La parole font foi!

Monsieur le Président de l'Union des Communes Vaudoises,
Monsieur le Président du Conseil d'Etat,
Mesdames et Messieurs les Syndics
Mesdames, Messieurs les invités,
Chers amis.

"La vie au Conseil fédéral est un enfer"

C'est ce que je crois comprendre - parfois ! - en lisant la presse. En fait, je vous rassure : c'est supportable. Mais pas toujours simple. Les gens imaginent qu'un conseiller fédéral va faire le bien, qu'il va agir raisonnablement. Et c'est là le problème : car, une fois élus au Conseil fédéral, vous perdez ce sentiment.

Il vous arrive même de soupçonner que tout ce que vous faites n'est pas réfléchi, est seulement tactique, voire faux….

Et pourtant !

Hier, j'étais à Hanovre pour représenter le Conseil fédéral au match Suisse-Corée du Sud. Et c'était le paradis…Pour vous aussi, j'espère !

Je suis très heureux d'être parmi vous. Merci pour cet accueil si chaleureux. Permettez que je vous apporte à tous le salut très cordial du Conseil fédéral. Permettez aussi à l'ancien syndic de Rüti bei Büren de saluer ses collègues vaudois.

Je le fais d'autant plus volontiers que j'ai constaté que le découpage de votre canton en 19 districts était inspiré du système bernois, des baillis de Berne. Et qu'il datait de…1803 (mille huit cent trois)

Votre Grand Conseil vient de décider de modifier ce découpage. Ou bien ce découpage était vraiment excellent. Ou alors vous êtes restés un peu… bernois.

( Plaisanterie mise à part, je constate que le canton de Berne veut faire la même chose. Nous voterons en septembre à ce propos)

Je suis heureux d'être ici, mais aussi très fier. Très fier de m'exprimer
devant les élus des communes vaudoises et dans le village natal du général Guisan.
Avec, en commun, un seul but : l'intérêt général. Servir l'intérêt général est pour moi l'une des tâches les plus nobles.

Aussi je tiens à vous dire ma profonde gratitude pour votre engagement de tous les jours au service de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Au service de l'intérêt général !

Et je partage le point du vue du journal 24 Heures. Dans son édition du 20 mai dernier, ce journal écrivait que le syndic "est l'acteur essentiel de la vie communale vaudoise".

Dans la grande majorité des cas, - surtout lorsque tout va bien - votre travail s'effectue dans la discrétion. Loin des micros et des caméras. Ce qui ne veut pas dire que c'est le…paradis tous les jours ! Car vous n'êtes pas des conseillers fédéraux. Ou pas encore !

* * *

Mesdames, Messieurs,

Votre mandat est noble. Et difficile. Les deux choses sont certainement liées.

L'exercice de votre mandat au quotidien, vos relations avec vos collègues, avec le canton, avec la Confédération, tout cela vous amène parfois à vous poser des questions.

Par exemple, celle de savoir "qui fait quoi ?".

Cette question est souvent formulée autrement et on demandera alors : " mais qui paie ?" Ces questions sont importantes dans notre contexte fédéraliste !

Elles évoquent l'attribution des compétences entre les communes, le canton et la Confédération, éventuellement entre d'autres collectivités.

A première vue, la question est simple : qui est le plus apte et pour quelle tâche ? S'il suffisait de répondre à cette question, on parlerait alors d'une banale question technique.

Mais on peut aller un peu plus loin dans la réflexion. On peut ainsi se demander ce que devraient faire la commune, le canton, la Confédération pour rendre la politique plus compréhensible, plus accessible et ainsi renforcer la confiance dans nos institutions ?

De mon expérience, je tire un constat : plus un système politique est stable, mieux il permettra aux citoyens de comprendre les évolutions et les changements auxquels ils sont confrontés.

Et le constat prend toute sa valeur dans un système de démocratie semi-directe comme le nôtre.

