Mesdames et Messieurs les partenaires de la formation professionnelle,
Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux d'être parmi vous à cette Conférence de mai de la formation professionnelle. Lorsqu'on présente la formation professionnelle à un invité étranger, on a l'embarras du choix: va-t-on visiter une école professionnelle, une entreprise formatrice ou un centre de cours interentreprises? On pourrait également inscrire au programme un entretien avec les représentants des écoles supérieures et des organes responsables des examens fédéraux. Et il ne faudrait pas oublier un échange de vues avec les responsables de l'Institut fédéral des hautes études en formation professionnelle (IFFP) et d'autres prestataires de formations de base et de formations continues des responsables de la formation professionnelle. Et, pour être vraiment exhaustif, il faudrait encore rencontrer les représentants des cantons et des organisations du monde du travail.

L'idéal serait toutefois d'inviter la délégation étrangère à la Conférence de mai de la formation professionnelle: on aurait ainsi tout le monde sous la main! Cette journée montre toute la diversité de la formation professionnelle. On rencontre ici des personnes de tous les horizons et de toutes les branches, qui s'investissent sans compter en faveur de la formation professionnelle des jeunes et de la relève en professionnels et en cadres qualifiés.

Mesdames et Messieurs, votre engagement ne va pas de soi! En ma qualité de chef du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche, je tiens à vous remercier vivement pour vos efforts au service de notre jeunesse, de l'économie, de la société et, en fin de compte, de l'ensemble de notre pays. Je voudrais saisir l'occasion de cette journée pour vous faire part de quelques considérations sur le contexte politique et économique de la formation professionnelle.

Pour moi, le plein emploi est une préoccupation primordiale. Le travail ne se résume pas à un gagne-pain. Il est le fondement de l'estime de soi et une source de satisfactions. Il est en définitive le ciment de notre société et la base de notre prospérité et de notre paix sociale. Ces acquis ne vont pas de soi. Il n'y a qu'à porter le regard au-delà de nos frontières. Malgré une conjoncture économique parfois tendue ces dernières années, la Suisse a réussi à maintenir un faible taux de chômage. Cette réussite, on l'a doit aussi aux bonnes conditions-cadres faites à nos entreprises.

L'une de ces conditions-cadres, c'est précisément l'excellence de notre système de formation. Nos dix universités et nos deux écoles polytechniques fédérales sont bien, voire très bien cotées dans les classements internationaux. Nos hautes écoles spécialisées connaissent un développement dynamique et jettent des passerelles entre la théorie et la pratique. Et notre formation professionnelle est un immense atout. Toutes les personnes ici présentes le savent bien, et d'autres, au-delà des frontières, sont en train de le découvrir et souhaitent s'en inspirer.

Les divers degrés de formation constituent un système cohérent. Contrairement à d'autres pays, la Suisse connaît des voies de formation tant générales que pratiques qui répondent aux besoins les plus divers et se complètent de manière idéale. Il n'y a pas que les entreprises à tirer parti de cette situation. Les travailleurs ont aussi la possibilité de mettre en évidence tous leurs talents.

Toutefois, un système de formation bien conçu ne suffit pas. Il faut aussi un financement solide - pour aujourd'hui, mais aussi pour demain. Ces dernières années, la Confédération a fortement accru les moyens mis à la disposition de la formation. Alors qu'entre 2000 et 2003, la Confédération dépensait pour la formation, la recherche et l'innovation 17 milliards de francs, elle y consacrera entre 2013 et 2016 près de 26 milliards de francs, soit 9 milliards de plus. La formation, la recherche et l'innovation représentent actuellement le quatrième poste dans le budget de la Confédération.

Et à l'intérieur de ce domaine, c'est la formation professionnelle qui connaît la croissance la plus forte. Tandis qu'entre 2000 et 2003, elle recevait près de 2,1 milliards de francs, son enveloppe est passée à 3,6 milliards pour la période de 2013 à 2016. Ce montant est supérieur aux trois milliards de francs que la Confédération octroie aux universités. Grâce à cet effort, la Confédération couvre désormais 25 % des dépenses publiques en faveur de la formation professionnelle.

Mais ce n'est pas uniquement en termes financiers que la formation professionnelle repose sur une base solide. Elle a aussi trouvé sa place reconnue dans l'ensemble du domaine de la formation, de la recherche et d'innovation. Au niveau fédéral, la réunion de tout ce secteur au sein d'un même département, depuis le 1er janvier 2013, a renforcé encore davantage la position de la formation professionnelle. Grâce à cette réorganisation, les processus peuvent être rationalisés, les cloisons abattues et une stratégie cohérente peut être mise en place.

Cette démarche s'applique par exemple au degré tertiaire, avec ses questions et ses problèmes d'interface que nous pouvons aborder maintenant dans une perspective cohérente et globale. Et, quel est pour vous, l'impact de cette réorganisation? Simplement, que vous n'avez désormais plus qu'un seul interlocuteur, le Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), rattaché à mon département, le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR).

