Mesdames, Messieurs,

Les raisons d'investir en Suisse sont nombreuses. Outre ses excellentes infrastructures, sa fiscalité modérée, la clarté de sa législation et l'accessibilité de ses autorités, les investisseurs mentionnent aussi son ouverture internationale, le niveau élevé de formation et les compétences linguistiques de ses habitants, sans oublier sa qualité de vie et son secret bancaire, qui a à nouveau suscité de nombreuses discussions ces derniers temps1 . En somme, chez nous, tout est beau et tout - ou presque - fonctionne à la perfection. Tous ces avantages ont attiré et continuent d'attirer de nombreuses personnalités : je pense à Thomas Mann, Tina Turner, Michael Schumacher ou encore à Boris Becker, qui a choisi d'installer en Suisse le siège de sa SàRL. Et peut-on imaginer aujourd'hui une superproduction bollywoodienne qui n'ait pas pour toile de fond nos montagnes - n'ayant pas peur des lieux communs - somptueuses ?

L'attrait que la Suisse exerce sur les investisseurs comme sur de nombreuses personnalités se traduit par davantage de places de travail et de prospérité pour nos concitoyens. Cette situation résulte en grande partie du fédéralisme dynamique que pratique notre pays et qui crée des conditions favorables aussi bien pour les individus que pour l'économie. Vous l'aurez certainement compris, cette affirmation constitue le message central de mon allocution.

Vous le savez bien. Je suis imprégnée de notre culture fédérale. Mon parcours de vie politique démontre d'ailleurs que je ne me contente pas d'une simple approche technique du fédéralisme. Pour moi, le fédéralisme n'est pas une réponse institutionnelle à des questions que nous devons chaque jour trancher. A mes yeux, le fédéralisme est plutôt un reflexe spontané qui guide ma réflexion et mon action politique. Lors du référendum contre le paquet fiscal, j'ai pu mesurer à quel point cette réalité culturelle était ancrée dans toute la population suisse. J'ai constaté une fois de plus que le fédéralisme était intimement lié à l'identité de la Suisse. J'ai également compris que les cantons ont plus que jamais une responsabilité importante dans la conduite des affaires de notre pays. Dans un état de droit aussi moderne que le nôtre, dans une démocratie libérale si développée, il n'y a pas de pouvoir sans responsabilité. Le poids des responsabilités pèse désormais plus lourd sur les épaules des cantons. Les collaborations qu'ils développent avec la Confédération doivent donc être bien plus conséquentes. Dans la mise en œuvre d'un compromis fédéral, j'estime qu'ils doivent être irréprochables. Il en va de l'avenir de notre modèle fédéral.

Baden est un lieu idéal pour débattre du fédéralisme et de son effet dynamisant. A l'instar d'autres villes argoviennes, elle a su préserver au fil du temps son influence dans le canton et faire en sorte d'être reconnue comme le siège d'institutions importantes. Cette région est ainsi un haut lieu du fédéralisme et nous offre un cadre des plus appropriés pour aborder la vaste question qui nous occupe aujourd'hui.

I. Les fonctions du fédéralisme

Pour commencer, penchons-nous de plus près sur l'essence du fédéralisme. Avec la démocratie, les droits fondamentaux et l'Etat de droit, il est l'un des quatre piliers fondateurs de notre Etat. Certes, mais pour quelle raison ? Et pourquoi ce système est-il si important pour la Suisse ? La réponse tient dans les cinq fonctions principales que remplit le fédéralisme.

Premièrement, il protège l'identité des minorités régionales et linguistiques en leur permettant de façonner leur cadre de vie de manière à préserver leurs particularités. Les différences régionales se reflètent jusque dans nos habitudes culinaires. Une enquête réalisée par l'institut Link, spécialisé dans les études de marché, a révélé qu'en la matière, certains clichés sont aujourd'hui dépassés : le « Röstigraben » n'est plus d'actualité, Romands et Alémaniques étant tout aussi friands de ce plat traditionnel. C'est désormais la soupe qui trace une ligne de démarcation entre cantons latins et alémaniques : les Suisses allemands ne sont que 17% à intégrer la soupe dans leur repas du soir, contre 26% de Romands et 37% de Tessinois2.

