Sur quoi repose le succès d’un petit pays comme la Suisse? Sur son ouverture internationale, sa faculté d’adaptation, sur la solidité de ses institutions, sur la formation générale de ses habitants, sur la capacité de voir à plus long terme et de prendre les décisions en conséquence.

Mais avant toute chose : avons-nous du succès ?

Sans hésiter nous pouvons répondre oui, nous avons du succès. Alors qu’avec ses 7,5 millions d’habitants la Suisse se situe au 93ème rang des Nations, sa puissance économique la place au 13ème rang mondial.

Nous sommes une économie ouverte : un franc sur deux est gagné à l’étranger. Cette ouverture et la flexibilité de notre marché du travail ont des répercussions positives. Notre balance des paiements et notre balance commerciale sont positives depuis des années. Notre taux de chômage est bas en comparaison internationale parce que la place de travail suisse est attractive. 820’000 étrangers travaillent en Suisse. 1,8 million de personnes sont employées dans le monde par des entreprises suisses. 650’000 Suisses vivent à l’étranger.

Nos systèmes sociaux doivent être réformés si on ne veut pas qu’ils dévorent les revenus des actifs et dans une moindre mesure ceux des passifs.

Il n’empêche que, à part l’assurance-invalidité, nos systèmes sociaux n’ont pas de dettes. L’assurance maladie nous coûte cher. Mais non seulement, elle n’a pas de dettes, elle a des réserves. L’AVS devra affronter à partir des années 2010 – 2012 l’évolution démographique négative mais jusqu’alors elle restera saine financièrement. A nous de décider si on est capable d’anticiper l’évènement ou si on attend de le subir.

Malgré les critiques qui pleuvent sur les institutions et sur ses responsables, le système politique suisse est solide. Cela s’explique par la répartition des pouvoirs, par le contrôle exercé par la démocratie directe, par la retenue relative mais réelle dans l’usage des ressources publiques. Notre système supporte aisément la comparaison internationale.

Alors tout va-t-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Oui si le monde était immobile. Mais le monde n’est pas immobile. Il change et il change vite. D’autres pays tirent plus rapidement les leçons d’erreurs ou de faiblesses de leur système qu’en Suisse.

Le continent asiatique s’est définitivement réveillé. Pendant des années on a parlé du géant chinois. Aujourd’hui, un deuxième géant, l’Inde, s’impose sur la scène internationale en attendant d’autres pays dont le potentiel n’est pas encore exploité à cause des régimes politiques ou de tensions internes. Pensons au Vietnam avec ses 84 millions d’habitants, à l’Indonésie avec ses 242 millions d’habitants, au Bangladesh, au Pakistan mais aussi sur d’autres continents au Brésil ou au Mexique.

Pour des décennies encore les Etats-Unis donneront le ton à ce monde.

Alors nous, avec nos 7,5 millions d’habitants, qui sommes-nous et qu’allons-nous devenir ?

Une option est suicidaire. C’est celle du nationalisme protectionniste. Cette option-là est synonyme de décadence, d’insignifiance. Elle correspond à un fond d’angoisse face à une évolution qui ne conduit à rien. Jamais dans l’histoire ce pays n’a été replié sur soi-même sauf dans des périodes de grandes décadences. Même aux époques de pauvreté la Suisse était en règle générale ouverte. Elle exportait ses soldats à l’étranger. Lorsqu’à partir de 1848 des hommes de talent qui étaient radicaux, fondateurs de la Suisse moderne, ont décidé d’agir, ils ont été accueillants aux talents étrangers et ils ont développé les talents nationaux. Ils ont créé des entreprises. Ils ont construit des infrastructures d’avant-garde. Ils ont bâti les Ecoles polytechniques, développé le système d’apprentissage, imposé l’instruction publique obligatoire. Ils n’ont pas eu honte du succès et parce qu’ils n’avaient pas honte du succès, ils ont eu du succès.

Et c’est peut-être la première et la plus importante leçon à tirer de leur expérience. Il faut contrôler les abus, dénoncer les injustices, mais il faut avant tout vouloir le succès et le favoriser.

Et pour cela, il faut des projets, des idées, des débats et surtout des décisions qui concrétisent les ambitions.

Et pour cela il faut d’abord un système d’éducation et de formation efficace. Tout le monde le dit dans tous les partis politiques au point que cela peut paraître banal. Pourtant au-delà du langage commun, il y a des visions différentes de ce qui est un bon système éducatif. Il y a ceux qui pensent que l’effort peut être banni des systèmes de formation et que la société doit assurer à chacun, au moindre coût personnel, le succès. Nous pensons que le système éducatif est encore et toujours basé sur la volonté de tirer le meilleur de chacun.

Nous pensons qu’il n’y a pas de succès sans effort personnel et collectif mais que personne ne doit être abandonné au bord du chemin parce qu’il a plus de peine à avancer. Le système éducatif doit être exigeant de telle sorte que chacun puisse trouver sa place dans une Suisse ouverte, compétitive, prospère.

Nous saluons la volonté de commencer l’étude de deux langues étrangères au niveau primaire. Nous saluons la volonté des cantons et de la Confédération de repenser la maturité pour qu’elle reste la clef de l’accession au système tertiaire. Si nous ne parvenons pas à maintenir le haut niveau qualitatif de la maturité il y aura un jour des examens d’entrée dans les Universités et les Ecoles polytechniques et l’ensemble du système secondaire en sera affaibli.

Nous soutenons le nouvel article constitutionnel qui donne des compétences subsidiaires à la Confédération si les cantons ne parviennent pas à s’entendre. Mais nous souhaitons aussi cet article constitutionnel parce qu’il permet une gestion commune du niveau tertiaire, des HES, des universités cantonales et des Ecoles polytechniques.