Les investissements dans la formation ne sont pas consentis uniquement dans la perspective de créer de bonnes conditions-cadres pour l'économie. Il s'agit aussi d'offrir aux jeunes la possibilité de s'épanouir en fonction de leurs capacités et de leurs aspirations et de les aider à entrer de plain-pied dans la vie active. La Confédération, les cantons et les organisations du monde du travail se sont fixés pour objectif que 95 % des jeunes obtiennent un diplôme du degré secondaire II. Cet objectif n'est pas une simple intention politique, c'est une nécessité sociale. Mais je tiens aussi à ce que nous mettions en place des conditions-cadres qui permettent à tout un chacun de participer à l'apprentissage tout au long de la vie car nous aurons toujours davantage besoin de professionnels qualifiés.

Quatre personnes sur cinq en Suisse suivent une formation continue. Je souhaite que les 20% restants aient également cette possibilité. C'est dans cette optique que le Conseil fédéral a récemment (15 mai 2013) transmis aux Chambres le message relatif au projet de loi sur la formation continue. Grâce à la fixation des principes régissant la reconnaissance des acquis, la qualité et la concurrence, je suis convaincu que ce projet de loi est une bonne base pour renforcer le marché de la formation continue. La loi favorise aussi l'apprentissage tout au long de la vie en insistant sur l'acquisition de compétences de base chez les adultes.

Des rencontres comme celle d'aujourd'hui sont idéale pour s'élever au-dessus de ses tâches quotidiennes et tourner le regard vers l'avenir. On attribue à Talleyrand, homme d'Etat français, ce mot: «On doit garder l'avenir à l'esprit et le passé dans ses dossiers». Permettez-moi donc de vous faire part de quelques réflexions sur le développement futur de la formation professionnelle et du contexte politique et économique.

Notre système dual de formation professionnelle tire profit du fait qu'il est pour l'essentiel soutenu par les entreprises. L'engagement des entreprises formatrices ne va pas de soi, et ce modèle intrigue toujours nos visiteurs étrangers. «Comment faire pour que les entreprises acceptent de jouer le jeu?». Telle est la question qu'on nous pose régulièrement. Vous connaissez la réponse: l'intérêt des entreprises à former des apprentis repose sur trois éléments: d'abord les conditions-cadres globalement favorables pour les entreprises, ensuite le nombre restreint d'obligations liées à la signature des contrats d'apprentissage, et enfin l'influence déterminante de l'économie sur les contenus de la formation. Prenons bien soin de ce système de formation! N'abandonnons pas des principes qui ont fait leurs preuves, sur la base de vues à court terme. Il est facile et tentant dans l'exercice quotidien de la politique d'ajouter ici une disposition dans les ordonnances sur la formation professionnelle initiale et là des obligations dans les plans de formation. Evitons de trop charger la barque, car la formation professionnelle vit de l'engagement des entreprises et du rythme qui leur est dicté. Faisons tout notre possible pour réduire au minimum la charge administrative des entreprises et encourager au maximum l'autoresponsabilité et l'autonomie.

Je vous citerai ici un exemple récent: dans sa séance du 15 mai dernier, le Conseil fédéral a adopté un rapport sur les potentialités des cleantech dans la formation professionnelle. C'est aux branches concernées qu'il appartient maintenant de tirer le meilleur parti de ces potentialités et de déterminer l'ampleur de leur engagement.

C'est sur un autre plan encore, que les entreprises ont un rôle important à jouer: je veux parler de la formation de la relève. Dans les classements internationaux de la performance d'innovation, la Suisse se situe régulièrement en tête. Cette situation enviable, nous la devons à la base solide sur laquelle repose tout le domaine de la formation, de la recherche de l'innovation. Tout comme les hautes écoles et la recherche tentent d'attirer les meilleurs étudiants, la formation professionnelle doit elle aussi recruter les jeunes les plus talentueux. Lors des dernières Conférences sur les places d'apprentissage, nous avons décidé de prendre des mesures pour faire mieux connaître les offres de la formation professionnelle. L'encouragement des talents commence dans les entreprises. Les associations professionnelles déploient une grande énergie à cet égard. La formation professionnelle peut offrir beaucoup aux jeunes faisant preuve de talent notamment au travers de:

la maturité professionnelle effectuée pendant et après la formation professionnelle initiale;
des offres linguistiques et de séjours à l'étranger et enfin
des formations supérieures au degré tertiaire. En septembre 2014 auront lieu à Berne les championnats suisses des métiers; c'est une vitrine de premier choix pour faire connaître les performances exceptionnelles des personnes ayant suivi une formation professionnelle.

Le positionnement de la formation professionnelle sur le plan national et international est un autre thème qui me tient à cœur. Il y va de l'avenir de la formation professionnelle supérieure. Et là il y a encore du travail. Vous avez été informé ce matin du projet stratégique conçu conjointement par le SEFRI et les partenaires de la formation professionnelle. La formation professionnelle supérieure concerne l'ensemble de la formation professionnelle. Sans offres attrayantes au degré tertiaire, la formation professionnelle initiale manquerait de perspectives. La formation professionnelle supérieure occupe une place importante dans notre système de formation. Grâce à elle, nous disposons d'un atout que le monde nous envie, puisque les compétences qui y sont acquises sont axées sur la pratique. Elle complète et décharge le système académique. J'attends que dans le cadre du partenariat sur la formation professionnelle, nous progressions d'ici à la fin de l'année sur trois plans: le financement, le positionnement de la formation professionnelle supérieur et sa commercialisation. Les résultats de ce projet stratégique viendront s'intégrer dans le message FRI 2017-2020.

