Les métrologues ne se satisfont jamais de l'acquis. Le projet de recherche Fontaine continue suisse (FOCS) en est un bon exemple. En 1997, l'Office fédéral de métrologie et d'accréditation (METAS) mandatait l'Observatoire de Neuchâtel (ON) pour développer une horloge atomique basée sur un jet continu d'atomes froids. Ce projet bénéficie également du soutien financier du Fonds national de la recherche scientifique et du Canton de Neuchâtel.

Principe unique au monde

Dès le départ, les chercheurs de l'ON, sous la direction de Pierre Thomann, ont cherché une voie originale. FOCS 1 est la première horloge atomique qui utilise un jet continu d'atomes froids. La caractéristique d'une horloge atomique est d'utiliser des atomes en guise de balancier : leurs oscillations sont en effet parfaitement stables et reproductibles. La durée d'observation de ces oscillations est cruciale : plus elle est longue, meilleure sera l'horloge.

Depuis quelques années on sait utiliser des lasers pour refroidir des atomes de césium à quelques millionièmes de degré au-dessus du zéro absolu (-273.15°C). En les refroidissant à cette température, on parvient à réduire leur vitesse d'agitation thermique de 200 mètres par seconde à quelques centimètres par seconde. Cette technique permet précisément de disposer d'un temps d'observation beaucoup plus long que par le passé.

La pratique usuelle consiste à produire ces atomes refroidis en paquets successifs. L'originalité de la Fontaine continue suisse est de les produire sous la forme d'un jet continu. Cette technique présente un intérêt métrologique considérable :
Si toutes les meilleures horloges atomiques du monde reposaient sur un principe de fonctionnement identique, des erreurs caractéristiques de ce principe risqueraient de passer inaperçues, puisque elles fausseraient toutes les horloges de la même manière. La configuration originale de l'horloge suisse contribue à rendre visibles de telles erreurs et, le cas échéant, à les corriger. Ce projet apporte donc une contribution importante à la métrologie des fréquences et du temps au niveau international.

Écart de 1 seconde en 30 millions d'années

En avril 2003, l'horloge FOCS 1 était transférée de Neuchâtel à Bern-Wabern. METAS dispose d'infrastructures idéales qui mettent les horloges à l'abri des vibrations et des variations de température ou d'humidité. Ces conditions doivent permettre à FOCS 1 d'atteindre une exactitude correspondant à un écart de 1 seconde en 30 millions d'années.

La stabilité à court terme, l'une des caractéristiques essentielles d'une horloge puisque elle permet d'évaluer son exactitude dans des temps raisonnables, dépend directement de l'intensité du jet atomique : si les atomes disponibles sont plus nombreux, l'horloge est plus stable et les mesures plus précises. Depuis l'installation de FOCS 1 à METAS, l'équipe neuchâteloise s'est attelée à augmenter le débit du jet d'atomes froids.
Les chercheurs de l'ON, qui s'étaient acquis une réputation internationale avec FOCS 1, enregistrent un nouveau succès : leurs expériences ont démontré qu'ils étaient maintenant à même de produire des jets continus 40 fois plus intenses qu'auparavant.

FOCS 2, dont la stabilité sera améliorée grâce à ces résultats, a été déménagée à mi-mars à METAS pour y être terminée. Si les prévisions des chercheurs se confirment, cette horloge présentera la meilleure combinaison au monde entre exactitude et stabilité, un progrès très difficilement accessible aux horloges pulsées. Cette horloge va apporter une contribution significative à une détermination encore plus exacte de la seconde.

Progrès en navigation

Avec les deux horloges FOCS 1 et FOCS 2, la Suisse dispose de ses premières horloges atomiques de référence (horloges primaires). METAS, en tant qu'Office fédéral responsable de la réalisation et de la diffusion du temps officiel suisse, maintient plusieurs horloges atomiques conventionnelles. Les nouvelles horloges primaires permettent d'étalonner les horloges conventionnelles. En collaboration avec une cinquantaine d'instituts analogues dans le monde, METAS contribue à l'établissement du temps universel coordonné (UTC), qui est placé sous la responsabilité du Bureau International des Poids et Mesures à Paris.

Mais l'utilité de telles horloges va bien au-delà de la production de l'heure exacte : celles-ci permettent en effet d'améliorer les performances des systèmes de navigation par satellite comme le système américain GPS et son équivalent européen Galileo. Les télécommunications et la recherche scientifique profitent aussi abondamment de ces progrès.

Ces nouvelles horloges contribuent à la réputation de la Suisse comme pays de la mesure ultra-précise du temps.

Légende de photo 1 :

Pierre Thomann, responsable du projet FOCS à l'Observatoire de Neuchâtel (à gauche) et Gregor Dudle, chef du laboratoire temps et fréquence de l'Office fédéral de métrologie et d'accréditation (METAS) à Bern-Wabern, collaborent à l'amélioration de la fontaine continue suisse. (photo : METAS)

Légende de photo 2 :

Les différents éléments de l’étalon primaire de fréquence FOCS1 – la table optique (premier plan), le système à vide (à droite) et l’électronique de contrôle (arrière plan) – sont installés dans un laboratoire à METAS qui est protégé des influences de l’environnement comme les vibrations et les variations de température ou de l’humidité (photo: METAS).

Texte et photos peuvent être téléchargés de www.metas.ch/fr/medien.

Mesure du temps : Horloges atomiques à la pointe mondiale