Monsieur le Président du Conseil d’Etat,
Mesdames et Messieurs les invités,
Mesdames et Messieurs,
Mais surtout, comme on le dit depuis deux siècles, chers Confédérés ! Et tout simplement : chers Amis !

1814. Et Genève devient Suisse.

Cette année-là voit l’Europe sortir de vingt années de troubles et de guerres qui ont coûté des millions de vies. Mais au moment où Genève rejoint la Confédération la situation change et c’est un siècle essentiellement de croissance et de prospérité qui s’ouvre pour notre continent. Il verra l’essor de la science et de l’industrie, l’émergence de la classe moyenne, la transformation des villes – Genève abandonne ses bastions pour en faire des quartiers nouveaux et de magnifiques parcs. Un siècle de lumières qui aura toutefois aussi ses côtés d’ombres : les colonies ou les nationalismes qui préparent les cataclysmes du XXe siècle, qui débuteront cent ans plus tard, en août 1914.

Nous voici en 2014, nouvelle année « 14 » qui, par ses soubresauts montre, une fois encore, l’importance de contribuer à la stabilité et la sécurité de notre continent et du monde. Par le dialogue entre les peuples et une diplomatie active entre les Nations.
En 1814 Genève devient suisse, avec deux autres nouveaux cantons : le Valais et Neuchâtel. Trois Etats qui renforcent la diversité linguistique du pays et déplacent son centre de gravité vers l’Ouest.

Trois belles pierres qui s’ajoutent à la mosaïque helvétique – dont chaque élément est unique et qui forme un ensemble harmonieux.
En 1814, devenir suisse est un aboutissement presque naturel pour Genève, elle qui a des liens anciens avec la Confédération des XIII Cantons, qui entretient dès le XVIe siècle des combourgeoisies avec Berne, Fribourg, puis Zurich. Une allégorie le rappelle aux visiteurs du Jardin anglais : Genève et la Suisse telles deux sœurs, bras dessus, bras dessous.

En 1814, si Genève devient suisse c’est par l’intelligence et par le cœur. Le choix était stratégiquement habile. La Suisse pour renforcer l’indépendance de Genève, affermir sa liberté plus sûrement que tous les bastions. Genève, alors plus grande ville de Suisse, pour renforcer le pays, son commerce, son poids politique, démographique, accroitre son influence, car c’est une ville de lumière – comme le souligne sa devise – une ville de l’esprit, rayonnante en Europe, qui rejoint la Suisse.

Et il y a les liens du cœur, sûrement plus forts encore : une amitié ancienne, qui transcende les différences culturelles, linguistiques, religieuses avec les villes et les cantons suisses.
Il en fallait du cœur et de l’intelligence pour en arriver là et comprendre que la force de la Suisse se ferait en cherchant son unité à travers sa diversité!

Car qui sont ces 300 soldats qui, en juin 1814, débarquent au Port Noir porteurs des couleurs de la Suisse ? Ils sont Fribourgeois et Soleurois.
Des catholiques en protecteurs de la « Rome protestante » !
De nombreux germanophones en hérauts de la liberté dans ce haut-lieu du français ! La liberté dans la diversité !

Mesdames et Messieurs,

Depuis 1814, le socle de cette relation est aussi solide que la Pierre du Niton– à quelques centaines de mètres d’ici – qui donne l’altitude à tout le pays. C’est un socle de valeurs partagées qui réunissent Genevois et Suisses depuis 200 ans.

La première de ces valeurs, qui rend possible toutes les autres, c’est la Liberté. Celle qui a vu Genève choisir son destin, qui voit la Suisse jouer un rôle particulier dans le monde et en Europe. C’est notre Liberté, celle de tous les habitants de ce pays, qui vivons en paix et en démocratie, qui pouvons voyager, penser, croire, nous exprimer librement. Cela semble naturel. C’est pourtant une conquête récente et pas encore universelle, dont les secousses du monde soulignent chaque jour la valeur.

La Solidarité, autre valeur en partage : celle des Suisses entre eux et de la Suisse avec le monde. Genève et son refuge huguenot. L’invention de la Croix-Rouge et du droit humanitaire, ici, il y a 150 ans. Depuis la solidarité humaine a pris de par le monde les couleurs, originales ou inversées, du drapeau suisse. Quel meilleur étalon du rôle de Genève pour le monde ?

Enfin, il y a la Responsabilité: la démocratie directe et le système de milice, qui reposent sur l’engagement de chacun, le fédéralisme qui rend chaque canton d’abord responsable de lui-même.

La responsabilité, celle qu’assuma au milieu du XIXe siècle un général genevois : Guillaume-Henri Dufour fut à la pointe de l’élan qui sauva la Suisse et il appliqua des principes d’humanité et de dialogue avec toutes les parties. Plus proche de nous, c’est la Suisse et Genève qui cherchent des réponses, politiques et scientifiques, aux défis du monde, pour que demain soit viable pour nos enfants. C’est la Suisse, internationale par Genève, active dans les enceintes mondiales qui augmente son engagement humanitaire et sa coopération internationale à 0,5% de son revenu national brut d’ici 2015, face aux drames du monde. C’est la Suisse qui s’engage à la tête de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe OSCE, pour trouver des solutions pour demain, dans les Balkans, le Caucase ou en Ukraine. C’est aussi une recherche de pointe pour mieux comprendre le cerveau, et mieux le soigner, depuis cette ville d’esprit.

