Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,

Je suis fier de notre pays et je suis fier de votre travail.

Notre monde est en plein changement. Notre continent est frappé par l’instabilité. Et les défis sont nombreux pour la Suisse, pays indépendant et souverain, qui n’est membre d’aucune alliance et d’aucun groupement de pays.
Je suis fier de notre pays car il est un point de stabilité dans un monde d’instabilité. Je suis fier de notre pays car il est pétri de valeurs fortes qui font son succès et qu’il ne perd pas de vue. Je suis fier de notre pays car il assume ses responsabilités à l’égard des générations à venir et à l’égard des défis de notre monde. Je suis fier de notre pays car il a la volonté d’assumer son destin et de défendre sa souveraineté, même si c’est parfois un chemin plus ardu.

Dans ce monde en changement, ce petit pays souverain doit se battre, plus que d’autres, pour faire entendre sa voix, pour défendre ses droits, pour assumer ses choix. Le travail des affaires étrangères n’en est que plus complexe et plus indispensable. C’est un rôle essentiel au service de notre pays et de ses habitants.

Je suis fier de votre travail, de celui de tout notre Département, parce que c’est un travail de grande qualité, J’en suis fier parce qu’il est fait avec un grand sens du devoir et de l’engagement au service du pays. J’en suis fier parce que notre Département fait preuve à la fois du professionnalisme, de la hauteur de vue, de la flexibilité et de la créativité nécessaires pour agir efficacement.
La Suisse doit travailler plus que d’autres, elle doit anticiper, innover, et être mieux préparée que d’autres pour poursuivre sur sa voie et pour faire entendre sa voix.

Voilà un peu plus de 7 mois que j’ai la chance de travailler à la tête du Département fédéral des affaires étrangères. Permettez-moi de vous dire, très simplement, l’immense plaisir que j’ai à exercer au quotidien cette tâche passionnante et à partager ce travail avec vous. Je crois qu’il nous est réellement possible d’agir, de faire évoluer les choses, de faire bouger les lignes, grâce au travail de tout le Département, grâce à un immense travail, patient, intelligent, souvent dans l’ombre, nous pouvons agir utilement pour notre pays et pour l’humanité.

Mesdames, Messieurs,

En Suisse, nous avons la chance exceptionnelle – au premier sens du terme car elle reste une exception dans le temps et dans l’espace à l’aune de l’histoire du monde – nous avons la chance de vivre en citoyens libres d’un pays libre. Nous devons en être conscients. Et nous devons réfléchir à ce que signifie cette chance que nous avons héritée de nos ancêtres.

«Etre libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres.» Ces paroles émanent d’un grand combattant de la liberté, quelqu’un qui a sacrifié 30 ans de sa vie pour cette lutte: Nelson Mandela. Ces paroles valent pour toute femme et tout homme. Ces paroles valent aussi pour un pays, notre pays.

La Suisse est un pays libre, sûr et prospère. Il est de son devoir, de celui de son gouvernement, de défendre cette liberté, cette prospérité et cette sécurité. La politique étrangère de notre pays poursuit précisément ces trois buts qui sont définis par notre charte fondamentale, notre contrat social suisse, la Constitution fédérale.
L’article 2 de la Constitution stipule: La Confédération suisse protège la liberté et les droits du peuple et elle assure l’indépendance et la sécurité du pays.

Et l’article 54 consacré à la politique étrangère complète: La Confédération s’attache à préserver l’indépendance et la prospérité de la Suisse.

La politique étrangère est une défense d’intérêts: défendre et préserver l’indépendance, la prospérité et la sécurité du pays.
Elle est tout cela. Mais elle est plus que cela.
«Etre libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres» dit Mandela.

On pourrait compléter:
«Etre prospère, ce n'est pas seulement arroser son verger; c'est assurer les bases durables de la prospérité commune»
«Etre sûr, ce n'est pas seulement verrouiller sa porte; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la sécurité humaine»
La politique extérieure de la Suisse, c’est toujours la Constitution qui nous le dit, n’est donc pas seulement la défense de nos intérêts. Elle est aussi la promotion de nos valeurs, celles qui font que la Suisse est la Suisse, celles qui font que la Suisse est reconnue et respectée, celles qui cimentent l’unité de notre pays et préparent les bases de notre avenir.

