Chères concitoyennes, chers concitoyens,

Nous vivons dans un pays prospère et magnifique, et il serait dommage de ne pas en être fiers!

Saisissons l’occasion que nous offre la fête nationale pour nous pencher sur les origines de notre prospérité. Passons donc en revue les
atouts caractéristiques de notre pays. Nous pourrions citer l’égalité des chances, une économie orientée vers les performances, de bonnes infrastructures, le respect de l’environnement, une charge fiscale peu élevée, l’application du frein à l’endettement, un réseau social efficace et un marché du travail flexible.

En veillant à entretenir ces atouts, nous faisons déjà beaucoup pour la préservation de notre prospérité. Pensons à appliquer ce principe lors de la prochaine votation populaire, c’est-à-dire :

En étendant la libre circulation des personnes, nous nous assurerons un accès aux marchés en expansion.

Notre réussite découle directement, j’en suis convaincu, de nos conditions-cadres. D’où vient dès lors cette impression que la Suisse se trouve dans une impasse? D’où vient ce sentiment d’avoir perdu notre capacité à aller de l’avant, notre sens de l’unité nationale? La réponse à ces questions se trouve dans les facteurs immatériels que sont nos valeurs communes. A eux seuls, nos atouts ne suffisent pas à garantir notre prospérité. Le succès exige encore autre chose.

Notre pays est devenu grand grâce à des valeurs telles que la
paix sociale, le travail bénévole et honorifique, la culture de la concertation, la diversité des opinions, la capacité d’action de ses autorités, le respect de l’autre et le patriotisme. Sans ces valeurs, ciment de notre société, nos atouts finiront par s’étioler avec le temps.

Il est vrai que le
travail bénévole et honorifique ainsi que le système de milice restent très répandus. Notre
paix sociale se maintient elle aussi. Les partenaires sociaux règlent leurs problèmes à la table des négociations et non dans la rue, même s’il existe des têtes brûlées qui préfèrent la grève à la paix du travail et des individus à courte vue qui négligent leur responsabilité entrepreneuriale.

Pourtant, plusieurs de nos valeurs ont perdu de leur substance. On assiste ainsi à une diabolisation de notre
culture de la concertation. Il en résulte de nombreux blocages. C’est pourquoi j’invite tous les partis politiques à s’appuyer sur des positions claires pour mieux s’ouvrir au compromis. Car faire avancer les réformes me paraît plus important que de trouver le bon slogan. N’allez toutefois pas croire que je vous encourage à céder aux mauvais compromis.

Par ailleurs, j’observe que la
diversité des opinions est un principe de plus en plus méprisé au sein des partis. Celles et ceux qui s’écartent de la ligne officielle sont voués aux gémonies. Souvent, les médias encensent les partis qui contraignent leurs membres à suivre la ligne prescrite. Ils oublient que l’esprit d’innovation ne peut se développer pleinement que dans un environnement propice à la confrontation des idées. Pensons ici à la création de notre Etat fédéral. C’est dans un contexte extrêmement mouvementé, qui a favorisé la créativité, que celui-ci a vu le jour.

Notre pays est réputé pour sa grande stabilité. Pourtant, notre société, malgré sa diversité et ses contradictions, est soumise à de nombreuses forces centrifuges. Pour fonctionner, la démocratie directe doit intégrer dans les gouvernements de chaque échelon tous les partis à même de lancer un référendum. Les
autorités doivent pouvoir prendre des décisions à même de rallier une majorité. Mais attiser la mauvaise humeur face à l’Etat, manipuler l’opinion à l’aide de semi-vérités, rechercher obsessionnellement ce qui ne va pas pour diffamer les autorités ne font guère progresser les choses. La Suisse n’est pas un pays de révoltes et de conflits, mais un pays qui concentre ses efforts dans la poursuite d’un objectif commun. Est-ce donc un pur hasard si les gouvernements, les parlements et les tribunaux, tout comme les associations économiques ou les syndicats sont, depuis quelque temps, présentés par certains comme une bande d’incapables? Je crains fort que les diffamations n’aient pour autres objectifs que de saper notre culture de l’équilibre et de la solidarité, de mettre au rancart notre tradition du compromis et de mettre fin à notre pratique de la tolérance. L’insécurité grandissante et le blocage politique sont les signes indéniables que nous sommes en train de perdre quelque chose. Aujourd’hui, la devise n'est plus „la liberté au sein de l'Etat“, mais „la liberté en lieu et place de l'Etat“. Je m’oppose fermement à cette dérive. Diaboliser l'Etat ne sert à rien; ce qu’il faut, c’est en garder la maîtrise.

Les voix divergentes, en particulier celles de nos minorités, doivent être écoutées avec
respect. Grâce au fédéralisme, les minorités peuvent aménager leur environnement et cultiver ainsi leur identité. Mais une cohabitation pacifique et respectueuse n’est jamais définitivement acquise. Les efforts fournis pour rapprocher les cultures doivent sans cesse être renouvelés.

C’est pourquoi j’estime que le
patriotisme constitue, aujourd’hui plus que jamais, une source de cohésion nationale. Le patriotisme est une vertu dont aucun mouvement politique n’a le monopole.

J’en viens à la conclusion :

La paix sociale, le travail bénévole, la culture de la concertation, la diversité des opinions, la capacité d’action des autorités, le respect de l’autre et le patriotisme ne sont pas des notions vides de sens, mais bien les fondations de notre société. Des fondations garantes d’une Suisse qui se distingue par son intelligence, sa croissance, son équilibre et son ouverture. Nous voulons vivre dans un pays moderne, un pays dont nous pourrons continuer d’être fiers.

Je vous souhaite à tous une excellente fête nationale.

Réflexion sur le secret de la réussite suisse