Tempora mutantur, et nos mutamur in illis.Les temps changent et nous changeons avec eux.

Mesdames et Messieurs,
Le service civil est la meilleure preuve de la véracité de ce truisme qui remonterait à Ovide, le poète latin. Au début des années 1980 encore, tout homme qui ne pouvait pas concilier le service militaire avec sa conscience était condamné sans sursis. De tels hommes furent criminalisés et traités comme des délinquants. Eux-mêmes et leur famille étaient exposés à de fortes tensions. Face à ce problème, la  justice et l’armée étaient impuissantes, car elles devaient appliquer strictement la législation en vigueur. Notre pays était cloué au pilori pour violation des droits de l’homme. 

Les temps ont changé, tout comme nous. Il y a dix ans, le service civil a été créé pour soulager l’armée d’un problème. Nous avons clairement atteint cet objectif: en effet, la création du service civil a fait taire immédiatement tous les reproches exprimés auparavant à l’adresse de l’armée et de la justice militaire. Depuis lors, il n’y a plus jamais eu de condamnation à la suite d’un refus de servir dans l’armée pour motif de conscience.Et celui qui n’effectue pas de service militaire pour des raisons de conscience n’est plus traité de lâche, de criminel ou de tire-au-flanc. Le service civil est accepté et son modèle d’exécution est réputé judicieux et utile.  Une obligation étatique de servir doit cependant s’orienter sur des besoins clairs de la société civile.

Voilà pourquoi, en 2004, nous avons conféré au service civil ses propres objectifs d’efficacité. Le service civil doit contribuer à:

renforcer la cohésion sociale et, en particulier, améliorer la situation des personnes ayant besoin d’aide, d’appui ou de soins,
édifier des structures aptes à garantir la paix et à réduire le potentiel de violence,
protéger et sauvegarder les bases naturelles de la vie et favoriser le développement durable
sauvegarder le patrimoine culturel et
fournir des contributions dans le cadre du système national de coopération en matière de sécurité.

Toutes ces consignes font du service civil un instrument important pour combler certaines des lacunes existant dans le tissu social et écologique de notre pays. Là où, aujourd’hui, l’individualisme et l’hédonisme constituent des atouts, le service civil propage un contre-modèle. Nous misons sur une solidarité active, un sens communautaire vécu et un encouragement altruiste des intérêts publics. Accomplir un service civil est une démarche qui a un sens. Des jeunes en sont convaincus.

Il est un fait qu’il ne faut pas oublier: n’effectue un service civil que celui qui le veut. Personne n’est obligé d’accomplir un service civil, car il existe aussi aujourd’hui (malheureusement) d’autres manières d’échapper au service militaire. Voilà pourquoi j’éprouve un grand respect pour ceux qui choisissent la voie du service civil – qui n’est pas toujours facile  – et qui accomplissent ainsi leur obligation de servir.

Au cours de ces dix dernières années, il y a eu plus de 17’000 demandes d’admission au service civil et plus de 15’000 d’entre elles ont été acceptées. A ce jour, les personnes en service ont accompli 2.25 millions de jours de service civil. Elles ont à leur disposition plus de 5’000 postes dans plus de 1’500 établissements d’affectation. Cet été, par exemple, plus de 1’500 civilistes étaient simultanément en service. 70 pour cent de leurs affectations sont accomplies dans le domaine de la santé ou le domaine social.

Vous voyez donc, Mesdames et Messieurs, que nos civilistes ne sont pas des tire-au-flanc! Ils soignent des personnes âgées, accompagnent des handicapés, déblaient les gravats après les intempéries, bâtissent des murs secs ou aident à la reforestation de forêts de  protection. Au cours de son service, le civiliste découvre d’autres couches de la société civile, côtoie d’autres classes d’âge, d’autres groupes de professions et d’autres régions de notre pays. Il apprend à connaître les problèmes auxquels d’autres doivent faire face et il est à leurs côtés pour les aider à les résoudre. Dans l’exercice de ses fonctions, il acquiert ainsi de nouvelles compétences sociales et professionnelles.
A l’instar du service militaire, le service civil est donc, lui aussi, une école pour la vie. Je souhaite que ce que le civiliste a appris à cette école de vie ait des effets durables et qu’il en soit imprégné pendant longtemps. Voilà aussi pourquoi nous devons relever un défi: aménager l’exécution du service civil de telle manière que des expériences positives soient possibles.