Car la Constitution fédérale poursuit:
La Confédération contribue notamment à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté́ ainsi qu’à promouvoir le respect des droits de l’homme, la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles.
- Lutte contre la pauvreté,
- Droits de l’homme,
- Démocratie,
- Paix,
- Protection de l’environnement.

Voici les cinq valeurs que le Constituant nous demande de promouvoir en particulier. Et il a bien fait les choses, car celui qui ne cherche à préserver que ses intérêts immédiats les promeut peut-être à court terme, mais il érode le socle sur lequel il essaye de construire sa maison.

Aucun de nous ne se contenterait de repeindre son appartement situé dans un immeuble en train de s’effondrer. Nous savons qu’en plus des travaux de peinture il faudra favoriser ou contribuer aux travaux de consolidation et de maçonnerie dans les autres étages. Pour protéger les autres de l’effondrement et pour se protéger soi-même. C’est à la fois être solidaire et être responsable.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,

Chacun de vous, dans vos fonctions, est mieux que tout autre appelé à voir le monde évoluer, se développer, changer. Vous êtes dans des postes d’observateurs et d’acteurs idéalement positionnés pour suivre et comprendre cette évolution. Et je pense qu’aucun de vous ne contestera cette observation: dans le monde actuel, rien n’est certain que l’incertitude.

De nombreuses crises, évolutions et révolutions sont en cours. Les équilibres changent, des failles apparaissent, des territoires montent ou s’affaissent, le sol tremble ici, là des failles se creusent, des ruptures parfois violentes secouent et façonnent le paysage. La géopolitique et l’économie mondiales semblent être dans un mouvement tectonique accéléré qui modèle les nouveaux contours du monde, un monde différent et plus complexe encore que celui que nous connaissions.

Ce monde se globalise chaque jour d’avantage, tout devient plus interdépendant. Ce qui se passe en un endroit du monde a des conséquences ailleurs. Un tsunami au Japon, une crise de la dette en Grèce, l’instabilité en Somalie, les révolutions dans le monde arabe: tous ces événements et bien d’autres ont un impact direct sur nos sociétés.
Et les défis du monde, en particulier ceux, gigantesques, des pays émergents sont aussi les nôtres. Pensons au domaine du climat, de l’accès à l’eau, à la nourriture, de l’environnement, de la gestion de la mobilité, de l’énergie, de la démographie ou du vieillissement de la population et des maladies qui y sont liées - une question qui ne frappe pas que l’Occident mais qui sera un véritable défi dans un pays aussi peuplé et en croissance que la Chine. Dans tous ces domaines et dans d’autres, les défis sont globaux et concernent chacun.
Dans ce contexte la politique extérieure de la Suisse peut continuer de s’appuyer sur des principes qui ont fait leur preuve: la neutralité permanente, l’universalité de nos relations et notre volonté de travailler selon les règles de l’Etat de droit.
Mais dans le contexte que je viens de décrire la Suisse doit aller plus loin, elle doit continuer d’affirmer sa solidarité à l’égard du monde comme elle le fait traditionnellement et elle doit assumer sa part de responsabilité à l’égard de l’avenir de notre planète et du système international. Plus que jamais notre action doit se placer sous la triple lumière des règles de «neutralité, solidarité et responsabilité».

Mesdames, Messieurs,

C’est dans cette perspective que le Conseil fédéral a adopté au début 2012 une stratégie de politique extérieure pour les années 2012 à 2016, c’est à dire pour la législature. Il est à ses yeux capital de s’appuyer un tel document stratégique, volontairement bref, pour fixer ses objectifs et déterminer les moyens de tendre vers leur réalisation, et pour déterminer ensuite les actions et les projets prioritaires de sa politique extérieure à cette aune.