Dans cette mosaïque de spécificités locales et régionales que l'on appelle la « Suisse », c'est le système fédéraliste qui permet aux communautés régionales et linguistiques de sauvegarder leur identité. C'est donc à ce système que nous devons la stabilité politique et sociale qui caractérise notre pays et qui représente aussi probablement son principal avantage en comparaison internationale.
La deuxième fonction essentielle du fédéralisme est d'assurer une séparation verticale des pouvoirs. En Suisse, le pouvoir est réparti entre la Confédération, les 26 cantons et les plus de 2700 communes que compte le pays. D'un côté, le fédéralisme limite le pouvoir de l'autorité centrale. De l'autre, il circonscrit aussi le pouvoir des autorités locales, qui sont soumises, dans une certaine mesure, au contrôle du pouvoir central. En cas de problème avec une autorité locale, un citoyen peut s'adresser aux autorités cantonales et remonter jusqu'aux tribunaux fédéraux. Cette structure permet de parer dans une large mesure au problème de l'enchevêtrement des compétences que l'exiguïté du territoire peut entraîner. Le fédéralisme instaure un mécanisme perfectionné de « checks and balances », de poids et contrepoids, entre la Confédération, les cantons et les communes. Il renforce ainsi l'Etat de droit et la sécurité juridique, deux aspects primordiaux pour toute personne qui envisage de venir s'établir en Suisse.
Cette séparation rapproche le pouvoir des citoyens. Instrument de cette proximité, le fédéralisme remplit sa troisième fonction essentielle en favorisant l'un des principes éprouvés de notre Etat, à savoir le système de milice. Si ce système a fait a fait la preuve de son utilité, il exige des ressources humaines considérables de l'ordre de 150 000 personnes. Alors que les exigences requises pour ces fonctions n'ont cessé de croître, le prestige social qui leur est associé n'a cessé de décliner. A Zurich par exemple, deux tiers des communes ont du mal à trouver suffisamment de candidats pour occuper des fonctions électives et siéger dans des commissions. Pour préserver le fédéralisme et le système de milice, nous devons renforcer l'image des autorités et non la ternir. Si, au lieu de cela, nous privilégions des discours qui divisent les citoyens entre ceux qui occupent une fonction officielle et les autres, que nous pointons du doigt une classe politique qu'il s'agirait de combattre, nous ne ferons que porter atteinte aux valeurs qui ont fait le succès de la Suisse, à notre culture politique et, en définitive, à la stabilité de notre pays, qui rappelons-le, est un facteur clé de notre réussite politique et économique. Pour prospérer, un Etat fédéral comme la Suisse doit impérativement privilégier une politique qui conçoit le consensus, y compris sous la forme de compromis, non comme un signe de faiblesse, mais comme une expression de force.
Le fédéralisme remplit une quatrième fonction essentielle en favorisant l'efficience. Les organisations décentralisées peuvent réagir avec plus de rapidité et de précision à des situations nouvelles que les structures centralisées, lesquelles, on le sait, prennent souvent des mesures qui ne répondent pas à des besoins avérés. Dans un système fédéraliste, la recherche de solutions se fait au plus près du citoyen, ce qui permet de contrôler plus efficacement la politique, mais aussi les finances publiques. C'est à cette efficience que nous devons, par exemple, nos excellentes infrastructures, adaptées à nos spécificités locales. Sans elles, notre pays serait nettement moins compétitif.
Enfin, le fédéralisme remplit une cinquième fonction essentielle, qui est de favoriser la concurrence entre les cantons, source de créativité et d'innovation. C'est à cet esprit de compétition et non à la sagesse politique que nous devons, notamment, notre faible charge fiscale. Une fiscalité modérée est un atout précieux, car elle nous permet d'explorer les limites de ce qui est possible et acceptable et nous donne ainsi la possibilité d'apprécier toute la marge d'action dont nous disposons. Notre Constitution fédérale et la législation qui en découle instaurent les garde-fous permettant d'éviter tout débordement.

Comme vous pouvez le constater, la concurrence, l'efficience, la proximité avec les citoyens, la séparation des pouvoirs et la protection des minorités sont autant de caractéristiques qui constituent l'essence même du fédéralisme et contribuent à rendre la Suisse attrayante pour les individus comme pour les entreprises. Le fédéralisme est le garant de la stabilité politique et sociale de notre pays. Il renforce l'Etat de droit et la sécurité juridique et favorise une affectation judicieuse des ressources publiques. C'est à lui aussi que nous devons la structure relativement simple de nos autorités et nos administrations de proximité, notre faible taux d'imposition et la qualité de nos infrastructures. Il ne fait donc pas le moindre doute que le fédéralisme confère un avantage compétitif.