Nous voulons maintenir et renforcer la formation professionnelle, donner des chances supplémentaires à ceux qui font une maturité professionnelle.

Nous voulons intégrer les enfants de migrants qui ont élu domicile en Suisse. Nous attachons une importance particulière à l’intégration de cette minorité d’enfants étrangers qui ont plus de peine à profiter du système suisse d’éducation. Là, les communes et les cantons ont une grande responsabilité.

Nous voulons renforcer la compétition entre facultés universitaires sans oublier que l’ensemble des universités suisses regroupent à peine plus d’étudiants qu’une grande université européenne.

Nous voulons donner des moyens supplémentaires à la recherche. Pas seulement à la recherche appliquée, mais aussi à la recherche fondamentale car à long terme l’une nourrit l’autre. Pour cela il faut mettre à disposition du Fonds national pour la recherche scientifique plus de moyens. Nous participerons également à part entière aux programmes européens de recherche.

Si nous avons conscience de l’importance de la recherche fondamentale et appliquée en sciences exactes, nous ne négligerons pas les sciences humaines. Nous voulons des sciences humaines novatrices, capables de réfléchir librement et efficacement sur les défis de nos sociétés. Nous voulons aussi soutenir les sciences humaines parce que nous sommes convaincus que les valeurs qu’elles transmettent, les connaissances qu’elles développent sont utiles à toute la société. On ne peut pas séparer la culture de l’activité productive. La culture a une grande importance économique. Mais elle est d’abord et avant tout un moyen de se situer, personnellement et en tant que membre de société, dans un monde en mouvement. La culture, les sciences humaines sont essentielles à l’équilibre d’une société.

Mais ce que nous voulons avant tout, c’est la première justice sociale : que chacun ait une chance de donner le meilleur de lui-même. Cela implique le réaménagement du système des bourses mais plus encore, qu’à chaque niveau scolaire, l’élève, l’étudiante, le jeune en apprentissage soit invité à l’effort, à trouver son épanouissement dans une volonté d’atteindre des objectifs concrets.

Une société ouverte est seule en mesure de nous donner la prospérité. Mais nous aurons du succès que si nous voulons avoir du succès et si nous sommes capables d’innover efficacement dans les systèmes d’éducation et de formation. L’argent est important, mais ce n’est pas suffisant. Il faut créer un esprit d’innovation. Il faut le respect de l’effort. Il faut que l’effort paie.

Il faut des idées nouvelles, une culture de discussion et du changement.

De quelles idées nouvelles avons-nous besoin? Si nous comprenons que nous vivons dans une société apprenante, que nous voulons une société apprenante, nous devons aller jusqu’au bout de cette notion.

Ce ne sont pas seulement les individus qui apprennent. Les organisations, les partis, le monde politique doivent aussi apprendre en permanence. C’est la capacité d’apprendre, et plus encore la volonté d’apprendre, qui mènent au succès.

Concrètement, cela signifie que les organisations et les institutions politiques doivent sans cesse prendre de nouvelles orientations au vu des mutations rapides que connaît la société.

Il se peut par exemple que soudain certains tabous n’en soient plus. Les opinions changent.

Il en va ainsi de l’idée que nous nous faisons nous-mêmes notre pays. Trop souvent, le monde politique prend conscience des changements trop tardivement.

Savez-vous, par exemple, qu’aujourd’hui un enfant sur deux a un parent d’origine étrangère?

Savez-vous que les « Secundos » naturalisés ont un niveau de formation plus élevé que les « Suisses » dits « de souche » ?

Savez-vous que partout, y compris dans les campagnes, la population suisse a un mode de pensée toujours plus urbain?

Le monde politique doit être avide d’apprendre.

Or certains partis ont des problèmes à cet égard.

Certains partis restent attachés à une image de la Suisse qui ne correspond plus du tout à la réalité, celle d’une Suisse souveraine, totalement indépendante et qui ne dépend que d’elle-même.

D’autres partis s’accrochent encore à une idée égalitaire qui veut que ceux qui ont envie d’être productifs aient mauvaise conscience s’ils gagnent plus que le voisin. Selon eux, il vaut mieux que tous soient pauvres plutôt que de vivre dans une société globalement plus riche et plus dynamique.

Je suis fier d’appartenir à un autre parti. Le PRD est libéral au meilleur sens du terme. L’autre peut aussi avoir raison. Nous sommes capables d’apprendre, nous savons reconnaître les nouvelles réalités.

Avec nous, la Suisse peut continuer à se développer.

Nous ne gâchons pas les chances de notre pays par un dogmatisme rigide. Non ! Nous nous battons pour que la Suisse sache toujours saisir les nouvelles chances qui se présentent. Sur de grands marchés dans leur ensemble ou dans des créneaux particuliers.

Nous nous battons pour une Suisse toujours ouverte, pour une Suisse toujours plus intelligente. Un pays qui reste équitable et qui utilise systématiquement toutes ses chances de croissance.

Nous sommes pour une Suisse en mouvement, pour une politique en mouvement. Pour une Suisse qui a du succès. Pour une Suisse « apprenante » au meilleur sens du terme.

Au fond, il nous faut en 2006, ce qui a déjà fait le succès d’Alfred Escher au début de l’Etat fédéral. Il ne faut pas avoir peur à certains moments de l’action politique. Alfred Escher a aussi dû affronter des critiques et des jalousies. Mais si nous avons un objectif clair, ces critiques seront vite oubliées. Il en restera alors ce que notre génération aura donné à la Suisse du XXIème siècle.

La société ouverte impose plus de formation et plus de culture