Quatre ans, une législature, c’est pourtant un peu court pour mettre en œuvre une telle stratégie. En réalité cette stratégie 2012-2016 s’inscrit dans une perspective plus lointaine et c’est la perspective que nous avons voulu développer à l’occasion de cette conférence des ambassadeurs. Nous souhaitons déterminer le positionnement idéal de la Suisse d’ici 10 ans et les moyens de tendre vers ce positionnement. Bien sûr nous ne savons pas comment sera le monde dans 10 ans et nous ne connaissons pas tous les sursauts, tous les aléas et toutes les évolutions de notre planète. Mais une stratégie à moyen et long terme ne peut jamais complétement prévoir l’évolution des éléments extérieurs. Ce qui est important est de bien fixer les buts que nous voulons atteindre et sur cette base de définir les moyens que nous nous donnons. Qu’importe si le chemin est un peu plus long, s’il y a des obstacles à franchir ou à contourner, si la tempête se lève et qu’il faut s’y adapter, si le vent et la pente nous poussent ou s’il faut gravir des chemins ardus.

«Le chemin se fait en marchant» pour reprendre les mots du poète Antonio Machado, le chemin c’est nous qui le traçons, et ce voyage a un sens si nous savons où nous voulons aller, qu’importe si nous ne connaissons pas encore chaque étape de l’itinéraire.

Ce chemin c’est un travail collectif, un travail d’équipe, celui de notre «équipe nationale» dont vous êtes des acteurs essentiels.

Je vous l’ai dit en introduction, je suis fier du travail accompli dans notre Département parce que je peux constater sa qualité, sa précision, son intelligence et le fort engagement de chacun.
Avec notre réseau extérieur, notre pays dispose d’un instrument de grande qualité et de grande utilité. Je suis convaincu qu’il faudra bien sûr ajuster et adapter ce réseau au monde qui change, aux besoins et aux technologies qui évoluent, mais qu’en aucun cas notre pays ne doit affaiblir son réseau extérieur. Au contraire celui-ci devra être renforcé et cela doit constituer une priorité de notre département.

C’est l’ensemble de notre travail qui doit être intégré et en ce sens l’expérience que nous menons avec l’ouverture d’une ambassade intégrée au Myanmar est un signal important: une seule équipe, une seule image, un seul bâtiment pour l’Ambassade de Suisse dans ce pays.

Mesdames, Messieurs,

Notre Département représente une équipe, une équipe qui doit être une et unie, parce qu’il est l’image de la Suisse et qu’il n’y a qu’une seule Suisse dans ses relations avec le monde, même si elle est forte de ses diversités à l’interne.
Au fond, il en va de la Suisse comme du Département : elle doit jouer la force de ses diversités et éviter de s’affaiblir par des divergences.

Le Département compte différentes divisions: elles doivent être des additions de compétences. Le Département compte plusieurs directions, mais il n’en suit qu’une, celle définie par la stratégie du Conseil fédéral, la défense des intérêts et des valeurs de la Suisse.
Notre Département additionne les qualités de différentes générations. Et comme nous travaillons pour le long terme, comme notre objectif est à dix ans, il est souhaitable et naturel que nous pensions toujours à nous associer les compétences et l’intelligence de la jeunesse. Le DFAE compte de nombreuses «jeunes pousses» talentueuses et en cela représentatives des jeunes générations. On ne se trompe jamais en faisant confiance à la jeunesse et en la mettant en valeur, c’est le rôle et la responsabilité des diplomates chevronnés que d’utiliser cette force et de l’aider à s’épanouir en lui apportant le terreau de l’expérience. Voilà pourquoi nous avons souhaité que cette conférence laisse de la place à plusieurs jeunes collaborateurs du DFAE tout à l’heure. Ils nous donneront leur vision des défis pour la Suisse de 2022, lorsque nous aurons passé la main et qu’eux seront à la barre. Ce n’est qu’un prélude, je souhaite que l’ensemble du Département valorise plus systématiquement c’est immense richesse interne, la seule que nous ayons, la ressource humaine.
Je vous demande aussi, dans votre travail, d’être créatifs et de ne jamais hésitez à proposer vos idées et à donner votre avis à l’intérieur du Département.