Cette situation ne passe pas inaperçue à l'étranger. Les Etats membres de l'UE eux-mêmes reconnaissent peu à peu les avantages du principe de subsidiarité et de la décentralisation. Pour la chancelière Angela Merkel par exemple, Bruxelles pourrait abroger un grand nombre de directives européennes et rendre des compétences aux Etats. L'ancien ministre-président du Bade-Wurtemberg, Erwin Teufel, demande que toute personne qui entend déléguer une tâche à un échelon supérieur apporte la preuve de l'utilité de la mesure. On observe aussi une tendance au fédéralisme en Espagne, en Italie et en Grande-Bretagne.

Même un pays très centralisé comme la France reconnait les vertus du fédéralisme. Depuis la Suisse, nous avons en effet trop souvent tendance à penser que le fédéralisme serait un corps étranger dans la culture de nos amis français. Je n'ai pour ma part jamais partagé cette approche. Je me souviens d'ailleurs que le général de Gaulle avait lancé un référendum en 1969 pour la création des régions. A l'époque, les Français n'ont pas suivi cette idée. Néanmoins, au début des années 80, ils se sont finalement décidés à engager une politique de décentralisation très active. A cette époque, la France a créé 22 régions dotées d'institutions politiques élues depuis lors tous les cinq ans au suffrage universel. J'observe d'ailleurs que depuis ces importantes réformes, de très intéressants débats se déroulent dans l'hexagone autour de l'avenir des régions. Ces débats sont d'autre part relayés par l'Union européenne. L'UE investit en effet beaucoup de moyens afin de développer ce qu'elle nomme (parfois un peu trop techniquement à mon goût...) des « bassins régionaux ». Je pense notamment à l'Alsace ou au Val d'Aoste, deux régions que nous connaissons bien. Deux régions qui se caractérisent par une activité économique très dynamique et une histoire qui transcende les frontières nationales.

Bref, même des constructions institutionnelles que nous jugeons souvent comme extrêmement centralisatrices, telles que la France ou l'Union européenne, démontrent qu'elles sont séduites par les avantages qu'offre le fédéralisme aux citoyens.

II. Les avantages du fédéralisme pour les individus

Intéressons-nous à présent aux avantages que présente le système fédéraliste pour les habitantes et les habitants de notre pays.
Le premier de ces avantages est le principe de subsidiarité. Ce terme aux consonances théoriques et technocratiques n'en a pas moins une substance concrète. Les décisions qui concernent les citoyens à l'échelle locale sont prises au niveau local. Les prestations dispensées par les diverses administrations sont facilement accessibles à la population. Les autorités locales possèdent les compétences requises pour répondre au mieux aux attentes des citoyens. Quant à la population, elle peut exercer une influence notable sur son environnement direct. Elle peut par exemple approuver ou refuser la construction d'une piscine. Cela peut sembler anodin d'un point de vue politique, mais ce pouvoir compte pour beaucoup dans la qualité de vie. La population peut aussi se prononcer sur l'affectation des recettes fiscales. Les citoyens ont ainsi davantage conscience de la nécessité que chacun apporte sa contribution financière pour assurer le bon fonctionnement du système dans son ensemble.

Vu la taille relativement modeste des communes et des cantons, un individu peut y exercer une influence considérable. A l'échelle de la Suisse, je ne représente peut-être qu'une votante sur cinq millions, mais dans ma commune de Felsberg, je suis une votante sur 1500. Grâce à la démocratie directe, nous pouvons tous autant que nous sommes intervenir directement dans la vie politique. A Berne, par exemple, il suffit de réunir 5000 signatures pour déposer une initiative. Il n'existe pas beaucoup d'autre pays dans le monde qui donnent un tel pouvoir à chaque citoyen.

