Mesdames, Messieurs,

1. Pourquoi les contrefaçons et les copies pirates sont-elles un problème?

La contrefaçon et le piratage font toujours plus souvent la une de l'actualité. Mais pourquoi faire tant de bruit autour de ce phénomène vous demanderez-vous? N'y a-t-il pas de problèmes plus graves que les copies illicites de sacs à main et de montres de luxe? Les grandes marques ne gagnent-elles pas déjà suffisamment d'argent? Malheureusement, la situation n'est pas aussi simple et les conséquences de ce phénomène sont loin d'être anodines. Nous sommes tous concernés par la contrefaçon et le piratage. Les répercussions dommageables sont diverses et restent encore largement méconnues.

Permettez-moi de prendre un exemple pour illustrer mes propos. En février de cette année, l'Union européenne et les autorités douanières américaines ont annoncé la saisie de 360 000 puces électroniques contrefaites de plus de 40 marques. Ces imitations ne respectent pas les normes de fabrication des circuits intégrés originaux et n'offrent pas non plus les mêmes garanties de qualité, ce qui explique qu'elles présentent un pourcentage de défaillances plus élevé. De nombreuses pièces se révèlent défaillantes dès l'installation, d'autres après plusieurs mois seulement. L'utilisation de puces contrefaites cause des pertes d'emplois, d'équipements et de productivité. Un grand nombre de personnes et d'organisations sont en effet tributaires d'un matériel informatique qui fonctionne sans failles.

Mais ce n'est pas tout: si l'on pense à tous les secteurs d'activité dans lesquels ces puces contrefaites sont employées, on prend véritablement la mesure des risques encourus. Ces pièces se retrouvent en effet dans des avions, des véhicules et des appareils médicaux.

2. Quelle est l'ampleur du problème?

L'exemple des puces électroniques le prouve : la contrefaçon ne se limite plus depuis longtemps aux produits de luxe, mais concerne tous les biens sans exception. Freins de voitures, photographies, jouets pour enfants, chocolat, moyens de contraception, outils, brosses à dents - aucune marchandise n'y échappe. Le négoce de la contrefaçon et du piratage enregistre de forts taux de croissance à travers le monde. Quant aux contrefacteurs, ils augmentent et diversifient sans cesse leur production, mettant de plus en plus l'accent sur des produits essentiels en termes de sécurité. Ce ne sont plus seulement les grandes multinationales qui font les frais de ce fléau. Un nombre croissant de PME et d'artistes novateurs, dont la propriété intellectuelle constitue le principal capital, doivent aussi en subir les conséquences. Sans parler des consommateurs !

Les chiffres témoignent de la gravité du problème.

Il ressort d'un rapport publié par l'OCDE en 2007 que la contrefaçon et le piratage génèrent un chiffre d'affaire de 200 milliards de dollars à travers le monde, soit environ la moitié du produit intérieur brut de la Suisse. Et ce montant ne comprend ni le commerce en Suisse ni les transactions opérées via internet.
Selon une estimation de l'OMS datant de 2006, 50% des médicaments vendus sur internet sont des contrefaçons.
Une grande partie des traitements contre le paludisme qui sont en circulation en Afrique de l'Est sont contrefaits et, de surcroît, inefficaces. C'est ce qu'a rapporté l'agence de presse rwandaise en 2008. Des achats tests ont révélé que 35% des médicaments ne contiennent pas suffisamment de substances actives pour combattre efficacement la malaria ou ne se dissolvent pas de manière suffisamment rapide dans le corps humain.

Bien entendu, il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg. Ces chiffres ne rendent compte que de ce qui est mesurable et connu. Si les chiffres réels ne peuvent faire l'objet que de conjectures, les raisons qui ont permis à ce négoce parallèle de prendre un tel essor peuvent en revanche être clairement identifiées.

3. Pourquoi le phénomène a-t-il pris une telle ampleur?

Quelles sont les raisons qui ont permis à la contrefaçon et au piratage de connaître un tel développement?