Mesdames, Messieurs,

J’ai été frappé au cours des nombreux contacts internationaux que j’ai pu avoir au cours de ces premiers mois, de l’importance du rôle que la Suisse peut jouer lorsqu’elle se positionne bien et qu’elle travaille bien. Bien sûr notre pays est petit mais son influence est largement plus que proportionnelle à sa taille. A l’image de Genève, centre de notre pôle international, qui est certainement une des villes les plus connues au monde si on le mesure en proportion au nombre de ses habitants.
Pour développer son influence et sa marge de manœuvre notre pays doit toutefois toujours avoir «une longueur d’avance»: il doit se positionner dans des niches, offrir un profil ou une disponibilité particulière, une valeur ajoutée spécifique.
Cela demande de l’intelligence, de la créativité et beaucoup de travail. Notre Département en fourmille. Mais si nous voulons être là où nous souhaitons dans 10 ans, il en faut peut être encore un peu plus, car dans le contexte de ce monde en mouvement, où la concurrence se fait plus rude encore, nous devons accroître notre différence.

Je vous demande donc de travailler encore un plus, d’être encore plus créatifs, et de traquer encore davantage l’idée, le projet, l’initiative qui fera la différence, que fera que notre pays est particulier, qu’il peut tirer son «épingle du jeu». La Suisse n’a pas le choix, dans tous les domaines, elle est «condamné à l’excellence». C’est votre travail, votre engagement, votre créativité qui feront la différence. Je suis certain de pouvoir compter sur tous les collaborateurs du Département et je vous en remercie.

Mesdames, Messieurs,

Sur la base des intérêts, des valeurs et des principes que j’ai rappelés tout à l’heure, le Conseil fédéral a défini quatre axes d’action prioritaires. Ces axes d’actions doivent se prolonger au-delà des quatre années de la législature et le but de cette conférence des Ambassadeurs 2012 est d’imaginer où peut être la Suisse dans ces domaines en 2022. Comment peut-elle se donner les moyens de tendre vers cette direction?

Le premier axe de notre action est celui de relations, renforcées et améliorées avec nos voisins, un domaine qui doit être voué à une attention permanente. Il est normal qu’entre des voisins qui entretiennent autant de relations d’une intensité aussi forte, avec plusieurs régions frontalières qui sont devenues de véritables agglomérations bi- voire tri-nationales et autant d’espaces vécus, il est normal dans ce contexte que de nouvelles questions se posent régulièrement.
Ces questions nous devons pouvoir en parler avec nos voisins et chercher à les résoudre avec volontarisme et avec créativité, comme nous avons su le faire dans le cas de l’aéroport de Bâle-Mulhouse un dossier qui s’est débloqué lorsque les deux gouvernements ont su trouver une volonté commune d’y parvenir. Nos relations avec l’Italie, l’Allemagne et la France ont considérablement évolué ces derniers mois sur des questions aussi diverses et sensibles - on le voit aux réactions suscitées - que la fiscalité, les relations économiques ou l’avenir de nos aéroports. C’est volontairement que j’ai réservé mes premières visites bilatérales à nos voisins : Vienne en janvier et Berlin en février. Avec la France et l’Italie, j’ai eu l’occasion de rencontrer mes homologues au premier semestre en marge de rencontres multilatérales. A ces occasions, nous avons convenu que des visites dans les capitales se feraient rapidement au second semestre et ce sera le cas puisque je me rendrai à Paris et à Rome dans la première moitié de septembre. Je serai par ailleurs après-demain à Vaduz dans le cadre de la rencontre quadrilatérale des pays de langue allemande. Ces rencontres s’inscrivent dans le cadre de la stratégie du Conseil fédéral et elles complètent des travaux et des rencontres de plusieurs départements pour faire évoluer nos relations ainsi que des rencontres qui ont eu lieu et qui auront encore lieu au niveau de la présidente de la Confédération et des chefs d’Etat et de gouvernement. Cela permet de lancer ou relancer avec chacun de nos voisins un processus de travail qui tend vers un renforcement de nos travaux et de nos échanges. Une chose est sûre: d’ici dix ans nos voisins seront les mêmes qu’aujourd’hui. Mais quels sont les défis qui peuvent se poser dans le contexte de ces relations bilatérales avec eux dans la décennie à venir? Quel sera le cadre de nos relations? Quels défis faut-il relever pour que nos relations restent fortes au quotidien? Comment favoriser très concrètement le développement de ces zones d’échange et de vie transfrontaliers qui parsèment la frontière suisse? Quelles actions pour que la Suisse soit mieux connue et mieux comprise chez nos voisins? Voici quelques unes des questions auxquelles il nous faut réfléchir ces jours.