Naturellement, la décentralisation a aussi ses inconvénients : certains cantons doivent faire face à des coûts élevés en raison du grand nombre de communes qui constituent leur territoire ; la recherche de candidats pour occuper certaines fonctions publiques est parfois une tâche ardue ; l'affectation des ressources ne répond pas toujours aux critères de l'efficience et la qualité des prestations fournies en faveur de la population n'est pas toujours optimale. C'est pourquoi nous devons rechercher, dans tous les cas, la solution la plus appropriée. Passe-t-elle par la fusion de communes ? Faut-il instaurer une collaboration supracantonale, encourager la conclusion de concordats ? Ou alors faut-il préférer une solution fédéraliste ? Quoi qu'il en soit, nous devons privilégier dans tous les cas une politique de proximité, même si, dans certaines situations, celle-ci ne pourra pas s'inscrire dans la seule perspective locale. A cet effet, le fédéralisme remplit une fonction primordiale : seul celui qui connaît son environnement est capable d'édicter des lois adéquates, en phase avec les réalités locales.

La décentralisation présente donc de nombreux avantages, qui sont largement reconnus. Malgré tout, lorsque de nouvelles tâches sont créées, on s'attend - presque par réflexe et au mépris des principes inscrits dans la Constitution - qu'elles relèvent de la compétence de la Confédération. Cela tient sans doute au fait que le système a ses limites, comme l'ont montré les projets sur les chiens dangereux et le hooliganisme. Il arrive aussi que les cantons eux-mêmes penchent pour une solution centralisée. Dans le domaine du placement d'enfants par exemple, ce sont eux qui s'opposent aujourd'hui à la solution essentiellement fédéraliste en vigueur. Une majorité d'entre eux souhaite en effet que la Confédération édicte des normes plus contraignantes pour la délivrance d'autorisations et le placement des enfants. Le Conseil fédéral procèdera à un examen approfondi de l'ordonnance sur le placement d'enfants, même si, selon lui, la solution fédéraliste a fait ses preuves, du moins dans son principe. Paradoxalement, dans certains domaines, il n'est pas rare que les cantons eux-mêmes réclament une démarche moins fédéraliste.

Toujours est-il que le fédéralisme débouche sur une politique de proximité. Bien que ce système ne permette pas toujours d'obtenir les meilleurs résultats, je suis convaincue qu'une mauvaise politique dans laquelle le peuple a une part de responsabilité est préférable à une bonne politique dans laquelle les citoyens n'ont pas leur mot à dire. L'être humain, par nature, préfère parfois faire ses propres expériences et apprendre de ses erreurs plutôt que de se voir imposer des solutions toutes faites.

Dans certains cas, c'est la Confédération elle-même qui donne l'impulsion et favorise l'innovation. Dans les milieux qui s'intéressent au fédéralisme, la politique des agglomérations est un exemple connu. Je pense aussi à la garde d'enfants. Bien que moins médiatisée, cette question est importante, d'une part, pour les individus, car elle leur permet de préserver un équilibre entre travail et vie de famille et, d'autre part, pour les entreprises, qui disposent ainsi d'un plus grand nombre de travailleurs potentiels.

Jusqu'à une époque récente, les crèches qui prenaient en charge les enfants pendant toute la journée et les réfectoires scolaires étaient fréquents dans de nombreuses communes rurales. Les longs trajets scolaires et les rythmes de travail dans le milieu agricole rendaient ces prestations indispensables. Aujourd'hui, de telles prestations sont nécessaires aussi dans les villes. Pourtant, les parents concernés ne s'engagent que rarement pour la création de nouvelles crèches, car ils savent que plusieurs années d'efforts seront nécessaires avant que de nouvelles institutions ne voient le jour et qu'ils ne pourront pas, dès lors, en profiter.

Le programme d'impulsion de la Confédération, qui s'étend sur une durée de huit ans, répond donc a un besoin avéré. Depuis 2003 et jusqu'à 2011 encore, la Confédération verse des aides financières aux crèches et aux réfectoires scolaires afin de créer de nouvelles places d'accueil et permettre ainsi aux parents qui le souhaitent ou qui y sont contraints pour des raisons économiques de concilier plus facilement vie de famille et activité professionnelle ou formation. Le programme ne vise pas, cependant, une centralisation auprès de la Confédération de tâches relevant de la compétence des cantons, des communes et de particuliers. Conformément au principe de subsidiarité, il appartient aux échelons inférieurs, voire aux citoyens, de prendre l'initiative. Actuellement, 80% des offres d'accueil extra-familial sont organisées de manière privée. Ce résultat est un beau succès qui va même au-delà du principe de subsidiarité puisque l'Etat n'a pas besoin d'intervenir lorsque des particuliers peuvent assumer certaines tâches.