* * *

Mesdames, Messieurs,

Cette stabilité dont je vous parle est fondée pour une bonne part sur la confiance. Or, la confiance se nourrit de la proximité. De la proximité avec le citoyen.

J'ai pu encore le vérifier l'année dernière, en rendant visite à tous les cantons dans le cadre de mon année de présidence.

Nous sommes ici au cœur de votre rôle, au cœur du rôle des communes. La commune comme lieu d'expression de la chose publique, la "RES PUBLICA" des Romains.

Nourrir la confiance pour conforter la stabilité.

Et permettre l'action politique, permettre de poser - par exemple - la question de la répartition des compétences, la question des réformes.

* * *

En Pays de Vaud, je n'ai pas besoin de vous faire un dessin. Le système qui permet la plus grande proximité avec le citoyen, c'est le fédéralisme.

Et la Suisse est LE pays du fédéralisme. Le fédéralisme, c'est l'assurance d'une politique décentralisée, proche du citoyen et donc compréhensible.

A ce stade du discours, et comme un bon Vaudois, je dois dire que "je suis déçu en bien par le fédéralisme".

Car le fédéralisme suscite aussi des questions :
Certains diront, par exemple, que fédéralisme rime avec protectionnisme. Il serait ainsi un frein à la concurrence et au libre-marché D'autres y verront avant tout la superposition de plusieurs structures administratives et donc un risque de renchérissement de l'action de la collectivité. "Cela coûte cher".Ou pensez à la concurrence fiscale. Elle suscite des réactions diverses. On sera ainsi tenté de déménager en fonction de motivations - disons- divergentes. Secret fiscal oblige, je ne citerai pas de noms !
Or, Mesdames, Messieurs, si la Suisse est une "success story" (comme on dit à Zurich !), c'est grâce, notamment, à un ordre économique libéral et à une certaine limitation du rôle de l'Etat.

* * *

Mais tout cela n'a pas empêché notre société de changer, d'évoluer. Je parle ici de l'économie, des conditions sociales, de la mobilité, de l'espérance de vie, …

Les habitudes de vie, de consommation, les loisirs, n'ont plus grand-chose en commun avec ce que ce pays a connu, il y a 30, 50 ou 100 ans. Le territoire cantonal, a fortiori celui de la commune, correspondent de moins en moins aux espaces économiques.

Or, depuis 1848, notre système politique, lui, n'a que peu changé. Encore une fois, il faut se réjouir et se féliciter de cette stabilité.

Et pourtant : la réalité nous rattrape et nous condamne à nous interroger.

Depuis Berne, je constate ainsi que Bienne, Neuchâtel, Soleure, Fribourg, Thoune sont à moins d'une heure de Berne. Si la taille de notre capitale fédérale ne m'obligeait pas à une certaine modestie, je dirais que ces localités sont devenues des faubourgs de Berne.

Que nous le voulions ou non, nous vivons désormais sous le règne de l'agglomération. Sur le Plateau, elle s'étend, petit à petit, de Genève à Romanshorn.

On ne dira pas que l'agglomération se moque des frontières communales et cantonales.

Mais plutôt qu'elle en souffre.

Si l'agglomération avait une voix, elle nous dirait peut-être aujourd'hui qu'elle souffre de devoir sans cesse franchir les frontières de notre système fédéraliste.

Je vous rassure tout de suite : il ne s'agit pas, ce matin, de choisir
entre deux systèmes.

Mais il s'agit de réfléchir à cette cohabitation.

Car cette cohabitation n'est pas sans conséquence : ainsi, lorsqu'une collectivité devient trop petite pour remplir une tâche, c'est la collectivité "au-dessus" qui la reprend. Parfois avec le sourire, parfois en traînant les pieds.

Résultats : une centralisation rampante, des flux financiers de plus en plus complexes, des redistributions. Au bout du compte : c'est la transparence qui trinque…Le citoyen s'éloigne, passe à autre chose. Il n'a plus envie de prendre votre place, ici, dans cette salle.