Liberté, responsabilité, solidarité. Sur ce socle de valeurs, solide comme le roc, la Suisse et ses cantons ont développé une démocratie participative et inclusive vivace. Elle repose sur des institutions remarquables, précises et délicates comme des pièces de haute horlogerie – genevoise ou neuchâteloise ! Des institutions conçues pour intégrer chaque composante du pays. Mais plus encore que nos institutions, la force du système suisse repose sur l’esprit de celles-ci : une culture de l’écoute et de l’inclusion qui porte le beau nom de concordance.

Mesdames et Messieurs,

Il y a un mois, aux côtés de mon épouse comme aujourd’hui, je représentais le Conseil fédéral à la Landsgemeinde d’Appenzell, canton suisse depuis 501 ans.

Parmi les 3000 citoyens rassemblés sous la pluie se trouvait une jeune citoyenne appenzelloise de 21 ans, Kathrin Wyss. Je lui ai demandé de m’accompagner aujourd’hui à Genève – et je la remercie d’être présente. Cette année je tiens à donner la parole aux jeunes, je lui ai demandé de me dire ce que lui inspire la cohésion nationale et cette célébration et de le faire en regardant l’avenir car, c’est d’abord à cela que sert un anniversaire.

Je la cite : « le contraste entre Genève et Appenzell ne pourrait pas être plus grand. Ici le canton urbain libéral et ouvert sur le monde, patrie de Calvin, le grand réformateur, et de la Croix-Rouge. Là le canton campagnard catholique, conservateur et attaché à ses traditions, le petit pays de la Landsgemeinde dans lequel la recette du fromage est un secret bien gardé. »

Mesdames et Messieurs, aux côté de Kathrin aujourd’hui il y a aussi Mme Louise Morand, 16 ans, représentante du Parlement des jeunes genevois, elle y est active car elle estime « important de s’engager pour notre société ». Louise Morand nous a aussi accompagné en Appenzell il y a un mois et je la remercie également de sa présence.
Louise a vécu la Landsgemeinde avec nous. Elle aussi a été frappée par la différence entre ces deux cantons, pourtant tous deux aussi Suisse l’un que l’autre.
Elle partage la description de Kathrin et ajoute, je cite : « Un canton à la culture laïque d’un côté, l’autre où les signes religieux sont ostensibles jusqu’au sein de l’Assemblée populaire. Ici la religion comme pratique privée, là intégrée à une réunion politique ».
Et pourtant, Kathrin et Louise se sentent liées : « C’est la Suisse - disent-elles - qui tient ensemble les cantons de Genève et d‘Appenzell Rhodes intérieures. Et ce sont les cantons de Genève d’un côté et d’Appenzell de l’autre qui tiennent la Suisse ensemble.»
Kathrin, jeune Appenzelloise et Louise, jeune Genevoise, nous disent avec sagesse que si la Suisse est une grande réussite, elle le doit d’abord à ses peuples, à ses cantons, à l’addition de leurs forces. Elle le doit aux êtres humains, qu’il faut aimer, encore plus que les pays ! Elles mettent le doigt sur le respect des différences, et leur addition, la force de la Suisse. Une force qui étonne et qu’on recherche dans d’autres pays du monde et même de notre continent.

La concordance, c’est chanter en chœur, dans des registres différents. Pour les jeunes que j’ai invité à la réflexion, c’est « l’harmonie, le bon fonctionnement du dialogue entre différentes parties du pays, la volonté de recherche des solutions de consensus qui puissent satisfaire tout le monde ». C’est donc l’inverse de la manière dont la démocratie s’applique parfois dans le monde, lorsque le gagnant emporte tout, laissant au perdant des yeux pour pleurer et – et parfois la volonté de prendre le maquis !

La concordance, dans son esprit comme son étymologie, c’est « mettre les cœurs ensemble ». Et bien, Mesdames et Messieurs, chers Confédérés et chers amis, mettre 26 cœurs en harmonie, c’est la force de la Suisse ; c’est la force des Suisses, des Genevois, des Appenzellois et de tous les autres, qui réussissent cet exploit depuis des siècles. C’est aussi l’essence d’une véritable nation : la volonté de partager une histoire autant que d’écrire l’avenir.

Depuis 200 ans, Genève et la Suisse ont établi ensemble leur prospérité ; Genève et la Suisse ont étendu leur responsabilité et leur solidarité ; Genève et la Suisse ont fait briller le soleil de la liberté.

Pour des millions d’êtres humains dans le monde, Genève et la Suisse, aujourd’hui, sont synonymes de cette liberté, de démocratie, de droits de l’homme. Genève et la Suisse sont synonymes de paix.

Merci, du fond du cœur, à Genève de permettre aux citoyens du monde d’avoir envie de se sentir… Genevois.

«Merci à Genève de permettre aux citoyens du monde d’avoir envie de se sentir Genevois»