Comme nous le montre l'exemple de la garde d'enfants, la Confédération peut, elle aussi, promouvoir l'innovation lorsque la situation l'exige, tout en préservant le principe de subsidiarité. Le fédéralisme donne plusieurs possibilités pour enclencher ce processus.

III. Les avantages du fédéralisme pour l'économie

J'ai mentionné en préambule quelques-uns des avantages qu'un système fédéraliste présente pour les entreprises : il s'agit notamment de l'Etat de droit, de la sécurité juridique, de la stabilité politique, de la qualité des infrastructures, du niveau de formation élevé, de l'accessibilité des administrations, car géographiquement proches des citoyens, et du faible taux d'imposition.

Les statistiques confirment ces avantages. En 2007, la Suisse a enregistré un nombre record de création d'entreprises : elles ne sont pas moins de 36 000 à avoir vu le jour.

La concurrence fiscale est un atout majeur de notre pays. A l'échelle européenne, nous nous situons en effet au troisième rang des pays les plus attrayants, fiscalement parlant, pour les entreprises, juste derrière Chypre et l'Irlande. Cet excellent résultat, nous ne le devons pas seulement à notre taux d'imposition proprement dit, mais aussi à la stabilité actuelle de notre législation fiscale. Nos impôts sont équilibrés et transparents. Simplicité et coopération sont les deux maître-mots qui caractérisent les relations entre les contribuables et les autorités fiscales, un mérite de notre organisation décentralisée.

La deuxième réforme de l'imposition des entreprises, qui a été adoptée en votation populaire le 24 février dernier, va encore consolider la position de la Suisse. L'atténuation de la double imposition économique, qui est au cœur de cette deuxième réforme, accroîtra considérablement la compétitivité de la Suisse en comparaison internationale. En ce qui concerne l'imposition des bénéfices des entreprises, nous n'occupons actuellement que la 28e position sur 30 parmi les pays de l'OCDE. Suite à l'adoption de ce projet, nous devrions faire un bond jusqu'à la huitième place. Il ne faut pas non plus oublier que les PME, qui emploient près de 70% des travailleurs et près de 80% des apprentis en Suisse, sont les principales bénéficiaires de cette deuxième réforme de l'imposition des entreprises.

Pour la mise au point de ce vaste projet, la Confédération s'est appuyée une fois encore sur les expériences faites dans les cantons. Au début de 2001, le canton de Nidwald a instauré, le premier, l'imposition partielle des dividendes. Le succès de la mesure a incité seize autres cantons à modifier leur régime fiscal. Cette année enfin, les conditions étaient réunies pour l'adoption d'une solution à l'échelle nationale, dans l'intérêt de l'économie.

Les avantages dont bénéficient les entreprises sont aussi bénéfiques pour les individus et inversement. Le fédéralisme sert tant l'économie que les citoyens.

IV. Evolution du fédéralisme

Le fédéralisme n'est pas une institution statique. Il n'a cessé d'évoluer au fil du temps pour s'adapter aux nouvelles circonstances. Il s'agit d'un système dynamique, qui, comme je l'ai dit, offre des avantages à la fois aux individus et à l'économie et qui est constamment appelé à relever de nouveaux défis. Les tâches qui relèvent de la seule compétence des cantons sont toujours moins nombreuses et il ne semble guère possible de contrer - ou du moins de freiner - cette tendance.

Il faut néanmoins admettre que dans certains domaines, l'harmonisation est non seulement inévitable, mais aussi préférable pour les citoyennes et les citoyens de notre pays.
Prenons l'exemple de la réforme de la justice, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Elle améliore la protection juridique des individus, puisque désormais, chacun et chacune d'entre nous a le droit de faire juger sa cause par un tribunal. En outre, les futurs codes de procédure pénale et de procédure civile accroîtront l'efficacité du système juridique suisse. Le morcellement du droit de la procédure pénale constitue en effet un obstacle dans la lutte contre la criminalité et oblige les justiciables à se familiariser inutilement avec des régimes cantonaux différents. Le fédéralisme n'implique pas qu'il faille impérativement faire les choses différemment dans chaque canton. Mais de temps à un autre, une solution à l'échelle nationale constitue bel et bien la meilleure option. Et dans ce cas, c'est celle-là qu'il faut privilégier.

Dans d'autres domaines, les cantons doivent rechercher de nouvelles formes de collaboration. Cela concerne, notamment, la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons.