Il est plus facile aujourd'hui de produire des contrefaçons. Les supports électroniques permettent désormais de copier en un tournemain des images et des textes protégés par le droit d'auteur - à moindre frais et sans perte de qualité.
L'écoulement des marchandises contrefaites est devenu lui aussi plus aisé. Tout d'abord, parce que les acheteurs sont plus facilement accessibles sur un marché mondialisé. Ensuite, parce que l'internet s'est établi comme un canal de distribution idéal pour les contrefacteurs et les pirates. Tout un chacun peut commander de chez lui des copies pirates de produits et se les faire livrer en toute commodité à son domicile.
La contrefaçon est un commerce très profitable. En 2002, les services français chargés de la lutte contre les contrefaçons estimaient que ce marché parallèle générait un chiffre d'affaires comparable à celui du trafic de drogue.
Les risques pour les contrefacteurs sont faibles. Les producteurs de marchandises contrefaites sont rarement interpellés et lorsqu'ils le sont, ils n'encourent aujourd'hui encore que de faibles peines, car les atteintes à la propriété intellectuelle restent considérées par beaucoup comme des infractions mineures.

4. Le rôle du crime organise

Compte tenu de ce rapport coût / utilité, il n'est guère étonnant que le marché de la contrefaçon soit devenu le terrain d'action privilégié du crime organisé. Le trafic de stupéfiants, les réseaux de prostitution et désormais aussi la contrefaçon et le piratage sont souvent aux mains des mêmes réseaux.

Les contrefacteurs et les pirates agissent dans l'ombre, au mépris des lois. Comme ils ne sont pas connus, personne ne peut leur demander des comptes. Pour faire fructifier leur activité, ils bénéficient d'un important avantage concurrentiel, car ils ne dépensent pas un centime pour la recherche et le développement, le respect des normes de sécurité ou le paiement des impôts et des charges sociales. Ils profitent des investissements des autres, aux dépens de la collectivité.

Ces pratiques ont des conséquences concrètes, dont je ne mentionnerai que quelques exemples:

les lunettes de soleil contrefaites ne filtrent pas les rayons UV;
les copies de jouets de marque contiennent des peintures toxiques;
les pièces de rechange contrefaites pour voitures n'assurent pas une sécurité suffisante;
on retrouve du savon dans de l'huile d'olive frelatée;
des cosmétiques de contrefaçon provoquent des allergies faute de tests dermatologiques préalables;
des copies de montres contiennent des matériaux radioactifs;
des appareils électroménagers contrefaits causent des incendies.

5. Nécessité d'agir en Suisse

Le piratage et la contrefaçon n'épargnent pas la Suisse:

Des pièces de rechange pour véhicules et avions, des médicaments et des aliments contrefaits menacent la santé et la sécurité des consommateurs suisses. En février 2008, par exemple, l'institut Swissmedic a annoncé qu'il avait pu empêcher la commercialisation en Suisse d'un produit d'amaigrissement fabriqué en Chine. La préparation, qui était trop fortement dosée, a été jugée clairement dangereuse pour la santé.
Les Suisses font des achats sur internet où sont proposées des marchandises illicites.
Pendant leurs vacances, les touristes suisses font l'emplette de souvenirs contrefaits.
Leur grand sens de l'innovation et leur créativité font des entreprises et des artistes la cible fréquente des contrefacteurs et des pirates.
La qualité et la fiabilité associées à notre pays attirent un grand nombre de contrefacteurs

6. L'engagement de la Suisse

Il est évident que le Conseil fédéral et le Parlement ne peuvent pas rester les bras croisés face à la recrudescence du piratage et de la contrefaçon.

Ensemble,

ils créent le cadre normatif pour lutter efficacement contre les copies illicites et les imitations;
ils font en sorte que les consommateurs suisses se sentent en sécurité;
ils encouragent la coopération et la coordination des activités entre le secteur public et privé. La plate-forme suisse de lutte contre le piratage et la contrefaçon « STOP A LA PIRATERIE », qui a été créée sous la houlette de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle et d'ICC Switzerland, est un exemple d'initiative commune du secteur public et privé.

Malgré les efforts déployés, nous n'avons pas encore gagné la bataille. Le négoce de la contrefaçon pourrait être comparé à une hydre : dès qu'on lui coupe une tête, une nouvelle repousse aussitôt. C'est pourquoi nous devons tous unir nos forces: le Parlement, le Conseil fédéral et les unités administratives, mais aussi les entreprises et les consommateurs suisses doivent poursuivre le même objectif. Ce n'est qu'à cette condition que nous aurons une chance de combattre efficacement le piratage et la contrefaçon.

La Suisse déclare la guerre au piratage et à la contrefaçon