et de connaissance de l’histoire. Chaque époque lit, interroge, interprète, comprend son passé à travers ses propres yeux, le regard de son époque, marqué par son vécu. Voilà pourquoi il n’était pas possible d’en rester à l’œuvre magistrale que représentait le Dictionnaire historique et biographique de la Suisse le fameux DHBS, déjà édité par la famille Attinger, avec ses 9 volumes qui n’étaient plus si « neufs » puisqu’ils dataient des années 1920-1930. La Suisse ne pouvait pas se contenter d’interroger son passé à travers une encyclopédie devenue centenaire.

Comprendre le passé par le présent, voilà pourquoi le DHS a raison d’exister, lui qui est rédigé dans la perspective d’une volonté « d’ histoire globale » qui caractérise la science historique d’aujourd’hui et à l’émergence de laquelle Marc Bloch, avec d’autres, n’est pas étranger.

Mais il nous faut aussi bien sûr comprendre le présent par le passé parce qu’une société ne vit pas en vase clos, elle vient de quelque part, elle plonge ses racines dans un terreau historique – une certaine retenue personnelle et une certaine notion de l’Etat et du rôle du gouvernement marque le caractère des Neuchâtelois dans la Berne fédérale, cela n’a-t-il rien à voir avec le passé farellien, les liens avec la Prusse et le rôle traditionnel du Gouvernement en terre neuchâteloise ?

Eh puis, une société solide se fonde sur des valeurs qui s’inscrivent dans son histoire. La Suisse ne serait pas ce qu’elle est si elle ne s’attachait pas aussi fortement à ses valeurs
- de liberté – individuelle et collective,
- de responsabilité – de l’individu à l’égard de lui-même et de son entourage, de la société à l’égard des plus faibles,
- de respect – notamment à l’égard des minorités mais aussi à l’égard des différents courants politiques, ce qui fonde notre système de concordance.

Ces valeurs nous viennent de loin et elles nous offrent un guide, une boussole pour se repérer dans l’aventure – ou l’épopée - qu’est l’avenir.

Mesdames et Messieurs,

J’aimerais encore souligner une qualité exceptionnelle du DHS qui en fait un ouvrage sans nul autre pareil : son plurilinguisme. Le DHS est à l’image de la Suisse et il y a quelque chose de l’ordre de l’exploit à éditer chaque année un volume d’un ouvrage aussi monumental dans trois langues différentes.

Le Conseil fédéral et le Parlement veulent renforcer l’utilisation et la défense des langues et des cultures suisses, notamment au sein l’administration.

Le DHS par cette caractéristique exceptionnelle est un jalon de référence, de cette qualité essentielle de la Suisse. Dans mon rôle de ministre de la culture et des langues, je tiens à vous féliciter particulièrement pour cet exploit, non seulement de l’avoir décidé au début de l’épopée, mais de vous y tenir au fil des ans avec une parution synchronisée des 3 volumes. On peut bien imaginer le surcroit de travail et de complexité qu’une telle décision implique !
Je me réjouis aussi tout particulièrement que dans deux mois sorte le premier des deux volumes du Lexicon istoric retic qui sera consacré, en langue romanche, à l’histoire de l’aire rétique, donc des Grisons et des régions limitrophes. Cet accent mis sur toutes les régions, cultures et langues de notre pays rend le DHS encore plus exceptionnel et plus utile pour consolider la connaissance de notre passé sous toutes ses formes et raviver les ferments de l’unité nationale. Cet effort doit être constant dans une Suisse Willensnation. Le DHS, par ces caractéristiques, fonctionne comme un ciment national.

Les objectifs fixés pour le nouveau dictionnaire dans les années 1980 étaient :
- renforcer la conscience historique et la cohésion nationale
- valoriser l’histoire en tant que discipline scientifique,
- servir d’ouvrage de référence, ouvert et critique, sur l’histoire du pays,
- jouer un rôle de relais entre le monde académique et le public.
Les objectifs étaient ambitieux, pourtant année après année, ils sont atteints.

Enfin, j’aimerais souligner qu’outre la qualité reconnue du DHS au plan scientifique, sa parfaite maîtrise du traitement informatique du contenu lexicographique à travers le e-DHS.
Cette maîtrise des avantages de l’informatique en fait également une référence au plan international et s’avère d’une grande utilité pour le citoyen. Grâce à la publication des notices sur internet, avant-même la parution des volumes, le DHS fait figure de ciment national à prise rapide !

L’épopée se poursuit avec ce IXe volume. Il commence avec la notice sur Mur, en référence, non pas à un esprit de réduit national, mais à ce charmant village lové entre le Mont Vully et le Lac de Morat divisé entre deux cantons : Mur Fribourg et Mur Vaud.

Puis suivent des centaines d’articles que j’aurai, comme chaque lecteur du DHS, grand plaisir à découvrir. Parmi ceux-ci je picorerai notamment, comme ministre de la formation et de la recherche les Pestalozzi ou Jean Piaget. Comme citoyen outre les Perrier et Petitpierre, je regarderai les Léon Nicole et Peter Ochs, les articles sur les Partis politiques tout comme l’un article sur l’histoire du Parlement.

Comme ministre des affaires sociales je m’intéresserai notamment à Natalité, Niveau de vie, Œuvres charitables, Orphelins, Pro Juventute, Pro Senectute, Politique sociale. Comme ministre de la culture c’est Musées, Musée national suisse, Musique, Peinture, Photographie, Pro Helvetia ou Politique culturelle qui retiendront mon attention tout comme bien sûr, vous l’avez mentionné, Société typographique de Neuchâtel.

Comme ministre de la santé je retiendrai peut-être Paracelse et Pro Mente Sana. Comme Neuchâtelois je lirai avec un intérêt particulier les rubriques biographiques sur North, Pantillon, Perregaux, Piaget et Pizzera, personnalités dont je salue les descendants présents parmi nous.

Enfin, comme citoyen, amoureux de la Suisse et amateur d’histoire, c’est des milliers d’autres notices que j’aurai - comme vous - plaisir à parcourir. Et je suis particulièrement heureux que ce volume « neuf » se conclue avec un article consacré au « Polytechnicum », un autre lien avec le Département de l’Intérieur, puisque cela nous renvoie aux Ecoles polytechniques fédérales, une histoire à succès de notre pays, des écoles qui brillent au niveau international. Nous nous battons pour qu’il en reste ainsi.

Mesdames, Messieurs,

Devant ce volume IX, tout neuf, neuvième étape de cette épopée helvétique, le Conseil fédéral tient à exprimer sa profonde reconnaissance et ses plus vives félicitations aux auteurs, aux responsables, aux collaborateurs et aux partenaires du Dictionnaire historique de la Suisse.

Nous souhaitons bon vent à l’épopée du DHS pour ses prochaines étapes et bienvenue à son frère cadet le Lexicon istoric retic. Que continue le travail de cette œuvre magistrale, exemplaire et si utile au pays – et comme le symbolise le chiffre IX : puisse son apport être durable !

Je vous remercie de votre attention !

Présentation officielle du IXe volume du Dictionnaire historique de la Suisse (DHS) - « Le Dictionnaire historique de la Suisse sert à comprendre le présent par le passé et le passé par le présent »