Conséquence : notre système de milice est ainsi menacé !

Nous, Suisses, nous sommes des adeptes, des fans du fédéralisme. Nous voulons des petites structures, nous voulons avoir notre mot à dire.

Dans notre système, les compétences sont partagées entre les différents niveaux étatiques.

On doit alors savoir :
quelles sont les compétences de chaque niveauqui s'occupe de répartir ces compétenceset comment fonctionne la procédure de décision.
Or, aujourd'hui, des considérations géographiques et sociales s'invitent dans la discussion.

Un seul exemple : dès l'année prochaine, avec l'ouverture du tunnel sous le Lötschberg, il sera possible d'habiter en Valais et de venir travailler chaque jour à Berne. Ou le contraire !

Autrement dit : l'évolution de notre société nous force à nous demander comment il est possible de concilier cette évolution avec notre organisation fédéraliste.

Et cette discussion, ce débat, doit avoir lieu en impliquant le citoyen. Qui doit pouvoir être intégré au processus. Qui doit vouloir être impliqué.

Dans ce contexte, les communes jouent - une fois encore ! - un rôle essentiel. D'une part, parce que c'est le premier réceptacle des vœux du citoyen.

D'autre part, parce que les communes, surtout celles qui appartiennent à une agglomération, doivent, à l'avenir, pouvoir davantage faire valoir leur point de vue. Et peu importe la taille de l'agglomération.

Pour cela, l'idéal serait que les communes puissent s'entendre sur un catalogue de priorités.

Les communes ne doivent pas être perçues comme le dernier bastion contre la mondialisation. Elles ont beaucoup mieux à faire, notamment - encore une fois - lorsqu'il s'agit de tenir compte des besoins des agglomérations.

De même, il serait faux de voir dans les fusions la solution-miracle, applicable dans tous les cas et pour résoudre tous les problèmes.

La fusion de communes n'est rien d'autre que la réponse pratique à une série de questions qui, pratiquement, ne peuvent pas être résolues autrement. Rien de plus, rien de moins !

De son côté, la Confédération doit, davantage que jusqu'à présent :
s'engager (en respectant, bien sûr, notre fédéralisme !) et elle doit donner des impulsions.
Et la Confédération peut le faire en établissant des priorités au niveau de ses investissements. Certes, c'est plus vite dit que fait.

Car, vous le savez, établir des priorités, c'est faire des choix, c'est donc aussi renoncer à certaines choses.

Et tenir compte davantage des intérêts des agglomérations ne signifie pas abandonner les régions de montagne, l'espace rural ou les régions frontalières.

La Nouvelle Politique Régionale doit aider ces régions à renforcer leur compétitivité. Mais en favorisant la coopération et la coordination.

Avec les agglomérations, c'est la même chose !

* * *
Mesdames, Messieurs,
Je vous encourage à réfléchir en termes d'agglomération.
Je vous encourage à fixer des priorités, à les faire valoir.

Je vous encourage à prendre des initiatives.
Car, si les communes perdent de leur autonomie en raison de l'attraction des compétences "vers le haut", c'est souvent parce que les initiatives font défaut.

Ainsi, les communes pourront mieux "coller" à la réalité socio-économique tout en conservant leur rôle : celui d'expression primaire de la démocratie, du "gouvernement du peuple". Ainsi, nous pourrons - ensemble ! - maintenir la confiance et la stabilité de notre système politique.
Merci de vous engager et d'y contribuer !

* * *

Mesdames, Messieurs,

Quand on est conseiller fédéral, on a quand même des avantages.
Et même des privilèges…

Par exemple, celui de prendre son petit déjeuner à Hanovre et de boire l'apéro à Mézières.

Le petit déjeuner était….pas mal !

En Pays de Vaud, je ne me fais aucun souci pour l'apéritif !

"Santé et conservation"

Je vous remercie !

Les communes: un rôle essentiel