En ce qui concerne le justement positionnement de la formation professionnelle supérieure, la question de la délimitation par rapport aux hautes écoles spécialisées se pose de manière récurente. La Suisse dispose avec la formation professionnelle supérieure et les hautes écoles spécialisées de deux domaines de formation autonomes au degré tertiaire. Il faut rappeler que, dans les années nonante, les hautes écoles spécialisées ont été explicitement créées pour renforcer la formation professionnelle. Il convient dès lors de tenir compte du caractère spécifique de chaque domaine au moment de développer des offres de formation. Il serait par exemple faux de positionner certaines offres de la formation professionnelle au niveau des hautes écoles spécialisées uniquement pour des raisons de prestige. Il faut aussi rester critique face aux projets tendant à appliquer à la formation professionnelle le système des grades académiques issus de la réforme de Bologne. Ce serait mélanger deux systèmes foncièrement différents.

Notre attention doit se porter en particulier sur le financement de la formation professionnelle supérieure. Actuellement, et dans le cadre du projet global, le SEFRI élabore les bases requises et examine les différents modèles. Il s'agit de trouver une voie permettant d'assurer le financement à long terme de la formation professionnelle supérieure. Autre point essentiel, il faut veiller à assurer l'égalité des chances au degré tertiaire. Le financement ne doit pas aboutir à des discriminations fondées sur des différences dans les voies de formation. Enfin, j'estime important de maintenir le très fort engagement de l'économie, qui assure que les offres de formation restent très proches de la pratique.

Nous devrons aussi porter une plus grande attention à l'exportation de notre système de formation. Divers pays sont confrontés à un très grave problème de chômage des jeunes. Notre contribution peut consister à présenter notre système dual de formation professionnelle. Cela nous donnera aussi l'occasion de favoriser la compréhension et l'acceptation de notre système de formation et en particulier la perméabilité du système dual de formation professionnelle. J'ose espérer qu'à l'avenir on associera ainsi davantage le label «Swissness», à l'excellence de notre système de formation professionnelle.

Le partenariat qui s'est établi au sein de la formation professionnelle est une forme de collaboration encore inconnue ou à peine esquissée dans d'autres domaines de la formation. L'esprit qui anime les partenaires constitue à mon avis un exemple à suivre dans les autres domaines du système de formation. La collaboration et la compréhension mutuelles ne doivent pas se limiter à la formation professionnelle. Cette dernière fait partie intégrante du domaine FRI. Nous voulons que l'ensemble du pôle suisse de formation, de recherche et d'innovation soit fort. Nous avons tout autant besoin de l'excellence des hautes écoles, de la recherche de pointe et de l'encouragement de l'innovation que d'une formation professionnelle proposant une offre variée et des chances intactes de faire carrière. Au moment où les budgets publics sont resserrés, il convient de répartir les moyens disponibles de manière équitable. La formation, la recherche et l'innovation requièrent toutes un financement stable et fiable. Il importe donc de trouver une réponse adéquate quant au financement durable de la formation, en des temps difficiles également. Des exigences maximales unilatérales sur le dos d'autres domaines FRI sont dommageables pour l'ensemble du système.

Nous sommes sur la bonne voie. Ce succès n'est pas le fruit du hasard, mais s'appuie sur un fondement solide. Veillons à garder cet atout. L'avenir nous réservera encore bien des défis, et peut-être plus encore que nous ne le prévoyons actuellement. Pour ma part, je suis convaincu qu'ensemble, nous saurons faire progresser la formation professionnelle , dans l'intérêt de la jeunesse, de l'économie et de la société. Les principes régissant l'ensemble du domaine de la formation, de la recherche et de l'innivation devraient nous guider dans notre action:

Engagement en faveur d'un système de formation ouvert et perméable, où chacun puisse suivre une formation initiale ou continue correspondant à ses capacités et à ses talents.
Intégration de la formation professionnelle dans le domaine FRI. L'éducation générale et la formation professionnelle se complètent et profitent l'une de l'autre.
Mise en réseau à l'échelle internationale de la politique en matière de formation, de recherche et d'innovation. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons conserver notre haut niveau de qualité.
Politique FRI libérale, fondée sur l'auto-responsabilité, la compétitivité et la conscience des coûts.
Last but not least: développement et consolidation du partenariat de la formation professionnelle qui repose sur l'interaction entre trois partenaires.

En ce sens, je vous remercie de vos efforts et me réjouis d'avance de pouvoir poursuivre notre collaboration fructueuse.

Seule la version orale fait foi !

Conférence de mai de la formation professionnelle : Etat des lieux politique