Eh puis vous le savez le Conseil fédéral a décidé qu’il souhaitait accorder au Royaume-Uni une place particulière, qu’au vu des liens spécifiques entre nos deux pays nous accorderons à cette relation l’importance que nous accordons à nos voisins. Ma rencontre à Londres avec le Secrétaire d’Etat au Foreign Office le 1er août dernier et diverses rencontres avec le Ministre aux affaires européennes ont là aussi permis de poser les bases d’une collaboration accrue, une collaboration sur la durée, à laquelle nous devrons contribuer activement par notre travail et notre créativité. Les jours à venir sont une bonne occasion d’explorer quelques pistes.

Le 2e axe est celui de nos relations avec l’Union européenne et avec ses pays membres et là aussi la situation évolue: vous savez que le Conseil fédéral a clairement montré sa volonté de poursuivre et de rénover la voie bilatérale en faisant des propositio institutionnelle nouvelles à l’UE, des propositions qui répondent aux quatre critiques formulées par le Conseil de l’UE dans ses conclusions de décembre 2010. La Suisse a par ailleurs adopté un mandat de dialogue avec l’UE sur les régimes fiscaux des entreprises qui complètent les dialogues et les négociations en cours dans plusieurs autres dossiers.
Nous avons eu des contacts à Bruxelles avec les présidents Barroso et van Rompuy ainsi qu’avec la présidence chypriote de l’Union européenne. Aussi bien M. Barroso à Bruxelles que Mme Kozakou-Marcoullis à Chypre ont accepté de venir en Suisse à l’automne et nous sommes à la recherche des dates qui conviennent. Là aussi le dialogue doit être entretenu, également au niveau politique. Nous positions sont éloignées sur quelques dossiers mais la Suisse a fait un pas constructif important en direction de l’UE dans le domaine institutionnel. Il est important entre partenaires de confiance qu’il y ait des deux côtés la volonté de se mettre à la table de discussion et de chercher sincèrement le moyen d’avancer ensemble. Nous ressentons cette disponibilité aussi bien du côté de l’UE que de ses Etats-membres. Nous devrons continuer de travailler pour expliquer la position et les propositions suisses et nous le ferons de manière intense ce deuxième semestre.
Quels sont les grands enjeux de la voie bilatérale pour les 10 prochaines années, comment pouvons nous la rénover et la développer, quels sont les obstacles et les opportunités, quel rôle particulier la Suisse peut-elle continuer à jouer dans le contexte européen? Voici autant de questions sur lesquelles je vous demande de travailler et de laisser voguer votre créativité.

Vous le savez le 3e axe c’est celui de la stabilité en Europe, à ses marges et dans le monde. C’est notamment notre action en matière de coopération et développement pour laquelle le Parlement est en train de discuter d’un crédit de 11,3 milliards, soit un franc par jour et par habitant, pour les 4 prochaines années.