Certes, l’employeur devra s’accommoder de l’absence de son employé pendant un service civil qui dure une fois et demi le temps d’une astreinte au service militaire. Mais en fin de compte, il en profitera aussi, car le civiliste apportera de nouvelles compétences à son poste de travail. Bien sûr, ce sont les établissements d’affectation et leur catégorie de clients, par exemple les personnes âgées ou handicapées, qui retireront le plus grand bénéfice du service civil. Grâce aux civilistes, les établissements d’affectation peuvent fournir des prestations nécessaires qui ne pourraient être financées sinon. C’est ainsi que le service civil engendre une situation où tous les participants sont gagnants.

Le service civil n’a que dix ans. Il peut encore se développer. Je vois les options suivantes:

L’amélioration et l’intensification de la formation de base spécifique à l’affectation des civilistes. Cela augmente le profit des affectations.
Le développement des programmes prioritaires. Cela focalise l’efficacité du service civil.
L’édification de partenariats stratégiques dans le domaine de l’environnement. Cela nous permet de réduire les risques de dégâts liés aux intempéries.
L’élucidation de la collaboration avec les institutions de la politique de sécurité dans le domaine de la garantie de l’existence. Cela permet d’améliorer les prestations d’aide après la survenue d’événements particuliers.

Par ailleurs, nous devrions vérifier de manière critique la procédure d’admission. Ce n’est pas seulement le souhait du Parlement mais aussi une tâche permanente de l’Etat. Car il ne peut être de l’intérêt de l’Etat que de jeunes citoyens qui veulent s’engager soient écartés de cet engagement.

Je ne veux pas dire par-là que la procédure en vigueur est erronée et devrait être complètement remaniée. Cela ne fait certainement pas de mal au développement personnel d’une jeune personne de réfléchir à son propre sujet, à son attitude morale fondamentale et à sa relation à l’Etat et à la société civile. Le discernement qu’elle aura acquis ainsi la renforcera dans son engagement ultérieur.

Mesdames et Messieurs, nous jetons aujourd’hui un coup d’œil rétrospectif sur dix ans de travail d’édification et d’exécution du service civil. Ce furent dix années intenses et couronnées de succès. Je remercie vivement tous ceux qui y ont participé. C’est avec satisfaction que je constate que nous avons atteint les objectifs visés. Il n’y a eu aucun accident à déplorer et aucune manchette de presse négative qui nous aurait contrariés. Cette réussite des civilistes est le mérite de beaucoup de personnes. Seul l’effet conjoint d’une multitude de partenaires privés et publics l’a rendue possible: les requérants et  les civilistes admis, leurs employeurs, leur environnement privé et un grand nombre d’établissements d’affectation reconnus. Mais ce mérite revient aussi à l’Organe d’exécution du service civil, à d’autres services fédéraux ainsi qu’à deux commissions extraparlementaires – la Commission d’admission et la Commission consultative de reconnaissance. Tous ces milieux ont contribué à tisser un vaste réseau. Nous pouvons en être fiers. Et – pour paraphraser Ovide – nous aborderons avec confiance les futurs défis à relever car, comme les temps changent, nous changerons aussi.
Au début du service civil, il y avait des actes de refus de servir. Nous savons aujourd’hui que les civilistes ne sont pas des hommes qui ne veulent pas servir. En effet:

Ils s’engagent en tant que prestataires sociaux et écologiques.
Ils vivent la solidarité.
Ils s’engagent en faveur d’autrui et de notre environnement.
Ils font preuve d’un sens de la communauté vécu de manière durable qui devrait nous servir d’exemple à tous.

Je vous remercie tous pour l’immense tâche qui a été accomplie. Je remercie tout particulièrement les collaboratices et les collaborateurs du Zivi ainsi que M. Werenfels. Je remercie également les membres de la commission, Mme Monika Bürge-Leu et M. Hans-Ulrich Bigler. Permettez-moi encore de vous exhorter: aidez-nous dans ce même esprit d’ouverture à faire en sorte que le service civil s’adapte aux besoins changeants de l’avenir!

Seule la version orale fait foi !

Le service civil: d’une nécessité à une histoire Win-Win