Après quinze ans de travaux intensifs, la mis en œuvre, cette année, de la réforme de la péréquation financière - ou RPT -marque l'entrée en vigueur de la plus vaste réforme du fédéralisme depuis la création de notre Etat fédéral. Simple et facile à piloter, le système de péréquation financière gagne en efficacité et en transparence. La RPT renforce à la fois les cantons et la Confédération. S'ils disposent de nouveaux leviers d'action et d'une plus grande autonomie, les cantons sont aussi tenus de collaborer entre eux. Les disparités entre cantons riches et cantons pauvres s'en trouvent aussi réduites tandis que la solidarité au sein de l'Etat fédéral en ressort renforcée. Parvenir, malgré les nombreuses oppositions, à moderniser le fédéralisme pour l'adapter aux circonstances nouvelles et à venir n'était pas une entreprise facile.

Les exemples de la péréquation financière et de la réforme de la justice prouvent combien le fédéralisme est en prise directe sur les évolutions de la société. Lorsqu'une harmonisation s'impose, il ne l'entrave pas. Pour que ce système puisse continuer à faire ses preuves, les solutions qu'il autorise doivent en permanence être repensées. C'est d'ailleurs ce débat qui contribue au dynamisme de notre fédéralisme.

Il ne faut non plus oublier que le fédéralisme ne fonctionne correctement que si les bases légales adoptées à l'échelon fédéral sont mises en œuvre avec systématique dans les cantons. A y regarder de plus près, le « besoin de légiférer » que l'on brandit fréquemment traduit, bien souvent, une inconsistance dans l'application des lois existantes. Dans différents domaines, la définition d'une démarche uniforme en vue de la concrétisation des mesures qui ont été prises me semble par conséquent indispensable.

V. Conclusion

L'intégration européenne et la mondialisation ont accentué la concurrence entre les Etats, les régions, les villes et les agglomérations. Ce phénomène met le fédéralisme, le principe de subsidiarité et l'autonomie des communes à rude épreuve. La tendance est d'exiger tout de suite une solution globale. De toute évidence, il est indispensable d'unir ses forces afin de créer des conditions propices pour l'économie. Les instruments du système fédéraliste axés exclusivement sur une répartition verticale des pouvoirs ne suffisent plus.

Le problème ne date pas d'aujourd'hui. Il y a sept ans déjà, la Confédération, les cantons et les communes ont fondé la Conférence tripartite sur les agglomérations afin d'aborder, de concert, les problématiques spécifiques des agglomérations, qui touchent tous les échelons de l'Etat et dépassent bien souvent les frontières cantonales. Les cantons, pour leur part, se sont organisés au sein de la Conférence des gouvernements cantonaux. Nous l'avons vu, la justice et la péréquation financière sont autant de thématiques qui ont permis au fédéralisme de faire peau neuve. Certains projets nécessitent une action conjointe des différents partenaires concernés, à l'image de la collaboration engagée avec l'UE. Les accords d'association à Schengen / Dublin en sont un parfait exemple : les cantons ont été associés au processus dès le stade des négociations et siègent en outre dans les comités mixtes.

De nouvelles institutions et de nouveaux instruments ont fait leur apparition, qui au-delà de leurs avantages, ont aussi - cela va de soi - leurs inconvénients. La coordination est l'un des points faibles des systèmes fédéralistes. On critique ainsi souvent et à juste titre la prédominance excessive du pouvoir exécutif dans les organes de coordination. Les nouvelles institutions et les nouveaux instruments qui ont été instaurés démontrent avant tout que le fédéralisme est dynamique, qu'il continue à s'adapter afin d'être à même de relever de nouveaux défis. Un fédéralisme vivant, telle est la clé de l'innovation et de la compétitivité, deux conditions essentielles pour assurer notre réussite à long terme.

Un fédéralisme dynamique constitue donc, Mesdames et Messieurs, un avantage compétitif pour les individus comme pour les entreprises. Je vous remercie de votre attention.

1) Heiko Kubaile, « Die Schweiz zählt in Europa weiterhin zu den ersten Adressen », dans Praxis Internationale Steuerberatung 4/2006, p. 96
2) Edith Lier, « So isst die Schweiz », Beobachter 15/06

Un fédéralisme dynamique, un avantage compétitif pour les individus comme pour les entreprises