Ceci permettra d’atteindre le taux de 0,5% du revenu national brut ces prochaines années. Cet axe consacré à la stabilité c’est aussi par exemple notre volonté de contribuer à une solution politique en Syrie et de contribuer à la stabilité de la région en soutenant notamment l’accueil des réfugiés dans les pays voisins et en appelant le Conseil de sécurité à déférer la cas syrien et les exactions commises dans tous les camps à la Cour pénale internationale. C’est aussi toute notre action en faveur de la sécurité humaine : promotion de la paix, de la démocratie, des droits de l’homme, de l’Etat de droit.
«Etre libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes; c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres» dit Nelson Mandela dans la phrase que j’ai citée toute à l’heure. C’est ce que la Suisse cherche à faire à travers dans ce domaine.
Comment pouvons-nous plus efficacement encore agir dans ces domaines, quels seront les nouveaux champs d’action, comment peut-on renforcer la connaissance, l’application sur le terrain et le contrôle de l’application du droit international humanitaire dont la Suisse se pose en quelque sorte garante en tant que dépositaire des Conventions de Genève ? Autant de questions à creuser pour la décennie à venir.

Eh puis il y a le 4e axe, Mesdames et Messieurs, la 4e branche de la croix fédérale. Cette branche est essentielle comme le sont les trois autres. Une croix fédérale est constituée de 4 branches d’égale importance et ce n’est donc pas parce que cet axe porte le numéro 4 qu’il est plus bas dans l’ordre de nos préoccupations. La stratégie du Conseil fédéral ne consiste pas à replier l’action diplomatique et de politique extérieure de la Suisse sur nos voisins et sur l’Europe continentale. Nous voulons renforcer et soigner ces relations, essentielles, mais nous voulons tout autant renforcer stratégiquement nos partenariats avec le monde de demain.
Car que voyons-nous? Le lexique d’ancien continent par opposition au Nouveau Monde qui était utilisé pendant des siècles n’a plus guère de sens au moment ou l’on voit d’anciens anciens mondes devenir un nouveau monde du côté de l’Asie. Et où l’on voit un nouveau Nouveau Monde émerger au Sud du Continent américain. Oui le monde se redéfinit et le 4e axe de notre action stratégique consiste à développer et renforcer des partenariats ciblés. Nous ne pourrons pas être présents partout, d’où certains ajustements de notre réseau extérieur, nous voulons cibler intelligemment nos partenariats. Il y a bien évidemment les pays du G-20 et les BRICS avec lesquels nous voulons assurer et si nécessaire renforcer nos partenariats stratégiques. Mais il n’y a pas que ces 5 grandes briques-là qui constituent le socle du nouveau monde. De nombreux pays émergeants de taille plus modeste peuvent constituer de formidables opportunités et d’intéressants partenariats pour notre pays, il ne faut pas les perdre de vue, au contraire, il faut y concentrer notre attention. Il nous faut identifier tôt les partenaires, saisir les enjeux, définir la valeur ajoutée spécifique de la Suisse, trouver les projets que nous pouvons porter en commun. C’est une des réflexions que nous voulons mener cette semaine.

Ce 4e axe c’est aussi celui de nos coopérations multilatérales et du rôle de Genève et de la Suisse comme lieu de la diplomatie multilatérale. La Suisse est membre de l’ONU depuis 10 ans, nous marquerons cet anniversaire dans quelques jours (avec la venue du Secrétaire général des Nations Unies en Suisse les 10 et 11 septembre). Nous devons nous projeter dans cette deuxième décennie qui nous verra peut-être entrer au Conseil de sécurité en 2023-2024. Les priorités de la Suisse sont la réforme de l’institution pour améliorer son efficacité et la sécurité qui doit être améliorée sur notre planète. Comment décliner ces priorités en actions concrètes, quels partenaires trouver, quelles initiatives nous faut-il lancer?
Et comment par quelles actions concrètes renforcer et consolider le rôle et la place de Genève dans le contexte international face à une concurrence aiguisée?
La Suisse assumera aussi en 2014 la présidence de l’OSCE. Son action durant cette année doit s’inscrire dans la durée : quelles priorités, quelles actions, dans quelles régions pour améliorer la sécurité humaine dans toute l’Europe et à ses marges dans la prochaine décennie?

Enfin, la Suisse est une nation de science et d’innovation, c’est un thème stratégique pour notre pays. Comment rendre plus efficace et plus utile encore notre rôle dans le monde à cet égard, et la perception qu’on a de nous, comment et par quels moyens développer cette véritable diplomatie scientifique de notre pays que le Conseil fédéral veut promouvoir, comment trouver les bons partenariats?
Enfin comment renforcer et développer la Genève internationale dans un contexte de concurrence croissante, quelle stratégie et quels atouts développer?
Voilà autant de questions à travailler durant les jours à venir.

Enfin, au-delà de ces 4 axes, le Conseil fédéral a placé un devoir central, «au cœur» de sa stratégie: le soutien aux Suisses de et à l’étranger, une mission prioritaire aux yeux du Conseil fédéral. Les Suisses de l’étranger sont nombreux, plus de 700'000. Les Suisses voyagent beaucoup. Dans un monde plus interconnecté et où tout va plus vite, il nous faut avoir une approche stratégique plus cohérente de nos relations à la Cinquième suisse et développer un service public de qualité, moderne et adapté. Nous nous attacherons notamment à répondre à ces défis par la mise en place, à moyen terme, d’outils électroniques simplifiant les procédures. Un important instrument de cette politique sera la loi consacrée aux Suisses et aux Suissesses de l’étranger que souhaite rédiger le Parlement. Je me réjouis de constater que cet important chantier a bien démarré et qu’il se base sur une très bonne collaboration entre la sous-commission responsable du Conseil des Etats et les services du DFAE. Cette loi sera peut-être aussi l’occasion de préciser les limites du rôle de l’Etat et l’importance de la responsabilité individuelle lorsque des Suisses voyagent dans des régions instables et parfois même dangereuses et le fait que l’Etat ne peut accepter de se retrouver sous la pression d’exigences, financières ou d’autre nature – souvent des deux – de la part de groupements terroristes. La question est intensément discutée au plan international et vous savez que la Suisse affirme très clairement qu’elle ne paye pas de rançon. Ainsi, elle n'en a pas payé dans les cas résolus cette année au Pakistan et au Mali.
Comment peut-on développer ce 4e axe et ces partenariats et thèmes stratégiques, quelles sont les questions et les besoins nouveaux, quels seront les enjeux dans dix ans, là aussi, il nous faut anticiper les enjeux dans les jours à venir.

Mesdames et Messieurs,

Il y a du travail. Il est passionnant. Il est essentiel. Je souhaite que cette conférence des Ambassadeurs soit un succès. Nous avons souhaité que cette conférence revienne à Berne et qu’elle soit raccourcie d’un jour pour favoriser vos contacts et votre travail avec les services de l’administration. Cette conférence sera un succès si elle nous permet de dégager des pistes de réflexions et des idées nouvelles pour cette stratégie pour la décennie. Nul doute que vous y contribuerez. Nul doute que la jeune génération nous y aidera. Cette conférence sera un succès si elle initie des réflexions nouvelles sur tous ces thèmes, des réflexions dont nous souhaitons qu’elles se poursuivent au-delà de cette conférence par la magie de l’informatique. L’informatique a parfois trop tendance à nous faire oublier le long terme, les «tweets» et autres «blogs» vivent et réagissent dans une immédiateté presque absolue. Mais l’informatique peut aussi nous aider à nous mettre en réseau et à poursuivre des réflexions de long terme, par exemple à travers un outil comme CH@World. C’est ce que nous souhaitons pour les réflexions initiées durant cette conférence.

Le poète a toujours raison: «Le chemin se fait en marchant», alors en marche, au travail, façonnons cette décennie à venir pour que notre pays sache rester libre et responsable, sûr et prospère, et qu'il sache respecter et renforcer la liberté des autres. Merci - de tout cœur - de votre engagement actuel et futur.

Conférence des Ambassadeurs 2012 - Allocution du Conseiller fédéral Didier Burkhalter - Berne, 20.08.2012